BFMTV
Santé

Moins de nitrites et de nitrates dans la charcuterie: pourquoi ces additifs sont-ils dangereux?

D'après certaines associations, chaque année 4000 cas de cancers, liés à la consommation de charcuterie, seraient évités si les additifs nitrés étaient complètement interdits.

Le gouvernement a présenté lundi un plan d'action prévoyant des "baisses immédiates d'additifs nitrés" d'environ 20% d'ici un mois pour les produits de charcuterie de grande consommation, notamment les jambons cuits, les lardons, les rillettes ou les saucissons secs. Cette décision intervient après une publication de l'agence sanitaire (Anses) en juillet, confirmant un lien entre risque de cancer et exposition aux additifs nitrés.

En pointe dans la lutte contre ces additifs, l'association de défense des consommateurs Foodwatch et la Ligue contre le cancer ont dénoncé mardi "la frilosité du gouvernement, qui se contente surtout de réductions sur base d'engagements volontaires des industriels".

Des risques de cancer confirmés

Les nitrites et les nitrates existent de façon naturelle dans notre environnement, mais ils peuvent être également ajoutés intentionnellement dans l'alimentation, sous la forme d'additifs alimentaires, avec notamment un rôle de conservateur. Résultat, "notre alimentation nous expose quotidiennement aux nitrites et aux nitrates", écrivait l'Anses en juillet.

Soupçonnés depuis des années d'avoir un effet néfaste sur la santé, l'agence sanitaire a confirmé cet été "l’existence d’une association entre le risque de cancer colorectal et l’exposition aux nitrites et/ou aux nitrates". Et "plus l’exposition à ces composés est élevée, plus le risque de cancer colorectal l’est également dans la population."

D’autres risques de cancers sont également suspectés, "mais les données disponibles ne permettent pas, à ce jour, de conclure à l’existence d’un lien de causalité", précise l'agence sanitaire.

En janvier, la consommation élevée de nitrites avait également été associée à un risque accru de développer un diabète de type 2.

En ce sens, l'agence sanitaire appelle depuis plusieurs mois à la réduction de l'utilisation d'additifs nitrés dans les produits commercialisés, notamment la charcuterie. Pour limiter son exposition aux nitrates et aux nitrites, l'agence sanitaire recommande également de limiter à 150 grammes par semaine et par personne la consommation de charcuterie (soit l’équivalent de trois tranches de jambon environ) et à 500 grammes par semaine de viande rouge.

Pourquoi ne pas les interdire totalement?

Du côté des charcutiers, on plaide la sécurité sanitaire dans l'utilisation de ces additifs. Historiquement, cette profession recourt à ces composants pour allonger la durée de conservation des produits et prévenir le développement de bactéries pathogènes à l'origine notamment du botulisme, une affection neurologique grave largement oubliée du fait des progrès sanitaires.

"Je n'ai pas d'autres solutions pour garantir la sécurité sanitaire", assure à BFMTV Joël Mauvigney, président de la confédération nationale des charcutiers-traiteurs, "il y encore en France des cas de botulisme et là ça ne pardonne pas". Ce nombre est toutefois extrêmement faible, avec en 2017 quatre foyers de botulisme recensés en France totalisant cinq malades, rapporte ainsi Santé Publique France dans un rapport de 2019 sur le sujet.

Camille Dorioz, responsable des campagnes à Foodwatch, souligne de son côté l'existence de charcuteries sans nitrite déjà dans nos rayons, ce qui prouve qu'il est possible de se passer de cet additif.

"Le jambon de Parme, 20 ans sans nitrite, aucun problème bactériologique", ajoute-t-il également, "on sait faire depuis longtemps, la question c'est est-ce qu'on est prêt à le faire?"

"Pourquoi ne pas aller plus loin quand on a quelque chose de cancérogène, lié à un risque de cancer dans notre nourriture?" interroge-t-il sur BFMTV, ajoutant qu'il "n'y a pas de bonne dose pour quelque chose de cancérogène dans notre alimentation, cela n'existe pas."

D'après la Ligue contre le cancer, "4000 cas de cancers par an liés à la consommation de charcuterie pourraient être évités en interdisant ces additifs."

Dans son plan, en plus de la baisse immédiate de 20%, le gouvernement parle de baisses à court terme (6-12 mois) de 25 à plus de 30% sur d'autres produits, comme "les saucisses, saucissons cuits, pâtés, rillettes, andouilles et andouillettes". La suppression totale de l'utilisation de cet additif est envisagée d'ici 5 ans, "dans la plupart des produits de la charcuterie", si des solutions de remplacement sont trouvées.

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV