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Confinement strict en Martinique: pourquoi les mesures ont-elles été renforcées?

Des soignants mobilisés à l'hôpital de Fort-de-France en Martinique

Des soignants mobilisés à l'hôpital de Fort-de-France en Martinique - BFMTV

Dix jours après l'annonce de nouvelles restrictions, la préfecture a annoncé lundi le renforcement des mesures, en raison de la propagation toujours plus importante du Covid-19 sur l'île, et de la saturation des hôpitaux.

La Martinique, en proie à un sévère rebond d'épidémie de Covid-19, va entrer dans une "deuxième phase de confinement" à partir de ce mardi soir 19h. Il implique notamment la fermeture des plages et l'invitation faite aux touristes de "quitter le territoire", a indiqué lundi le préfet Stanislas Cazelles lundi. Ce confinement vient renforcer des premières restrictions entrées en vigueur le 30 juillet dernier.

"J'invite donc chacun à rester chez lui pendant les trois semaines qui viennent, spécialement ceux qui sont les plus vulnérables", a déclaré le préfet, précisant que "les commerces seront fermés, sauf les commerces alimentaires, les rayons alimentaires des grandes surfaces, les pharmacies, et l'ensemble des magasins dans lesquels des achats urgents peuvent être nécessaires" comme l'informatique, la téléphonie, ou la réparation automobile.

"La situation sanitaire est véritablement dramatique"

Le confinement dur "était la seule solution puisque l'épidémie continue à progresser actuellement et que la situation sanitaire, et même humanitaire, en Martinique est véritablement dramatique", déclare sur BFMTV André Cabié, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Martinique.

Alors que la Martinique faisait partie des territoires déjà les plus touchés par l'épidémie, la situation s'y est encore dégradée depuis le début du mois d'août. Selon les dernières données, le taux d'incidence est de 1165 pour 100.000 habitants, soit le deuxième plus élevé en France derrière celui de la Guadeloupe (1747). Il y a une semaine, ce taux était de 1079.

La proportion du variant Delta parmi les contaminations est, elle aussi, en pleine augmentation, et dépasse désormais les 55%, alors que l'île avait été jusque-là assez épargnée par ce variant. Il y a deux semaines, ce même chiffre était de 19%.

Malgré les quelques restrictions qui avaient été mises en place fin juillet, "tout était ouvert donc il y avait quand même de la circulation", explique sur notre antenne Anne Criquet-Hayot, présidente de l'Union Régionale des Médecins Libéraux de Martinique. "La diffusion du virus pour le moment elle est exponentielle" et "on sait que le confinement est une mesure pour limiter cette expansion", explique-t-elle.

Les soignants "obligés de faire des choix sur les personnes hospitalisées"

Freiner l'épidémie doit également permettre d'alléger la charge actuelle sur les services hospitaliers, qui sont saturés. Des transferts de patients vers la métropole ont d'ailleurs eu lieu.

"Notre CHU est devenu un hôpital pour Covid. On a un peu plus de 300 personnes qui sont hospitalisées ce soir au CHU, plus d'une cinquantaine en soins critiques", explique André Cabié. "250 sont dans les unités de médecine, et plus de la moitié d'entre elles sont dans des états qui justifieraient d'être pris en charge en soins intensifs, mais qui ne peuvent pas l'être ce soir par manque de place".

Le médecin parle d'une situation de "total débordement" et explique que les soignants sont "obligés de faire des choix sur les personnes qui sont hospitalisées". Il souligne de plus que les personnes nécessitant une réanimation "sont de plus en plus souvent des personnes jeunes âgées de moins de 50 ans, ou de moins de 40 ans".

240 soignants de métropole sont attendus cette semaine dans les Antilles pour venir prêter main forte aux établissements hospitaliers sur place. Pour André Cabié, cela va "permettre d'ouvrir des lits de réanimation, d'ouvrir de manière générale des lits de soins critiques", mais il faut dans le même temps freiner l'épidémie pour endiguer les arrivées à l'hôpital.

La population "n'a pas forcément pris conscience de la gravité de ce Covid"

L'une des raisons de ce fort rebond vient également du fait que seulement 23,2% de la population en Martinique a reçu une dose, 17,5% les deux doses. Au niveau national, plus de 66% de la population est primo-vaccinée, 55,5% présente un schéma vaccinal complet.

"Il faut bien comprendre aussi que la population martiniquaise avait été très peu impactée, donc n'a pas forcément pris conscience de la gravité de ce Covid, d'où le peu de vaccination, parce qu'il y avait peu de décès", explique Anne Criquet-Hayot. Elle assure avoir remarqué une augmentation de l'affluence dans les centres de vaccination ces derniers jours.

En attendant, "tant que l'épidémie progresse, on ne voit pas commment est-ce qu'on va arriver à faire face à cet afflux de personnes", déclare André Cabié, et "il est évident dans ce contexte que des mesures aussi fortes que celles qui sont proposées étaient indispensables, parce que tant que l'incidence continue d'augmenter, on est totalement impuissant".

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV