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TOUT COMPRENDRE - Rentrée sous Covid-19: quel est l'intérêt des capteurs de CO2 dans les écoles?

Un capteur de CO2 dans une classe Lilloise

Un capteur de CO2 dans une classe Lilloise - BFM Lille

Les capteurs de CO2 permettent de savoir à quel moment il est nécessaire d'aérer une pièce, une informations d'importance alors que le SARS-CoV-2 se transmet par aérosols, en particulier dans les espaces confinés. Explications.

"L'équipement des écoles et des établissements en capteurs de CO2 est désormais recommandé", écrit le ministère de l'Education sur son site. Après une première recommandation en avril dernier, le gouvernement a préconisé pour la rentrée scolaire de ce 2 septembre la mise en place de capteurs de dioxyde de carbone (CO2), et ouvre la voie à un financement potentiel. Ces outils permettent de juger le besoin d'aération des classes, un paramètre important dans le cadre de la politique anti-Covid-19 à l'école, alors que le variant Delta continue de se propager.

"Sur les capteurs de CO2 nous encourageons la généralisation de leur utilisation et de leur usage dans l'ensemble du système scolaire", a annoncé le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer la semaine dernière lors d'une conférence de presse de rentrée.

• Comment fonctionnent les capteurs de CO2 ?

Ces détecteurs placés dans une salle permettent d'y mesurer la concentration de CO2 dans l'air et de juger le besoin d'aération, ils "agissent comme des 'thermomètres'" du CO2, a expliqué Jean-Michel Blanquer. Dans un rapport du 28 avril, le Haut Conseil de la Santé Publique recommande de "mettre en œuvre des actions d’aération et d’assurer le bon fonctionnement de la ventilation lorsque la concentration dépasse 800 ppm en CO2".

Schéma mesurant la concentration en CO2 dans une salle de collège
Schéma mesurant la concentration en CO2 dans une salle de collège © Haut Conseil de la santé publique

Cet outil était déjà utilisé dans certains établissements scolaires en France, dans une logique d'évaluation de la pollution, mais aussi en Allemagne et en Angleterre pour tenter de contrôler l'épidémie de Covid-19.

Les capteurs "mesurent la qualité de l’air ambiant et rendent compte du résultat en temps réel grâce à des voyants de couleur : vert, le renouvellement de l’air est bon, orange, il est conseillé d’aérer, et rouge, il est nécessaire d’aérer", explique la mairie de Lille sur son site. "Leur déploiement permet de sensibiliser aux bonnes pratiques, et de renforcer les conditions de sécurité sanitaire dans les établissements scolaires".

On sait en effet que le virus se transmet par aérosols, et plus facilement dans les espaces fermés. La mesure de CO2 ne permet ainsi pas d'évaluer directement la présence ou non du SARS-CoV-2, mais "c'est un outil qui va nous permettre de nous dire si les conditions sont favorables pour la circulation du virus", expliquait à BFMTV Lille Charlotte Brun, adjointe à la mairie de Lille, en charge de l'Education.

• Est-ce efficace pour lutter contre le Covid-19 ?

L'aération, fait partie "des éléments clés qui nous ont permis de traverser la crise jusqu'à présent et d'avoir l'objectif d'ouvrir les écoles", a déclaré Jean-Michel Blanquer. Toutefois, "le capteur de CO2 n'est évidemment pas central dans la stratégie de gestion de la crise sanitaire" a-t-il précisé, "ce qui est le plus important c'est surtout d'aller ouvrir les fenêtres le plus souvent possible".

Le 19 août, des médecins et enseignants s'étaient alarmés dans une tribune publiée dans Le Monde du manque de mesures dans les écoles, alors que le variant Delta continue de se propager. "Les fenêtres doivent être bien plus fréquemment ouvertes et la recommandation d’équiper les établissements de détecteurs de CO2 ne peut suffire : cela doit être la règle", réclamaient-ils. Plusieurs syndicats enseignants réclamaient également à ce que cette mesure soit généralisée depuis le printemps dernier.

Pour l'APPA (association pour la prévention de la pollution atmosphérique), le médecin biologiste Fabien Squinazi a piloté un rapport scientifique publié en juin préconisant "l'aération et la ventilation" naturelles comme "principes clés" pour assurer une qualité d'air optimale. En clair: ouvrir les fenêtres dix minutes chaque heure pour faire entrer de l'air neuf extérieur.

"Vacciner, tester très régulièrement: voilà les deux seules façons [d'endiguer l'épidémie]. Si se laver les mains, porter le masque et ventiler suffisaient, nous aurions contrôlé la situation depuis bien longtemps et ne serions pas dans la panade dans laquelle nous sommes aujourd’hui", déclare de son côté l'épidémiologiste Catherine Hill à L'Obs.

La distanciation sociale, les gestes barrières, et la pratique du test ou de la vaccination pour les plus de 12 ans restent donc encore au coeur de la prévention anti-Covid-19 dans les établissements scolaires. Le détecteur de CO2 est pour le moment utilisé comme un outil supplémentaire à ces autres mesures.

• Toutes les classes seront-elles équipées à la rentrée ?

Si certains territoires avaient commencé à s'équiper en capteurs avant la fin de l'année scolaire 2020-2021, toutes les classes n'en seront pas munies au retour des élèves jeudi. A Cannes (Alpes-Maritimes), "les 230 classes des 32 écoles communales et les 10 crèches cannoises seront toutes équipées" de détecteurs mais aussi de purificateurs d'air à la rentrée, assure la mairie sur son site.

"C'est trop tard pour lancer de tels plans d'équipement" déclare de son côté à BFMTV Delphine Labails, maire de Périgueux (Dordogne) et présidente de la commission éducation à l'Association des maires de France. "En revanche je crois que ni nous, ni les élus, ni les services de l'Etat ne pensions que le virus évoluerait de telle manière, qu'on serait confronté à un tel pic épidémique sur cette rentrée, et peut-être que nous avons manqué un peu de vigilance et d'anticipation".

La région Occitanie a assuré à BFMTV que des capteurs de CO2 avaient été installés dans toutes les cantines des lycées, ce qui représente 225 détecteurs au total. En Île-de-France également, des capteurs de CO2 sont installés dans toutes les cantines des lycées. Ces lieux de restauration scolaires ont effet plusieurs fois été pointés du doigt comme étant des lieux de contamination.

Le coût de ces capteurs - entre 150 et 200 euros l'unité - empêche certains établissements d'en obtenir. Il est en effet à la charge des collectivités territoriales, et toutes ne peuvent pas soutenir le financement. "En plein milieu d'année, le budget a été fait et il est compliqué de trouver des ressources en plus", explique ainsi à France Info le maire d'Offemont (Territoire de Belfort), une petite ville de 4000 habitants.

"Les modalités ne sont pas encore définies mais ce que nous savons c'est que sur les territoires où cela sera nécessaire, l'Etat devrait nous accompagner pour acheter ces outils", explique Delphine Labails. "Nous travaillons avec les collectivités locales pour que au cas où elles auraient des difficultés financières pour faire cette acquisition nous puissions les aider" a assuré de son côté Jean-Michel Blanquer.

• Et les purificateurs d'air ?

La question des capteurs de CO2 est souvent discutée avec celle des purificateurs d'air, qui permettraient de renouveler l'air dans une pièce sans ouvrir les fenêtres. Pour l'épidémiologiste Antoine Flahault, des purificateurs d'air doivent être ajoutés "si les fenêtres ne peuvent pas s'ouvrir", explique-t-il à l'AFP.  Mais le gouvernement reste pour le moment mesuré sur ce sujet, même si plusieurs écoles s'en sont déjà muni.

"S'agissant des purificateurs d'air, les autorités sanitaires nous ont toujours demandé de faire preuve de discernement. Rien ne remplace le fait d'ouvrir les fenêtres", avait expliqué Jean-Michel Blanquer dans le JDD. "Ces purificateurs d'air peuvent être utiles surtout pour certaines salles impossibles à aérer suffisamment par les fenêtres".

Pour sortir de l'imbroglio, le député Matthieu Orphelin (EELV) a réclamé fin août la mise en place d'un "comité d'actions pour une stratégie qualité de l'air - Covid dans les écoles" associant tous les acteurs concernés: les enseignants, les parents, les directeurs, médecins, experts de la qualité de l'air ou encore les représentants des collectivités. 

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV