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Covid-19: le couvre-feu avancé à 18h sera-t-il efficace pour juguler l'épidémie?

Un restaurant fermé pour cause de confinement, dans une rue de Paris le 23 novembre 2020

Un restaurant fermé pour cause de confinement, dans une rue de Paris le 23 novembre 2020 - Thomas COEX © 2019 AFP

Les professionnels de santé s'accordent, pour la plupart, sur l'efficacité du couvre-feu en France. L'avancer de deux heures devrait permettre de limiter encore plus les rassemblements, tout en empêchant un reconfinement localisé ou national.

Depuis quelques semaines, la France se trouve "sur un plateau" avec "15.000 nouvelles contaminations par jour enregistrées dans le pays", ce qui est "encore trop haut", a jugé Olivier Véran mardi soir, sur France 2. Face à la crainte d'une "reprise incontrôlée" de l'épidémie en janvier, comme a averti le Conseil scientifique dans un avis rendu le 23 décembre, le gouvernement a fait le choix d'une extension du couvre-feu dès le 2 janvier, qui fait encore l'objet d'une concertation.

Dans les départements et métropoles où le taux d'incidence est supérieur au seuil d'alerte maximum, soit 250 cas pour 100.000 habitants, les déplacements seront interdits entre 18h et 6h. À ce stade, une vingtaine de départements pourraient être concernés, répartis dans quatre régions en difficulté: le Grand Est, l'Auvergne-Rhône-Alpes, la Provence-Alpes-Côte d'Azur et la Bourgogne-Franche-Comté. Mais cette mesure supplémentaire permettra-t-elle de juguler l'épidémie?

Une mesure "qui a fait ses preuves"

Le couvre-feu, tel qu'il a été instauré dans certaines métropoles en octobre en France, est déjà "une solution qui a fait ses preuves et qui montre une certaine efficacité", a assuré l'épidémiologiste Yves Buisson, ce mercredi matin, sur RMC.

Benjamin Davido, infectiologue à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine), abonde dans le même sens auprès de BFMTV.com. Une diminution de la charge du virus au sein des circuits d'eaux usées en Île-de-France a, par exemple, été observée au tout début du reconfinement, un effet, selon lui, du couvre-feu instauré les semaines précédentes. Les grandes métropoles qui ont bénéficié de cette mesure à l'automne "ont été un peu plus épargnées durant la deuxième vague", a-t-il également observé.

L'épidémiologiste Patrick Rolland, co-auteur d'une étude de Santé publique France sur le couvre-feu, a lui aussi assuré auprès du Parisien qu'il existe "clairement un ralentissement plus précoce de l'augmentation du taux d'incidence dans les métropoles où le couvre-feu a débuté le 17 octobre".

"Passer du confinement à un couvre-feu est une sécurité supplémentaire. Il s'agit de quelque chose d'inédit face aux autres pays et qui participe peut-être au fait qu'on est relativement protégés face à cette deuxième vague par rapport à nos voisins européens", a avancé Benjamin Davido.

Différents couvre-feux ont également été jugés efficaces en Guyane, où les habitants ont parfois été confinés à partir de 17h pendant la semaine en juin. Mais son efficacité en période estivale ne présage pas de la même chose en période hivernale, nuance tout de même l'infectiologue de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches.

Limiter les activités de loisirs

Avancer de deux heures le couvre-feu va "limiter les rassemblements, les rencontres et les activités qui génèrent une plus grande transmission du virus", a affirmé le Pr Yves Buisson ce mercredi matin sur RMC.

Car 18h est souvent le moment de la journée où les gens sortent du travail et s'adonnent à des activités de loisir.

"Les personnes qui finissent à 17h vont être dans une situation de couvre-feu et seront priées de rentrer chez elles après leur travail. Cela va les dissuader d'aller chez des amis ou de faire des courses", veut croire Benjamin Davido.

Le couvre-feu avancé de deux heures va "complexifier la tâche de certains qui ne jouaient pas le jeu et agir comme une piqûre de rappel pour d'autres et leur rappeler qu'on est dans une situation inédite", ajoute-t-il.

"La moins mauvaise mesure"

Il s'agit, pour l'infectiologue, de la "moins mauvaise mesure entre devoir reconfiner et ne rien faire". Elle apparaît comme plus "acceptable" qu'un reconfinement, surtout en période hivernale.

"On vit naturellement au rythme des saisons. En hiver, il fait nuit à 17h. Il fait froid. On a souvent moins envie de sortir. La contrainte d'un couvre-feu à 18h n'est donc pas aussi contraignante qu'on pourrait le penser. La mesure va servir, mais est-ce qu'elle suffira? Ça, on ne le sait pas encore", a-t-il poursuivi.

La médecin généraliste Tura Milo, invitée de BFMTV ce mercredi soir, a quant à elle jugé "absurde" cette extension, car elle va "compliquer la vie des gens". Pour une réelle éfficacité face à ce "haut plateau" actuel de l'épidémie en France, il faudrait, selon elle, commencer à vacciner les personnes dans les départements plus durement touchés.

Le couvre-feu nocturne devrait commencer le 2 janvier, selon la date évoquée par Olivier Véran, mais Gabriel Attal a précisé ce mercredi sur notre antenne que la liste des départements concernés pourrait "évoluer" en fonction de la circulation du virus.

Avant même son officialisation au plus haut sommet de l'État et alors que la concertation avec les élus suit son cours, le préfet de Meurthe-et-Moselle a annoncé dès ce mercredi lors d'une conférence de presse que la mesure entrerait en vigueur dans son département samedi. Son éventuelle efficacité pourra s'observer dans les prochaines semaines.

Clément Boutin Journaliste BFMTV