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Jusqu'à 1,4 an de plus: pourquoi l'espérance de vie est plus longue en ville qu'à la campagne

Selon une étude, l'écart d'espérance de vie entre ruraux et urbains peut aller jusqu'à 1,4 an en France. Un chiffre qui s'explique notamment par les difficultés d'accès aux soins dans certains départements.

Les écarts d'espérance de vie entre ruraux et urbains s'aggravent depuis 30 ans malgré un effet Covid positif, ce qui équivaut à 14.216 décès annuels supplémentaires en milieu rural, selon une étude publiée vendredi et commandée par l'Association des maires ruraux de France (AMRF).

Cette étude confiée au géographe Emmanuel Vigneron est une "mise à jour" d'une précédente, sortie en 2020, qui avait révélé un écart d'espérance de vie allant jusqu'à 2,2 ans chez les hommes habitant les zones très rurales par rapport à ceux du centre des grandes villes.

L'espérance de vie s'est améliorée deux fois plus vite en ville

Au cours des deux dernières années marquées par la pandémie, l'écart s'est réduit pour passer à 1,4 an entre 1990 et 2021 chez les hommes, et à 0,8 chez les femmes, contre 2,2 et 0,9 entre 1990 et 2019. De fait, de nombreuses études "ont montré que la Covid-19 a été plus létale en milieu dense". 

Mais ces écarts "demeurent marqués entre départements ruraux et départements urbains", souligne l'étude, qui juge l'amélioration récente "plus conjoncturelle que structurelle".

Alors que ruraux et urbains "étaient égaux en 1990, la situation observée dans les départements ruraux en 2022 est comparable à celle mesurée avant 2010 en milieu urbain: soit un retard de 15 ans".

Ce qui signifie qu'au cours des 30 dernières années, l'espérance de vie "s'est améliorée deux fois plus vite en ville qu'à la campagne".

14.000 morts en plus dans zones rurales

Selon une carte de l'indice comparatif de mortalité (ICM) à l'échelle des 1666 bassins de vie, le facteur principal de risque de mortalité en France reste la géographie régionale, le Nord enregistrant un risque très supérieur à la moyenne nationale.

Mais à l'échelle d'un même département, cet ICM peut varier du tout au tout selon qu'on se trouve dans la ville-centre, en général une préfecture, qui concentre les services de santé, ou en milieu très rural. Ainsi dans le Puy-de-Dôme, l'ICM, de 91 à Clermont-Ferrand, ne cesse d'augmenter à mesure qu'on s'éloigne de la ville.

Au total, ce sont "14.216 décès par an en plus dans les zones rurales que ce qui serait attendu si l'espérance de vie y était identique à celle des villes".

Des malades chroniques moins bien suivis

Ce sont notamment les difficultés rencontrées pour accéder aux soins qui permettent d'expliquer ces écarts.

"Les malades chroniques vont être moins bien suivis dans les zones rurales parce qu'il va y avoir des difficultés d'accès à un médecin traitant, (...) il y a aussi moins de kinés, moins d'infirmières, (...) l'état de santé d'une partie de la population va empirer plus vite que si elle était bien suivie dans une zone plus dense", explique Jean-Pierre Thierry consultant santé pour BFMTV.

Même constat pour Isabelle Dugelet, maire de La Gresle (Loire), qui pointe aussi les délais pour accéder aux services d'urgences.

"On sait qu'en cas d'infarctus il y a un délai d'une demi-heure pour une prise en charge pour pouvoir survivre, (...) mais quelque fois ce délai est trop court pour rejoindre les urgences", déplore-t-elle sur BFMTV, dénonçant une "destruction du service de santé qui existe depuis très longtemps.

Des zones de surmortalité

L'étude révèle aussi des "effets de bordure" avec des zones de surmortalité situées "aux limites des départements et très souvent aux marges des régions à cheval sur deux ou trois départements", zones qualifiées de "délaissées". 

L'AMRF, qui alerte régulièrement sur les déserts médicaux, formule plusieurs propositions, comme faciliter l'installation des professionnels de santé en vue de leur meilleure répartition géographique.

E.R. avec AFP