BFMTV
Santé

Qu'est-ce que la Pregabaline, la "nouvelle drogue du pauvre" qui fait l'objet d'un trafic international?

Plus de 280.000 comprimés de Lyrica ont été saisis à Marseille. Ce médicament prescrit pour traiter l'épilepsie, les troubles anxieux généralisés et les douleurs neuropathiques est détourné comme produit stupéfiant.

Trois personnes, domiciliées à Marseille (Bouches-du-Rhône), ont été placées en détention provisoire le 19 avril dans le cadre d'une vaste enquête sur un trafic international de médicaments. Selon le parquet, la quantité importée a été évaluée à 288.911 pilules de prégabaline pour un montant total de 577.822 euros à la revente.

En novembre dernier, la douane française alertait sur le nombre croissant de saisies de prégabaline, plus connu sous son nom commercial de Lyrica. Banal comprimé rouge et blanc ou rose, ce médicament est détourné en raison de son utilisation comme produit stupéfiant.

Médicament détourné

En France, son autorisation de mise sur le marché date de 2004. La prégabaline est un médicament prescrit pour traiter l'épilepsie, les troubles anxieux généralisés et les douleurs neuropathiques (après un zona ou pour les personnes diabétiques, par exemple). L'usage détourné de ce médicament peut provoquer des effets désinhibant et stimulants proches de ceux provoqués par les opiacés, mais à moindre coût.

"On pourrait penser que cela ne concerne que les toxicomanes, mais cela n'est absolument pas le cas", explique à France 3 Joëlle Micallef, directrice du CEIP-Addictovigilance PACA Corse.

"Les premiers patients que l’on a vus étaient des mineurs étrangers isolés vivant dans des conditions très difficiles, avec un stress lié à la migration et qui voient dans ce produit un remontant", témoigne auprès de 20 minutes le président de la Fédération Addiction Jean-Michel Delile.

Progressivement, l'utilisation de ce médicament s’est propagée parmi une population précaire vivant dans la rue. En outre, des personnes qui se vont vues prescrire légalement ce médicament peuvent également devenir dépendantes.

"Drogue du pauvre"

La prégabaline est parfois surnommée "la drogue du pauvre". En effet, un comprimé est en général vendu environ 2 euros l'unité. En pharmacie, une boîte de Lyrica 300mg coûte environ 23 euros pour 56 comprimés, ce qui permet de faire facilement du bénéfice, et qui explique donc la hausse du trafic.

Cette drogue est "régulièrement vendue par des réseaux de délinquance urbaine également actifs dans la vente illégale de cigarettes et de tabacs", écrit la direction générale des douanes.

L'usage détourné de ce médicament est constaté depuis plusieurs années dans l'Hexagone, notamment dans le cadre d'ordonnances falsifiées ou de nomadisme médical et pharmaceutique, c'est-à-dire la multiplication, par un même patient, de consultations chez des praticiens différents pour un même objet, dans une période de temps rapprochée.

Face à cette situation, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a restreint en 2021 les conditions de prescription de la prégabaline. Pour en obtenir, il faut passer par une ordonnance sécurisée et infalsifiable d'une durée maximale de six mois.

Un changement qui entraîne parfois des intimidations de médecins. "Ils font un peu peur, souvent ils ne viennent pas tout seul... Moi, j'ai toujours refusé d'en prescrire, mais il faut négocier", témoignait à BFMTV Jean-Jacques Fraslin, médecin généraliste.

Des risques importants

Comme le note l'ordre des pharmaciens sur son site, "l'usage détourné est essentiellement à visée de défonce/euphorie dans un contexte de polyconsommation de substances psychoactives, mais aussi à visée anxiolytique, antalgique ou hypnotique. Dans plus de la moitié des cas, elle est ainsi associée à une autre substance".

"Les effets secondaires peuvent être soit une hyperexcitation ou, au contraire, l'effet d'endormissement, limite de shoot", explique à BFMTV David Saada, pharmacien.

L'agence nationale du médicament rappelle que la prise de la prégabaline a trop forte dose peut entraîner une dépendance et des risques pour la santé allant jusqu'à l'overdose. Les principales complications liées sont des troubles de la conscience, une désorientation, une confusion et peuvent conduire au coma, à l'insuffisance respiratoire et au décès.

"La prégabaline pourrait diminuer le seuil de tolérance aux opioïdes, ce qui entraînerait un risque augmenté de dépression respiratoire et de décès liés aux opioïdes", écrit également l'agence.

Salomé Robles