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La multiplication des satellites privés vient mettre en danger les missions du télescope Hubble

Une photographie prise par le télescope Hubble, polluée par la trainée d'un satellite

Une photographie prise par le télescope Hubble, polluée par la trainée d'un satellite - NASA, ESA, Kruk et al

Une étude publiée ce jeudi montre qu'une part croissante des clichés pris par le télescope de la Nasa est endommagée par des traînées laissées par les satellites qui gravitent au-dessus de nos têtes.

Une étude parue dans la revue Nature astronomy ce jeudi met en garde contre les dangers qui pèsent sur Hubble. Menacé par le foisonnement des satellites privées qui gravitent au-dessus de nos têtes, les photographies prises par le télescope spatial sont de plus en plus polluées, venant amenuiser son travail scientifique.

Hubble, conçu par la Nasa et l'Agence spatiale européenne, a été lancé le 24 avril 1990. Depuis, il a permis des découvertes majeures - comme la confirmation de l'existence de trous noirs supermassifs - et a réalisé de spectaculaires photographies, comme celle des "Piliers de la création".

Une augmentation de clichés détériorés en 2021

Mais une part grandissante des clichés réalisés par le télescope est polluée par de fines lignes blanches, ou d'épaisses nuées occupant une large partie du cadre. En cause? Le foisonnement des satellites privés qui gravitent au-dessus de nos têtes, et qui passent parfois dans le champ de vision de Hubble, révèle ce jeudi l'étude parue dans Nature astronomy.

Au total, 100.000 clichés pris entre 2002 et 2021 par Hubble ont été analysés par les scientifiques. Les résultats montrent qu'entre 2009 et 2020, le risque de réaliser une image polluée est de 3,7%. Mais ce pourcentage monte à 5,9% pour 2021.

"Avec le nombre croissant de satellites actuellement prévus, la part d'images du télescope spatial Hubble traversées par les satellites augmentera au cours de la prochaine décennie", mettent en garde les auteurs.

Pour l'instant, la part d'images polluées reste limitée. Dans les colonnes du New York Times, un porte-parole de la Nasa a indiqué que "bien que de telles analyses montrent une augmentation des nuées de satellites dans le temps, la plupart d'entre elles sont rapidement retirées, et la majorité des images sont toujours utilisables".

431.713 satellites prochainement mis en orbite

Les auteurs de l'étude de ce jeudi se veulent moins rassurants. En préambule de leurs travaux, ils vont même jusqu'à décrire les satellites privés comme "une menace grandissante pour les observations astronomiques", qui pourraient devenir "inutilisables pour la recherche scientifique, gaspillant une part croissante du budget de recherche dans des infrastructures coûteuses".

Selon les chiffres du New York Times, 431.713 satellites doivent être mis en orbite dans les prochaines années. "Nous allons vivre avec ce problème. Et l'astronomie sera impactée. Certaines études ne pourront pas être réalisées. D'autres seront beaucoup plus chères à réaliser. Il y aura des choses qui nous échapperont", a déclaré au New York Times Jonathan McDowell, astronome à Harvard et membre de l'étude.

Une photographie prise par le télescope Hubble polluée par une trainée d'un satellite.
Une photographie prise par le télescope Hubble polluée par une trainée d'un satellite. © NASA, ESA, Kruk et al

SpaceX, la société spatiale appartenant au milliardaire Elon Musk, est directement pointée du doigt dans l'étude de ce jeudi, pour expliquer la hausse des anomalies observées en 2021. Le 26 janvier dernier, elle a à nouveau mis en orbite 56 nouveaux satellites, la cinquième mission du genre depuis le début de l'année.

SpaceX pointé du doigt

Ces lancements visent à renforcer la couverture internet à haut débit de la société, qui possède déjà 3773 satellites. SpaceX a d'ailleurs indiqué que des "milliers" d'autres satellites allaient être envoyés dans les "prochaines années".

Déjà en mai 2019, la communauté scientifique s'était émue de ces lancements de satellites à tout-va de la part d'entreprises privées, craignant qu'ils ne viennent perturber leurs observations de l'espace. Dans un tweet, Elon Musk avait à l'époque répondu que "de toute façon, nous devons envoyer les télescopes en orbite".

Mais Hubble, dont la qualité des clichés est impactée par les satellites privés, est déjà en orbite. Dans le futur, la seule solution qui reste à disposition des astronomes est d'envoyer encore plus loin dans l'espace leurs télescopes, au-delà des satellites privées. Le New York Times rappelle cependant que les télescopes actuellement développés ne vont pas dans ce sens.

Jules Fresard