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TOUT COMPRENDRE - Comment un tir antisatellite russe a entraîné le confinement des astronautes de l'ISS

La Station spatiale international - Image d'illustration

La Station spatiale international - Image d'illustration - NASA / AFP

Les sept astronautes présents à bord de la Station spatiale internationale ont été contraints de se confiner avant de finalement reprendre leurs occupations.

Frayeur en apesanteur. Lundi, les sept astronautes présents dans la Station spatiale internationale -quatre Américains, un Allemand remplaçant de Thomas Pesquet et deux cosmonautes russes- ont été contraints de se mettre à l'abri après que l'ISS a été frôlée à plusieurs reprises par un nuage de plusieurs dizaines de milliers de débris spatiaux. L'alerte avait été donnée par l'agence russe Roscosmos qui signalait la présence de ces objets pouvant potentiellement entrer en contact avec l'appareil et causer des dommages majeurs.

• D'où provient ce nuage de débris?

Selon les premières constatations, ce nuage viendrait d'un test de tir de missile antisatellite par la Russie. Interrogé par l'AFP, l'astronome Jonathan McDowell estime, en déduction des trajectoires de l'ISS et des objets connus, que l'appareil détruit pourrait être un satellite nommé Cosmos 1408, lancé du temps de l'URSS mais qui n'est plus actif depuis les années 1980.

"Le détruire n'était absolument pas nécessaire", a jugé le spécialiste. "Il s'agit d'un test purement militaire."

Selon Ned Price, porte-parole du département d'Etat américain, cette destruction a "généré plus de 1500 débris orbitaux traçables, et des centaines de milliers de morceaux plus petits qui menacent désormais les intérêts de toutes les nations".

Dans un communiqué publié peu après, la Nasa a souligné que la Station spatiale était passée "à travers ou près du nuage (de débris, ndlr) toutes les 90 minutes."

C'est lors des deuxième et troisième passages, entre environ 2h et 4h du matin heure française, que les passagers à bord se sont réfugiés dans leurs vaisseaux, amarrés à la station, afin de se préparer à une éventuelle évacuation d'urgence. Si ces derniers ont pu reprendre place au sein de l'ISS, de nombreuses écoutilles restent actuellement fermées entre différents modules par mesure de précaution.

"Les amis, tout est en ordre chez nous. On continue le travail selon notre programme", a tenu à rassurer sur Twitter le cosmonaute russe Anton Shkaplerov, qui n'évoque pas la provenance des débris.

• Quelles ont été les réactions?

Les condamnations sont unanimes. Dans un communiqué publié lundi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a souligné que "la Russie a conduit de façon irresponsable un test destructeur de missile antisatellite à ascension directe à l'encontre de l'un de ses propres satellites."

Bill Nelson, le patron de la Nasa, s'est quant à lui dit "scandalisé" par ce tir de missile. "Il est impensable que la Russie mette en danger non seulement les astronautes américains et des partenaires internationaux dans l'ISS, mais aussi ses propres cosmonautes", a-t-il dit dans un communiqué.

"Je suis scandalisé par cette action irresponsable et déstabilisatrice."

De son côté, l'agence spatiale russe s'est également faite écho de l'incident, sans toutefois évoquer le tir.

"L'orbite de l'objet, qui a forcé l'équipage aujourd'hui à se rendre dans le vaisseau selon les procédures standard, s'est éloigné de l'orbite de l'ISS", avait tweeté Roscosmos.

Face aux accusations, Moscou a assuré ce mardi que "la sécurité de l'équipage" de la Station spatiale internationale était sa "priorité principale." "Seuls des efforts communs de toutes les puissances spatiales pourront assurer une coexistence aussi sûre que possible et la poursuite des opérations dans le domaine spatial", a encore indiqué Roscosmos dans un communiqué.

• Quelles sont les conséquences à court et moyen terme?

Des tirs antisatellites ont déjà été menés, mais par quatre nations seulement: les Etats-Unis, la Chine, l'Inde et la Russie. Ils sont très critiqués à cause des nombreux débris générés, qui deviennent de dangereux projectiles.

Ils peuvent alors notamment heurter les milliers d'autres satellites en orbite, sur lesquels les pays comptent pour de très nombreuses activités, par exemple de communication ou encore de localisation.

"Les débris créés par ce test dangereux et irresponsable menaceront désormais pour les décennies à venir les satellites et autres objets spatiaux vitaux pour la sécurité, l'économie et les intérêts scientifiques d'autres nations", a accusé Antony Blinken.

Il a promis que les Etats-Unis allaient "travailler avec (leurs) alliés et partenaires pour chercher à répondre à cet acte irresponsable".

En outre, Jonathan McDowell a de son côté annoncé que certains de ces débris devraient se désintégrer en entrant dans l'atmosphère "dans les mois qui viennent", tandis que pour d'autres, cette destruction n'arrivera qu'au bout d'une dizaine d'années.

Le Pentagone a lui déclaré travailler "activement pour caractériser le champ de débris". Il s'agit notamment d'identifier la trajectoire de chacun des objets, afin d'estimer les menaces de collision potentielles.

• Quelle est la procédure d'évacuation de l'ISS?

En cas de danger, la Station spatiale internationale doit pouvoir être évacuée en moins de quatre heures, indique Le Monde, soulignant que ce délai court de la décision de l'évacuation jusqu'à l'atterrissage. Dans cette situation, l'ISS peut être entièrement dirigée depuis le sol tandis que les occupants reçoivent l'ordre de prendre place à bord de capsules de secours, comme ce lundi.

De manière permanente, deux vaisseaux Soyouz sont arrimés à l'ISS. Ils doivent servir à acheminer les passagers à chaque fin de mission. Cependant, en cas d'urgence, ces derniers peuvent aussi être utilisés pour regagner la Terre de manière anticipée.

Depuis les années 1990, la Nasa tente d'avancer sur le projet d'un véhicule nommé Crew Return Vehicle, qui pourrait accueillir jusqu'à sept personnes. Il devrait servir, comme l'explique le site de l'Agence spatiale européenne, "d'ambulance spatiale, de canot de sauvetage et de véhicule de retour alternatif pour l'équipage de la Station spatiale internationale."

• Quels sont les précédents?

Si les faits de ces dernières heures sont impressionnants, ils ne sont cependant pas uniques. En 2011, l'ISS avait déjà été évacuée d'urgence après qu'un débris spatial était passé à moins de 250 mètres de cette dernière. En mars 2009, l'équipage de l'ISS avait également reçu l'ordre de se mettre à l'abri à bord d'un Soyouz pour les mêmes raisons.

Plus récemment, lors d'une opération de routine opérée le 12 mai dernier, les passagers de l'ISS, dont Thomas Pesquet, ont découvert qu'un bras robotique accroché à l'appareil avait été légèrement endommagé, justement par l'un de ces débris orbitaux. "L'espace peut être un environnement difficile et impitoyable pour les robots et les humains qui l'explorent", indiquait alors un communiqué de l'Agence spatiale canadienne.

Le trou dans le bras de l'ISS
Le trou dans le bras de l'ISS © NASA / Agence spatiale canadienne

"La menace de collision est prise très au sérieux. La Nasa dispose d'un ensemble de directives de longue date pour assurer la sécurité de l'équipage de la station. La sécurité des astronautes à bord du laboratoire orbital reste la priorité absolue de tous les partenaires de la Station", apprenait-on encore dans ce même document.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV