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"La hantise des oncologues radiothérapeutes": comment un hôpital s'est trompé de sein en traitant un cancer

Malgré les différentes étapes du traitement, l'erreur n'a été repérée qu'après 25 séances de radiothérapie sur les 28 prévues. Une bévue qui pourrait avoir des conséquences sanitaires pour la patiente.

"Une erreur grave, qui a profondément marqué les équipes." Lors d'un point presse organisé mercredi, la directrice générale du CHRU de Tours Floriane Rivière est revenue sur l'incident rarissime qui s'est produit dans son établissement. Dans un communiqué, l'Agence de sûreté nucléaire (ASN) rapporte qu'une femme soignée pour un cancer du sein y a reçu une série de rayons sur le mauvais sein au printemps dernier. L'erreur n'a été détectée qu'après 25 séances de radiothérapie sur les 28 prévues.

Comment expliquer ce dysfonctionnement? Selon l'ASN, un médecin se serait trompé en écrivant "sein droit" à la place de "sein gauche" sur "le compte-rendu de la consultation médicale initiale", ce qui aurait conduit ensuite à l'erreur médicale par le service d'oncologie et de radiothérapie de l'établissement.

"Le centre a identifié que c'est au moment de l'étape dite de contourage que l'erreur s'est produite, l'étape qui consiste à délimiter la zone qui doit être traitée. Il y a potentiellement une lésion à un endroit qui n'était pas censé être traité", résume auprès de BFMTV Pierre Bois, directeur général adjoint de l'Autorité en sûreté nucléaire.

Compte tenu du surdosage de la région traitée à tort et du risque potentiel d’effets secondaires, l'ASN a classé cet événement au niveau 2 sur une échelle de 0 à 7 allant par ordre croissant de gravité pour la patiente, synonyme d'une "altération minime ou nulle de la qualité de vie."

"Un tas de processus"

Au-delà de l'erreur initiale, de nombreux manquements ont également eu lieu au cours du suivi de cette radiothérapie. Isabelle Parillot, oncologue radiothérapeute, estime que ces erreurs sont liées à plusieurs facteurs.

"Les techniques modernes ne permettent plus au patient, dans certaines conditions, de s'apercevoir qu'on les traite du mauvais côté. C'est la même chose pour les professionnels, quand le traitement est lancé, si on ne vérifie pas effectivement à chaque séance, on peut ne pas s'en apercevoir", dit-elle.

Invité sur BFMTV ce jeudi matin, l'oncologue radiothérapeute Avi Assouline s'étonne de cette erreur qui est selon lui "la hantise des oncologues radiothérapeutes."

"Je dirais que tous les processus sont faits pour éviter ces erreurs rares et graves. Il suffit de se parler avec le patient, avec les équipes, les médecins et manipulateurs radio", dit-il.

Selon lui, les différents "process" engagés au moment de la consultation médicale et notamment la présence "d'une cicatrice" au niveau du sein à traiter auraient du alerter.

"Il y a un tas de processus qui arrivent au traitement, on n'arrive pas comme ça sur la table de radiothérapie en étant allongé et avec une machine qui va tirer sur le sein droit plutôt que le sein gauche. Dans tous les processus, il y a des verrous de sécurité pour éviter ce genre d'erreurs", ajoute le spécialiste.

Quels risques à long terme?

Tout en précisant qu'une "rigueur extrême dans toutes les étapes et pour tous les professionnels" doit être de mise dans ce genre de traitement, Avi Assouline alerte sur les possibles complications dont pourrait souffrir la patiente, qui n'a pas souhaité porter plainte et poursuit son traitement dans l'établissement.

"À terme il y a des risques de cancers radio-induits, les rayons X peuvent paradoxalement entraîner un cancer dans les années qui suivent. La patiente doit bénéficier d'un suivi très strict", signale-t-il.

Ce n'est pas la première fois que le CHRU de Tours est pointé du doigt pour une erreur du même type, survenue plus tôt dans l'année. En France, on estime à entre 2 et 5 les événements du même type depuis 2011, sachant que 4 millions de séances sont réalisées chaque année, pour 180.000 patients.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV