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Covid-19: face à la défiance envers AstraZeneca, faut-il élargir la vaccination pour éviter le gâchis?

Le vaccin d'AstraZeneca a mauvaise presse et de nombreux Français, éligibles à l'injection, refusent de se le faire administrer. Des centres de vaccination se retrouvent ainsi avec des doses qu'ils ne peuvent écouler et qui risquent d'être perdues.

"Les doses restent dans le frigo." Un temps suspendu dans certains pays européens en raison des risques de thrombose, le vaccin d'AstraZeneca ne parvient pas à retrouver la confiance des Français. Pourtant, l'Agence européenne des médicaments (EMA) affirme que les caillots sanguins représentent un effet secondaire "très rare" de ce sérum dont les bénéfices l'emportent sur les risques.

Jusqu'à présent, 287 cas de thrombose ont été signalés dans le monde chez des personnes ayant reçu le vaccin AstraZeneca, 25 pour celui de Pfizer-BioNTech et cinq pour celui de Moderna, selon l'EMA. Et des études montrent que le sérum britanico-suédois atteint 82% d'efficacité, après deux doses, contre les formes légères de Covid-19; ce taux grimpe à 100% contre les formes graves. Mais, alors qu'il est de nouveau autorisé dans l'Hexagone pour les plus de 55 ans, il peine à trouver preneur et les stocks s'accumulent, au risque de ne pas être écoulés avant leur date de péremption.

"Aujourd'hui, nous avons des doses d'AstraZeneca qui sont inutilisées alors que le vaccin a prouvé son efficacité, observe Jacques Franzoni, coordinateur d'un centre de vaccination de Valenciennes, interrogé ce jeudi matin sur BFMTV. La bonne dose est celle qui est faite le plus vite possible, donc si on peut ouvrir AstraZenca à toutes les populations", c'est la bonne solution, estime-t-il.

"Les jeter serait scandaleux"

Pour beaucoup, élargir l'accès à ce vaccin permettrait en effet d'éviter de perdre les doses qu'ils ont du mal à écouler. "Il est clair que la stratégie de précaution poussée à l'extrême en ce qui concerne les effets indésirables extrêmement rares de l'AstraZeneca a posé des problèmes", constate sur notre antenne Alain Astier, membre de l'Académie nationale de pharmacie.

"La grande majorité des gens autorisés à se faire vacciner avec l'AstraZeneca n'est pas d'accord mais reste, de manière générale, favorable à la vaccination. Donc, donner accès à tous à l'AstraZeneca serait une solution, plutôt que de les jeter, ce qui serait scandaleux", explique-t-il.

C'est l'option qu'a retenue l'Allemagne. Chez nos voisins, trois des seize Etats (Mecklembourg-Poméranie occidentale, la Saxe et la Bavière) ont décidé d'abolir les groupes prioritaires pour le vaccin AstraZeneca afin que toute la population y ait accès.

"Course contre la montre"

D'autant que cette défiance risque de ralentir les objectifs du gouvernement dans sa campagne de vaccination. 20 millions de François doivent avoir reçu au moins une dose à la mi-mai, puis 30 millions à la mi-juin. "S'il n'y a plus aucune administration d'AstraZeneca (...) dans les semaines à venir, pour le coup les objectifs seront largement remis en question", a prévenu mercredi le ministère de la Santé lors d'un point hebdomadaire sur les vaccins.

"On ne souhaite pas laisser entendre que la France pourrait se permettre de ne pas injecter les doses AstraZeneca reçues. Dans un contexte de course contre-la -montre contre un virus qui tue, on ne peut pas se permettre de faire l'impasse sur le déploiement d'un vaccin qui permet de sauver des vies", insiste le ministère.

"Dialogue de confiance"

Toutefois, si les créneaux réservés à l'AstraZeneca dans les centres de vaccination sont parfois boudés, l'écoulement en ville reste "assez important", avec "près de 73% d'utilisation des doses livrées" la semaine dernière, souligne le ministère, estimant que "c'est un vaccin qui trouve preneur dans le dialogue de confiance avec les professionnels de santé".

Grégory Tempremant, président de l'Union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens Hauts-de-France, demande donc de "mettre en place une passerelle entre un flux où ils ont trop de vaccins et ils ne savent pas quoi en faire, et nous qui en manquons" en pharmacie afin d'éviter les pertes.

Ambre Lepoivre Journaliste BFMTV