BFMTV
Education

"C'est devenu hors de notre portée": la grande galère des étudiants pour se loger avant la rentrée

Une négociatrice immobilière fait visiter un logement à Caen. (Photo d'illustration)

Une négociatrice immobilière fait visiter un logement à Caen. (Photo d'illustration) - MYCHELE DANIAU

La rentrée universitaire approche à grand pas. Mais avec la hausse des prix des loyers et la baisse du nombre de biens à louer, de nombreux étudiants n'ont toujours pas trouvé de logement pour pouvoir commencer l'année. Ils partagent leurs inquiètudes à BFMTV.com.

Chaque soir depuis le début de l'été, Adrien épluche inlassablement tous les sites d'immobilier à la recherche d'un studio à louer à Amiens (Somme) pour sa rentrée en 3e année d'école infirmier. À moins d'un mois de la rentrée de septembre, l'étudiant de 23 ans ne ménage pas ses efforts: tous les soirs, il répond à une dizaine d'annonces à la recherche d'un petit appartement non meublé au loyer avoisinant les 450 euros.

Mais pour l'instant, ses recherches ne donnent rien. Adrien a comme "l'impression de faire face à un mur". Et pour cause, les biens à louer se font rares, et le prix du marché locatif a augmenté de 8,95% sur un an à l'échelle nationale face à la pénurie de logements Crous, comme l'ont montré les récentes études de l'Unef et de la FAGE sur le coût de la vie étudiante.

"Même le plus simple est devenu hors de notre portée"

Le jeune homme est inquiet à l'idée de ne pas savoir où il "va vivre d'ici un mois". Pour lui, "c'est le grand saut vers l'inconnu". "On se demande comment va se passer la rentrée... Si je ne trouve pas, j'ai peur que le mois de septembre ne soit très difficile. Comment je vais gérer ça avec les cours qui reprennent?", s'interroge celui qui craint de devoir commencer l'année universitaire sur le canapé de ses amis, de devoir se rabattre sur un logement éloigné du campus ou même plus cher que prévu.

Désespéré, Adrien envoie désormais des candidatures même lorsqu'il ne rentre plus dans les critères, ou quitte à ce que ce soit au-dessus de son budget. "Je cherchais quelque chose de simple et pratique mais je vais devoir revoir mes attentes à la baisse.... Je crois que je n'ai pas le choix, même ça c'est devenu hors de notre portée. Car il ne faut pas seulement compter sur le loyer mais il y a les frais de déménagement, d'aménagement et d'agence... Et encore, j'ai la chance de pouvoir compter sur l'aide de mes parents".

L'autre problème, c'est que son job d'été d'aide-soignant l'empêche d'enchaîner les visites en journée, comme il le faudrait. "Les contraites sont d'entrée de jeu très importantes. Pour ne pas s'embêter, les propriétaires organisent une ou deux sessions de visites groupées et c'est tout. Ça nous met hors-jeu direct".

"Ça répond très très peu"

De manière générale, "ça répond très très peu" aux candidatures, confirme Léo, étudiant en 2e année de master à Sciences Po Toulouse. "Ou alors simplement pour nous dire que le bien est déjà loué". "C'est: 'Bonjour, j'ai une visite demain ça vous intéresse?' Et si par malheur on ne peut pas, alors c'est fini parce que les propriétaires savent qu'ils auront trouvé un locataire après cette première série de visites".

Axel, lui, a même dû écourter ses vacances pour chercher sérieusement un appartement pour lui et son copain à Clermont-Ferrand, puisqu'il entre en première année en école de service social mi-septembre. Mais le couple est démoralisé par la qualité des biens proposés à la location.

"C'est honteux, on visite des apparts dans des états lamentables: humides, délabrés... Les prix sont bien plus élevés que les années précédentes ou avec des charges de fou. Et pourtant les exigeances des propriétaires sont folles, ils sont extrêmement suspicieux".

Ce que confirme Gauthier Agius, étudiant en journalisme à Toulouse. "On n'est pas à Paris et pourtant là on est à plus de 500 euros pour un 12 m². Dans mon souvenir les années précédentes ça n'atteignait pas ces prix-là!" Par ailleurs, les arnaques et/ou les fausses annonces de personnes malveillantes à la recherche de documents d'identité à s'accaparer sont légion cette année sur les sites de recherche immobilière en ligne, s'accordent à dire les étudiants interrogés.

Des étudiants et des parents désespérés

Depuis qu'elle cherche des locataires pour ces trois appartements à Montpellier, Ségolène* est témoin du désespoir de ces étudiants. Lorsqu'elle publie une annonce pour un de ses studios en ligne à 22 heures, la trentenaire reçoit pas moins d'une centaine de messages dans sa boîte mail dans les cinq minutes.

"Ça va très vite car les étudiants savent que c'est une course de vitesse. Leurs messages et leurs dossiers sont déjà prêts et ils se mettent des alertes pour recevoir une notification à la moindre publication d'une nouvelle annonce et être les premiers".

La concurrence est telle que Ségolène reconnaît qu'il lui est impossible de consulter tous les dossiers, ce qui lui prendrait trop de temps. Elle se dit donc obligée de "faire le tri" parmis les premiers candidats, mais s'étonne toujours du fait que "beaucoup de gens avec de très bons dossiers, qui se portent garants, sont désemparés parce qu'ils ne trouvent pas de logements pour leurs enfants".

Je me dis 'donc si en plus vous n'avez pas un dossier hyper solide, ça paraît compliqué, en effet'".

La jeune propriétaire montpelliéraine, qui a toujours refusé les dessous de table, est "étonnée" et "gênée" de voir que certaines familles sont prêtes à lui payer un an de loyers en avance comme garantie de fiabilité... simplement pour avoir la priorité sur l'appartement. D'autres, encore, "sont même prêts à signer après une simple visite en visio", selon Ségolène.

Le logement, qui est le premier poste de dépenses pour les étudiants, pèse de plus en plus dans le budget des jeunes et de leur famille, selon l'Unef. Les loyers augmentent en moyenne de 1,89%, soit 0,5 point de plus que l'an dernier. La plus forte hausse est à Guyancourt (+9,63%), la plus forte baisse à Orsay (-4,38%). C'est à Paris qu'ils sont les plus élevés (881 euros en moyenne), tandis qu'ils sont les moins élevés au Mans (371 euros).

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV