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Déserts médicaux: un pont aérien établi entre Dijon et la Nièvre pour y transporter des médecins

Huit médecins sont arrivés ce matin par avion à Nevers, dans la Nièvre. Ils venaient de Dijon, à trois heures en voiture de la ville qui souffre d'un manque de médecins. Le dispositif suscite des critiques concernant son bilan carbone.

La mesure illustre les besoins de certains déserts médicaux. Un pont aérien de soignants a été établi ce jeudi entre Dijon et la Nièvre, désert médical, malgré les critiques sur l'impact environnemental.

Huit médecins sont arrivés peu avant 9h à Nevers, sous une légère bruine et un froid mordant, avant de rejoindre l'hôpital de la ville, chef-lieu de la Nièvre (200.000 habitants). Ils devaient retourner à Dijon le soir-même.

35 minutes de trajet

Ce "pont aérien" a pour but de relier une fois par semaine au moins Nevers à la capitale régionale Dijon en 35 minutes, contre près de trois heures en voiture ou deux heures et quart en train.

"On a énormément de patients de cette région qu'on voit parfois 10 minutes pour une consultation, donc se faire trois heures de trajet à l'aller et 3 heures au retour, c'est pas évident", estime au micro de BFMTV Alice Brie, chirurgienne maxillo-faciale qui fait partie du convoi de ce jeudi.

"Je pense que ça peut être une alternative aujourd'hui pour proposer une médecine proche du patient", ajoute-t-elle.

"Malheureusement, le centre hospitalier départemental de l'agglomération de Nevers est le plus éloigné en France d'un CHU", le Centre hospitalier universitaire de Dijon où des médecins peuvent être disponibles, a expliqué ce jeudi à BFMTV le maire LREM de Nevers et président du conseil de surveillance du Centre hospitalier (CH) de la ville, Denis Thuriot.

"Il n'y a pas eu d'efforts pour nous rapprocher autrement, eh bien écoutez, nous avons les aéroports qui conviennent", a-t-il ajouté.

Une densité médicale en baisse

Les "Flying Doctors" sont des pneumologues, cancérologues ou autres gynécologues destinés au CH où il manque "une cinquantaine de médecins et au moins 35 infirmières", selon Patrick Bertrand, président de la Commission médicale du Centre hospitalier.

Le petit appareil de huit places a également transporté deux généralistes de SOS Médecins. "On va mettre en place une structure", actuellement inexistante dans la Nièvre, a déclaré à l'AFP le généraliste Romain Thévenoud.

"Notre but est de mieux soigner la population", a expliqué à l'aéroport de Nevers le directeur du CH, Jean-François Segovia.

"La densité médicale a baissé de 21% dans la Nièvre entre 2012 et 2022. On a 68 médecins pour 100.000 habitants contre une moyenne de 121 en France. Il n'y a pas de dermatologue, un seul rhumatologue, un allergologue... 20% des patients n'ont pas de médecin traitant", a-t-il souligné.

Le pont aérien a un coût mais il permettra en fait "d'économiser", assure Denis Thuriot. "Cela coûte 670 euros l'aller-retour par passager", alors qu'un médecin intérimaire peut demander jusqu'à "3000 euros la journée" et que le CH a déjà un déficit annuel de 6 millions d'euros, calcule le maire.

Des critiques sur le bilan carbone du dispositif

La mesure a cependant suscité les vives critiques des écologistes nivernais. "Un trajet en avion émet 1500 fois plus de gaz à effet de serre qu'en train", accuse Sylvie Dupart-Muzerelle, conseillère municipale EELV de Nevers, qui dénonce "un coup de com' à l'heure où l'Europe valide la suppression des vols intérieurs en France lorsqu'il existe une alternative en train en moins de 2h30". Cette mesure ne concerne cependant pas les vols privés comme le Dijon-Nevers.

"Il ne faut pas opposer l'écologie à la santé publique", a cependant nuancé Wilfrid Séjeau, vice-président EELV du conseil départemental, qui siège au conseil de surveillance de l'hôpital de Nevers. "Si cette solution se révèle vraiment efficace, je suis prêt à l'accepter", dit-il à l'AFP.

"Non, ce n'est pas farfelu. Cela répond à un besoin", se défend le maire de Nevers. "Arrêtons l'avion-bashing. Des avions décollent tous les matins avec des hommes d'affaires et on n'entend personne vociférer", ajoute-t-il.

"Je suis conscient des critiques sur l'empreinte carbone. Mais il faut entendre toutes ces personnes qui appellent le 15", renchérit le docteur Romain Thévenoud, de SOS Médecins.

"Il faut faire feu de tout bois", juge de son côté le directeur de l'Agence régionale de santé (ARS), Jean-Jacques Coiplet. "On verra à l'usage" si cela "répond aux attentes" en matière de soins et si c'est "bien gagnant-gagnant" pour l'hôpital de Nevers, ajoute-t-il.

S.C avec AFP