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"Il faut ouvrir le débat": des médecins appellent à une vaccination obligatoire des soignants contre le Covid-19

En France, la vaccination contre le Covid-19 n'est pas obligatoire pour les soignants, contrairement, par exemple, à celle contre l'hépatite B. Plusieurs médecins appellent aujourd'hui à ouvrir un débat sur une telle obligation vaccinale face aux "réticences" de certains professionnels de santé à se faire vacciner.

Le débat commence à faire son chemin. Ce mardi, en début d'après-midi, Gabriel Attal visitait l'hôpital Saint-Louis à Paris. Devant le bâtiment, Jean-Michel Molina, le chef du service des maladies infectieuses et tropicales au sein de l'établissement, l'a interpellé sur les "réticences d'un certain nombre de soignants" à se faire vacciner contre le Covid-19, "parfois par méconnaissance ou par crainte". Se demandant alors s'il ne faudrait pas rendre obligatoire leur vaccination.

Un faible nombre de vaccinés

Au début de la campagne de vaccination, entre la fin du mois de décembre 2020 et le début du mois de janvier 2021, seuls les employés des Ehpad et les professionnels de santé âgés de 50 ans ou plus pouvaient se faire vacciner contre le Covid-19. Le 6 février, ensuite, avec l'arrivée du vaccin AstraZeneca, la vaccination a été étendue à l'ensemble des soignants français.

Aucun chiffre précis n'existe aujourd'hui sur le nombre de soignants vaccinés dans toute la France. Contacté vendredi par Le Figaro, Santé publique France assure qu'une enquête est en cours. L'agence précise qu'en Ehpad, un peu plus d'un tiers des professionnels de santé (37%) sont vaccinés. "On peut mieux faire, ce n’est pas du tout satisfaisant", admet l'agence auprès du quotidien.

Du côté de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), seulement 34% du personnel médical et entre 16 et 17% des autres personnels (paramédical, techniques, administratifs) ont reçu au moins une dose au 26 février a appris BFMTV.

Il s'avère, par ailleurs, que contrairement aux vaccins de Pfizer et de Moderna, rapidement administrés après leur réception, une grande partie des doses d'AstraZeneca restent stockées après leur livraison. Au 27 février, sur les 1,137 million de doses du vaccin AstraZeneca livrées en France, seulement 273.000 ont été administrées.

"Il faut ouvrir le débat"

Pour le Pr Jean-Michel Molina, rendre obligatoire la vaccination des soignants permettrait, dans cette période épidémique, "d'éviter les cas de transmissions des soignants aux patients et inversement".

"Bien entendu, le respect des mesures barrières est essentiel. Mais je crois que la vaccination non seulement protège les personnes vaccinées, mais aussi évite la transmission du virus", a expliqué ce mardi après-midi le professionnel de santé au porte-parole du gouvernement.

Face à la couverture vaccinale des soignants qu'il juge "totalement insuffisante", le Pr Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'Hôpital Tenon, a également appelé, lundi, sur Franceinfo, à rendre la vaccination obligatoire.

"Il faut ouvrir le débat maintenant. Ce n'est pas la première vaccination qui serait obligatoire pour les soignants, ils sont obligés d'être vaccinés contre la DT Polio, contre l'hépatite B, avec le vaccin BCG. C'est un débat et j'y serai favorable", a-t-il affirmé.

Le médecin urgentiste Rafik Masmoudi, qui travaille à l'hôpital européen Georges Pompidou à Paris, interrogé ce mardi sur BFMTV, n'a pas souhaité se positionner sur le débat. Il a tout de même souligné qu'il est "important de mettre le dossier sur la table".

Une obligation "contre-productive"?

Le Pr Olivier Epaulard, infectiologue au CHU de Grenoble et membre de la commission vaccination de la Haute autorisé de santé (HAS), soutient de son côté, sur BFMTV, qu'il serait "contre-productif" d'avoir recours à l'obligation vaccinale.

Selon lui, grâce "aux bonnes nouvelles que l'on a sur l'efficacité des nouveaux vaccins" et "au fait que cela se passe extrêmement bien sur le plan des effets indésirables", "les soignants qui sont, pour certains vaccins, difficiles à convaincre, vont se faire convaincre comme les autres".

Il explique que le débat existe également concernant le vaccin contre la grippe. Mais pour ce vaccin, il est nécessaire de se faire vacciner tous les ans, ce qui peut apparaître comme "un obstacle" à l'obligation vaccinale pour certains. Contrairement au vaccin contre l'hépatite B qui permet d'être vacciné "à vie".

"Au coeur des réflexions du gouvernement"

Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), interrogé sur BFMTV, n'est également pas en faveur d'une obligation vaccinale contre le Covid-19. Selon lui, si les soignants sont aussi réticents à se faire vacciner, c'est en raison du vaccin AstraZeneca qui leur est réservé.

"Le vaccin AstraZeneca est, des trois vaccins autorisés en France, le moins efficace. En particulier sur les variants sud-africain et brésilien", souligne-t-il.

Face à ce débat qui commence à prendre forme en France, Gabriel Attal a assuré au Pr Jean-Michel Molina que ces questions étaient "au cœur des travaux et des réflexions" du gouvernement.

Clément Boutin Journaliste BFMTV