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Covid-19: le port du masque obligatoire à l'extérieur est-il vraiment utile?

Efficace pour les lieux très fréquentés, cette mesure est sanitairement discutable pour d'autres endroits. Toutefois, son caractère obligatoire permet d'autres avantages.

C'est une petite musique qui donne le sentiment d'un retour en arrière et d'une boucle qui n'en finit plus. Face à la flambée des cas de Covid-19 sur le territoire, notamment due au fulgurant variant Omicron, le port du masque à l'extérieur est redevenu obligatoire dans de nombreuses parties du pays, notamment dans les grandes villes, à compter de ce vendredi.

Des annonces qui ont suscité une vague de réactions négatives, nombreux qualifiant cette mesure "d'absurde" ou "d'inutile". La transmission du Covid-19 se faisant par aérosols lors de contacts plutôt rapprochés, beaucoup s'interrogent sur l'efficacité d'une telle obligation, notamment lorsque celle-ci est systématique et s'applique même dans des rues quasiment vides.

Utile dans les lieux à forte densité de population

Le port du masque à l'extérieur a "un intérêt dans les situations où il y a une forte densité de population, mais lorsque vous vous baladez tout seul dans une rue ça n’a absolument aucun intérêt", abonde Frédéric Lapostolle, médecin urgentiste à Bobigny, au micro de BFMTV.

Si tous les scientifiques s'accordent sur l'utilité du masque à l'intérieur, le débat est bien plus ouvert en ce qui concerne l'extérieur. Malgré tout, la majorité se rejoint sur ce point: à l'extérieur, le masque peut être utile lorsqu'il y a une forte promiscuité entre les personnes. En effet, même si l'air circule beaucoup mieux, il est toujours possible d'être contaminé.

"Dès lors qu’on peut toucher quelqu’un en tendant le bras, il faut porter un masque", poursuit Frédéric Lapostolle.

C'est notamment dans cette logique que le port du masque avait souvent été imposé lors des précédentes vagues épidémiques. Rappelez-vous, dans les grandes villes notamment, celui-ci n'était obligatoire que dans certains quartiers, les plus fréquentés.

Une nouvelle variable nommée Omicron

Cette récente mesure restrictive étonne d'autant plus que, depuis le début de la crise sanitaire, il est répété que les contaminations s'effectuent dans les lieux clos, et non pas en extérieur. C'est également les conclusions de la dernière étude de l'Institut Pasteur qui montrent que les endroits les plus risqués pour la contamination sont les lieux clos mal aérés comme les soirées privées, les discothèques ou encore les transports.

Toutefois, pour certains spécialistes, "il peut y avoir des contaminations en extérieur, surtout avec une incidence aussi élevée qu’elle l’est actuellement à Paris", comme l'explique Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique, sur franceinfo. Des données qui pourraient varier en fonction de la météo, un temps froid et sec favorisant la circulation du virus.

A toutes ces données, s'ajoute aujourd'hui le dénommé variant Omicron. Qualifié de "raz-de-marée" par le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, ce nouveau variant a une contagiosité élevée. Et c'est notamment cette caractéristique qui a motivé le retour du port du masque obligatoire dans certaines villes.

"Changer les comportements"

Mais au-delà du risque direct de contamination en extérieur, l'obligation de port du masque systématique peut s'avérer utile dans une vision plus large. "Sur le plan sanitaire, ce n’est pas le port du masque systématique en tout temps et en tout lieu qui fera une énorme différence, mais c’est de savoir ce que ce port du masque va changer dans les comportements", détaille à notre micro Didier Pittet, infectiologue et épidémiologiste aux hôpitaux de Genève.

Un constat partagé par Michel Chassang, président d'honneur de la Confédération des syndicats médicaux français, qui explique que "le port du masque est aussi symbolique. Il vous rappelle qu'on est toujours en période de crise épidémique. On a besoin, les uns et les autres, d'un rappel permanent". Cette mesure peut donc posséder une vertu pédagogique servant aussi à rappeler l'importance des autres gestes barrières.

Porter systématiquement un masque c'est également un moyen de s'y habituer et, ainsi, de continuer à le porter en milieux clos, notamment lorsque l'on se trouve dans une promiscuité avec d'autres personnes, comme une sorte de réflexe.

Une mesure politique facile à imposer

"C’est beaucoup plus simple de sortir de la maison avec le masque, de l’avoir tout le temps, pendant que je marche dans la rue, quand je suis dans le métro, quand j’arrive à mon travail, à mon bureau et quand je repars, que de passer la journée à le sortir, à le mettre et à l’enlever", abonde le Pr Enrique Casalino, infectiologue et directeur médical de l’hôpital Bichat à Paris, sur BFMTV.

Obliger le masque partout a aussi un côté pratico-pratique. Plus besoin de savoir où il doit être porté: il est désormais obligatoire partout. Un moyen pour les autorités également de garantir que les individus aient toujours un masque, par exemple lorsqu'ils entrent dans un commerce.

En somme, pour les décideurs: on ne peut pas être perdant à le porter. De plus, il s'agit aussi, pour les politiques, d'une mesure peu contraignante et facile à imposer (et surtout facile à contrôler). Alors que certains scientifiques demandent des mesures plus drastiques, le port obligatoire du masque apparait comme un entre-deux: une manière de durcir les règles sans confiner, instaurer un couvre-feu ou fermer des établissements.

Salomé Robles