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Variole du singe: face à la hausse des cas, le contact tracing arrêté au profit de la vaccination

Vue au microscope de la variole du singe en 2011

Vue au microscope de la variole du singe en 2011 - CYNTHIA S. GOLDSMITH / CENTERS FOR DISEASE CONTROL AND PREVENTION / AFP

Les autorités françaises donnent un coup d'accélérateur à la campagne de vaccination contre la variole du singe. Une mesure de prévention privilégiée au traçage des contacts de personnes malades.

Un dispositif délaissé au profit de la vaccination. Deux semaines après l'élargissement de la vaccination de la variole du singe, les autorités sanitaires ont acté l'abandon du processus de contact tracing visant à prévenir les contacts d'une personne malade.

L'ARS Île-de-France a en effet indiqué la semaine dernière que ce processus "n'est plus effectué à chaque déclaration de cas, pas contre le contact warning est vivement conseillé à chaque fois".

Contactée par BFMTV.com, la Direction générale de la santé répond que, selon Santé publique France, "seuls 40% à 45% des cas sont en capacités d’identifier leurs contacts à risque".

"Il faut souligner que si le contact-tracing n’est plus réalisé systématiquement, l’information des contacts dont il a connaissance par le cas est une recommandation forte de santé publique", poursuit la DGS dans sa réponse, affirmant que "des outils pour aider les personnes dans cette démarche sont en cours de développement".

"En pratique, ça n'est pas possible"

Un choix annoncé il y a plusieurs jours déjà, alors que le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général, de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé samedi de déclencher le plus haut niveau d'alerte pour tenter de juguler la flambée de variole du singe. La dernière fois que l'organisation onusienne avait déclaré une telle urgence de santé publique de portée internationale était en janvier 2020 avec le Covid-19.

À titre de comparaison, on dénombre désormais 11.915 nouveaux cas de Covid-19 ces dernières 24 heures, une maladie plus contagieuse et pour laquelle le contact tracing n'a que peu d'intérêt en cas de forte reprise épidémique. Plus de 1700 cas de variole du singe ont été confirmés en France dont près de la moitié en Île-de-France.

Parmi ceux-ci, la très grande majorité sont des hommes: seulement sept femmes et deux enfants ont contracté la maladie. Moins de malades, donc plus de chance d'arrêter les chaînes de contamination. Raison pour laquelle la décision des autorités françaises a suscité une vague d'indignation et de colère sur la toile, notamment de la part de personnes LGBT.

Le dispositif de contact tracing est-il donc plus adapté à cette épidémie qu'à celle du Covid-19? "Je ne crois pas", répond Benjamin Davido à BFMTV.com. L'infectiologue à l'hôpital Raymond Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine) pèse le pour et le contre du contact tracing pour cette épidémie qui certes "ne joue pas dans la même cour" que celle de Covid-19.

"En pratique ça n'est pas possible, il est extrêmement difficile de remonter les chaînes de transmission", explique-t-il à BFMTV.com, ajoutant que trois quarts de ces patients sont incapables de lui dire comment et par qui ils se sont contaminés.

La vaccination "plus apte" à stopper l'épidémie

Benjamin Davido juge par ailleurs que le fait de retracer les contacts d'un malade du monkeypox "n'a plus de sens avec la vaccination et son élargissement [...] ce n'est pas la panacée". Une "fausse bonne idée" donc pour l'infectiologue qui estime que le problème réside principalement dans la faible campagne de prévention des autorités sanitaires: "on a oublié d'en faire".

"Il faut être pragmatiques et efficaces dans cette nouvelle crise sanitaire et cela passe certainement par des messages de prévention classiques", relève pour BFMTV.com l'épidémiologiste Antoine Flahault. Le directeur de l'Institut de santé globale de Genève juge aussi "très difficile" le traçage des contacts avec le monkeypox: "dans la grande majorité des cas actuels, il s’agit d’hommes ayant eu des relations sexuelles avec de multiples autres hommes, parfois inconnus".

Antoine Flahault liste notamment comme mesures de prévention l'isolement des cas pendant au moins trois semaines associé à la quarantaine des contacts, suivis de port de préservatifs pendant encore 12 semaines après l’isolement. "Mais cela risque d’être insuffisant", redoute l'épidémiologiste, "il est fort probable que certaines personnes contaminées décideront de continuer à vivre comme avant malgré les recommandations et il faut tenter de stopper les chaînes de contaminations chez elles aussi".

"Une approche pragmatique fondée sur le vaccin et les médicaments disponibles semble plus apte à casser les chaînes de contaminations", juge donc l'épidémiologiste.

Appel à travailler étroitement avec les associations LGBTQ+

Le ministre de la Santé François Braun a annoncé l'ouverture en Île-de-France d'un centre "de grande capacité" de vaccination contre la variole du singe. En outre et à, compter de ce mardi, ce sont tous les étudiants en médecine qui vont pouvoir vacciner contre le virus.

"On dispose dès le début de cette épidémie à la fois de tests PCR, d’un vaccin homologué et d’antiviraux que l’on espère efficaces", relève Antoine Flahault.

Le directeur de l'Institut de santé globale de Genève estime donc que les autorités sanitaires devraient s’associer les compétences et la collaboration des associations d’activistes représentant les communautés LGBTQ+ "tant pour assurer une communication efficace que pour susciter l’adhésion des patients aux mesures préconisées". Pour Benjamin Davido aussi, c'est "la conjonction d'armes", autrement dit de mesures de prévention, qui doit s'imposer pour accélérer la campagne de vaccination et ainsi ralentir les contaminations.

Hugues Garnier Journaliste BFMTV