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Fragments de plastique dans l'eau en bouteille: faut-il s'inquiéter pour sa santé?

Des scientifiques ont comptabilisé en moyenne 240.000 fragments de plastique détectables par litre d'eau en bouteille. Les risques sanitaires pour la population humaine demeurent méconnus.

L'eau en bouteille plastique, notamment les eaux minérales, bénéficie auprès de nombreuses personnes d'une bonne réputation souvent en raison d'une pureté supposée. Pourtant, cette eau contient jusqu'à 100 fois plus de minuscules particules de plastique qu'estimé jusqu'ici, selon les résultats d'une étude publiée ce lundi 8 janvier 2024.

En utilisant une technique novatrice, les scientifiques ont comptabilisé en moyenne 240.000 fragments de plastique détectables par litre d'eau, après avoir testé le produit de plusieurs marques populaires.

Des fragments de plastique présents partout

Les microplastiques font moins de 5.000 micromètres (soit 5 millimètres), tandis que les nanoplastiques font eux moins d'un micromètre. Ils sont si petits qu'ils peuvent entrer dans le système sanguin et donc jusque dans les organes, dont le cerveau et le cœur.

"Nous savons qu'ils sont partout, qu'ils soient micro ou nanoplastiques, dans la nature, dans les mers mais aussi dans nos corps, dans les poumons, le sang...", explique au Parisien Mathilde Monperrus, docteur en chimie spécialiste dans la qualité de l’eau à l’Université de Pau et des Pays de l'Adour.

En mars 2022, une étude inédite publiée dans la revue Environment International révélait, en effet, que ces résidus plastiques étaient présents dans le sang humain. Ils ont par ailleurs déjà été détectés dans le placenta humain.

Des effets sur le système intestinal

Mais quels sont les risques pour la santé humaine? "Il y a peu de certitude, notamment car nous ne savons pas à quelle quantité de micro et nanoplastiques nous sommes exposés", explique à BFMTV.com Muriel Mercier-Bonin, directrice de recherche à l'Inrae à l'unité Toxalim de Toulouse.

Les recherches sont effectivement encore limitées, mais certaines études ont déjà montré des effets néfastes, par exemple sur le système reproductif.

Muriel Mercier-Bonin et ses collaborateurs ont également mis en évidence, pour la première fois, des effets néfastes de l'exposition à des microplastiques sur le microbiote intestinal humain. Pour cela, elles ont reproduit l'écosystème intestinal humain et ont suivi son évolution lors d'une exposition à des microparticules de polyéthylène.

Résultat: les chercheurs ont observé une altération du microbiote dans sa composition et son activité. "Il y a une augmentation de l'abondance de bactéries potentiellement pathogènes et une diminution de certaines espèces bénéfiques", détaille Muriel Mercier-Bonin.

"Il y a donc vraisemblablement une fragilisation des fonctions gastro-intestinales", ajoute-t-elle.
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Selon l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), des études sur les animaux suggèrent des effets nocifs sur le métabolisme, l'intestin, le développement cérébral, des dégâts sur le matériel génétique ou encore la respiration cellulaire, pouvant entraîner jusqu'à une mort précoce.

La particularité des nanoplastiques

En outre, les nanoplastiques, plutôt petits que les micro, "ont une aptitude accrue à franchir la barrière intestinale" et cela pourrait avoir d'autres conséquences néfastes. Ces particules sont susceptibles de traverser les barrières naturelles du corps, donc d'entrer dans le sang et d'aller jusqu'aux organes, comme le cerveau.

De plus, ces nanoplastiques "peuvent se charger avec d'autres polluants", explique Muriel Mercier-Bonin. En se fractionnant, ces minuscules bouts de plastiques augmentent leur surface spécifique et peuvent ainsi devenir vecteurs d'autres polluants.

"On peut d’ores et déjà redouter que les substances toxiques transportées par ces micro et nanoparticules, comme des bisphénols par exemple, n’ajoutent des effets délétères à la toxicité intrinsèque des fragments de plastique eux-mêmes", indique au Monde le toxicologue Nicolas Cabaton, qui précise que les "connaissances manquent encore" sur le sujet.

Quelles alternatives?

"Si les gens sont inquiets à propos des nanoplastiques dans l'eau en bouteille, il est raisonnable de considérer des alternatives, comme l'eau du robinet", a affirmé à l'AFP Beizhan Yan, co-auteur de l'étude sur l'eau en bouteille. Le risque de contamination plastique est notamment accru si les bouteilles sont réutilisées plusieurs fois.

"Nous ne recommandons pas de ne pas boire d'eau en bouteille quand nécessaire, car le risque de déshydratation peut être plus grand que les conséquences potentielles de l'exposition aux nanoplastiques", tempère-t-il toutefois.

"Le seul conseil à donner est de varier au maximum l’origine de l’eau que l'on boit. Car si l'eau en bouteille contient des micros et nanoparticules de plastiques, on sait également par d'autres travaux que celle du robinet est, elle, contaminée par des traces de pesticides", affirme au Parisien Mathilde Monperrus.

Salomé Robles