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Vaccin: la deuxième dose est-elle nécessaire pour protéger contre le Covid-19?

Afin de distribuer le sérum au plus grand nombre, le Royaume-Uni a décidé de se limiter à l'administration d'une seule dose, repoussant le rappel à la douzième semaine. Une décision qui fait débat.

Une dose plutôt que deux? Dans la course au vaccin contre le Covid-19, la question est sur la table car ce nouveau protocole pourrait permettre d'injecter le sérum à une population plus large, plus rapidement. En principe, les vaccins anti-Covid comportent deux doses dont l'administration doit être espacée de trois ou quatre semaines en fonction des laboratoires qui les ont conçus.

Sans ce rappel, l'antidote perdrait en efficacité. Mais le Royaume-Uni, premier à avoir lancé sa campagne de vaccination, a décidé de repousser le rappel à douze semaines afin de distribuer toutes les doses dont il dispose au plus grand nombre.

Une protection élevée dès la première dose

"Dans les circonstances auxquelles nous sommes actuellement confrontés, je pense que la meilleure utilisation des stocks de vaccins est de donner la première dose à autant de personnes à haut risque que possible", préconisait déjà le 23 janvier 2020 dans le Guardian David Salisbury, ancien spécialiste de l'immunisation au sein du ministère de la Santé, comme le rappelle Le Parisien.

Une initiative jugée "héroïque" par le généticien Axal Kahn alors que le Royaume-Uni est confronté à une nouvelle variante du Covid-19 depuis quelques semaines qui s'avère beaucoup plus contagieuse.

Mais repousser le rappel du vaccin implique-t-il nécessairement une efficacité moindre du sérum? L’épidémiologiste Michael Mina et la sociologue des sciences Zeynep Tufekci se sont posés la question dans une tribune publiée dans le New York Times et citée par Le Monde. Ils expliquent ainsi que le vaccin conçu par le laboratoire Moderna apporte une protection de 92% contre le virus dès la première injection. Celle-ci augmente seulement de deux points après la deuxième dose.

Quant au sérum concurrent de Pfizer-BioNTech, il a une efficacité de plus de 80% dès la première injection. Le troisième vaccin entré sur le marché, celui de la firme anglo-suédoise AstraZeneca, conserverait quant à lui une efficacité proche de 70% pendant douze semaines. De quoi conforter les Anglais dans leur décision de repousser l'administration du rappel.

"Jouer aux apprentis sorciers"

Mais certains émettent des doutes. Si l'immunologiste Stéphane Paul, membre du Comité Vaccin Covid-19, admet auprès du Parisien qu'il s'agit d'une "stratégie intéressante de vouloir toucher plus de monde", il souligne que "les essais cliniques n'ont pas été faits sur cette base de repousser la deuxième injection. On sait que le vaccin Pfizer est efficace à 95% avec deux doses. Le reste, on ne peut pas savoir".

"La production d’anticorps neutralisant n’apparaît qu’avec la deuxième injection, précise au Monde Jean-Daniel Lelièvre, chef du département d’immunologie clinique et de maladies infectieuses à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil. "Le rôle de la deuxième injection est de faire durer l’immunité. Rien ne dit pour le moment que la première dose seule offrira cette même protection", ajoute-t-il.

Cette stratégie de vaccination d’urgence portera-t-elle tout de même ses fruits? Il est pour l'instant trop tôt pour le dire. Michael Mina et Zeynep Tufekci recommandent de suivre les effets sur les volontaires qui ont quitté les essais avant la seconde injection.

En attendant, la France, elle, maintient sont choix d'une campagne de vaccination plus lente en conservant l'administration des deux doses. "Ce serait extrêmement dangereux et jouer aux apprentis sorciers que de changer", conclut dans les colonnes du Parisien l'infectiologue Benjamin Davido.

Ambre Lepoivre Journaliste BFMTV