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Dans les placards selon les lycées, à leur place selon Blanquer: que sont devenus les autotests scolaires?

245 millions d'euros pour 64 millions d'autotests, arrivés au printemps dernier, seulement 26 millions distribués depuis aux personnels et aux lycéens. À la veille de la rentrée, le coût et l'inutilité apparente de ces millions de kits dormant dans les placards des intendances scolaires font désordre. Ce mercredi matin, Jean-Michel Blanquer a défendu la politique de son ministère.

245 millions d'euros pour 64 millions d'autotests, et seulement 26 millions de ces derniers distribués à ce jour aux personnels et aux lycéens. Voici les chiffres officiels du ministère de l'Education nationale, tels qu'ils ont été dévoilés dès lundi par RTL. Et ils font désordre ce mercredi de pré-rentrée enseignante et veille de rentrée.

Pas la bonne logique

D'autant qu'une écoute un peu attentive lors de son CP permet une implacable soustraction: 64 millions - 26 millions = 38 millions de tests, qui seraient donc dans la nature, en pure perte. Enfin, "dans la nature", plus précisément, au fond de l'ombre de placards scolaires.

C'est en tout cas là que l'une de nos équipes a surpris ces paquets inentamés dans un lycée du 16e arrondissement de Paris qui a accepté d'ouvrir ses portes à nos caméras à l'occasion d'un reportage diffusé ce mercredi. Le bel ordonancement de ces boîtes alignés s'explique fort bien: depuis leur arrivée en mai dernier, seuls cinq élèves se sont autotestés... sur les 750 inscrits au sein de l'établissement. Marianne Dodinet en est la directrice, et elle est par ailleurs membre du syndicat "Indépendance et direction".

"Nous avions 30 boîtes de 25 tests qui nous avaient été livrées et il en reste 26", liste-t-elle.

Pour elle, c'est l'agenda qui n'a pas collé. Recevoir ces équipements - comme l'ensemble des lycées - au moment du printemps, en pleine saison d'examens, n'avait pas de sens, dit-elle:

"Arrivés au moment du baccalauréat, c'était le pire moment pour le mettre en place. La logique - qui était sanitaire et que je peux comprendre - ne tenait pas compte du calendrier de l'Education nationale et d'un lycée."

Le calendrier de l'Education nationale, du lycée, et leur logique, Jean-Michel Blanquer en est par définition le garant. Et, invité ce mercredi matin par France Inter, il a défendu la politique de son ministère. "Tout ça en dit long sur la volonté de faire des polémiques", a-t-il d'abord regretté. "Il n'y a aucune polémique à faire. Avant qu'on les ait, la polémique c'était: 'Pourquoi vous n'avez pas d'autotests? Pourquoi vous n'en achetez pas?' On en a acheté massivement, nous en sommes fiers et ça a été très utile".

"Les autotests dont nous avons besoin"

Il a d'ailleurs contesté les statistiques avancées dans la presse. Ni celles portant sur le budget alloué, ni sur la somme des commandes cependant: il a seulement revu à la baisse le chiffre des autotests encore en circulation, ou réduits à l'immobilité. "Dans ce premier trimestre, ce sont 15 millions d'autotests qui vont nous servir", a-t-il assuré, expliquant dans la foulée cette inadéquation entre ses propos et les chiffres venus de son propre ministère de la rue de Grenelle:

"Nous en avons rendus à des institutions qui en avaient besoin. Donc aucun gâchis, aucun gaspillage, au contraire il y a de la prévision, il y a le nombre dont on a besoin", a-t-il plastronné.

Jean-Michel Blanquer a alors détaillé ces besoins: "15 millions d'autotests en stock, c'est très bien, c'est ce qui nous permet de faire les deux autotests par semaine et par adulte, plus les autotests autant que nécessaire". 

Le désintérêt des parents d'élèves

Au-delà de la bataille des chiffres, un public reste à convaincre. Celui constitué par les parents d'élèves. Une réunion d'information autour de la question doit être organisée dans les lycées à l'occasion de cette rentrée. L'initiative est cruciale pour Olivier Toutain, président de la PEEP, une fédération de parents d'élèves, qui répondait à BFMTV: "La communication va être très importante."

"Mais si les parents ne veulent pas que les autotests soient utilisés sur leurs enfants, il n'y en aura pas", a-t-il aussitôt recadré.

Pour lui, le problème tient moins à une hostilité de principe, à un scepticisme... qu'au manque d'intérêt, au fond, du dispositif. "Si on ne peut pas les utiliser dans le cadre du pass sanitaire, c'est clair que là on est face à une situation que les parents vont voir avec désintérêt puisqu'ils sont obligés de faire tester leur enfant par ailleurs", a ainsi pointé Olivier Toutain.

Les résultats des autotests conduits sous la supervision d'un professionnel de santé, en revanche, sont intégrés au pass sanitaire. Encore ne permettent-ils pas de voyager à l'étranger. En cette période de rentrée, l'obstacle est moins gênant.

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV