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Ce que l'on sait des essais cliniques illégaux menés dans une abbaye de la Vienne

Ne rien dire à son médecin, arrêter son traitement, des molécules aux effets inconnus... Les détails de l'essai clinique illégal dévoilé jeudi se révèlent de plus en plus inquiétants.

L'Agence du médicament (ANSM) a interdit un essai clinique "sauvage" mené "illégalement" sur au moins 350 malades de Parkinson ou d'Alzheimer, a-t-elle annoncé ce jeudi. Selon des informations de BFMTV, ces tests concernaient surtout des malades de Parkinson et plusieurs points semblent aberrants, du recrutement des patients aux conseils donnés par les praticiens.

Il s'agit d'un "essai clinique totalement sauvage, en-dehors de toutes les règles éthiques, et de la réglementation française qui est très stricte en matière d'essai clinique sur les médicaments. C'est un scandale absolu, c'est totalement inadmissible", a déclaré la ministre de la Santé Agnès Buzyn ce vendredi sur BFMTV, précisant que la Justice avait été saisie.
  • Deux molécules peu connues testées sur les patients

Cet essai "illégal" était mené par une structure baptisée Fonds Josefa, en partie à l'Abbaye Sainte-Croix, près de Poitiers. Son vice-président est le Pr Henri Joyeux, qui est contesté par la communauté médicale notamment à cause de ses positions anti-vaccins. D'après des informations de BFMTV, la méthode de recrutement des patients se faisait par le bouche à oreille, via par exemple des proches de malades.

L'expérimentation du Fonds Josefa consistait à appliquer aux patients des patchs contenant deux molécules, appelées valentonine et 6-méthoxy-harmalan, dans l'espoir de traiter plusieurs maladies neurologiques (Parkinson, Alzheimer, troubles du sommeil...). Selon l'ANSM, ces molécules sont proches de la mélatonine, hormone fréquemment utilisée pour mieux dormir mais "dont la qualité, les effets et la tolérance ne sont pas connus. Un risque pour la santé des participants ne peut être exclu".

Les effets de ces molécules étant peu connus, "nous sommes dans l'incapacité de dire quel effet [les médecins de l'essai clinique] pensaient pouvoir obtenir, et quels effets secondaires potentiels pourraient arriver aux personnes qui ont participé à cette étude", a déclaré Guillaume Frasca, responsable études et recherche à l'association France Alzheimer, sur BFMTV.
  • Ne rien dire à son médecin et arrêter son traitement
Une étude clinique "ça se passe dans le cadre d'un hôpital", et non dans une abbaye, s'est agacé Guillaume Frasca sur BFMTV, "avec des équipes qui sont formées à recueillir notamment le consentement des patients, à les suivre et à tenir informé également leur médecin", a-t-il rappelé.

Or deux conditions étaient posées pour participer à l'essai: ne rien dire à son médecin, et arrêter son traitement en cours. Dans une lettre du Fonds Josefa donnée à ses patients, il est écrit que "ce traitement [les deux molécules, ndlr] ne pourra trouver son efficacité totale qu’après un sevrage complet de la L-dopa et autres agonistes dopaminergiques qui s’opposent à l’action thérapeutique de la VLT et du 6-MH".

Selon des médecins contactés par BFMTV, le plus dangereux, n’est d'ailleurs pas tant l’administration de ces molécules que l’arrêt des traitements anti parkinsoniens - de plus sans suivi médical extérieur - car des sevrages brutaux peuvent conduire à des hyperthermies sévères (augmentation dangereuse de la température du corps), voire même au décès. 

Interrogé sur notre antenne, le Pr Henri Joyeux a assuré, vendredi après-midi, n'avoir "donné aucune consigne sur le fait qu’il fallait stopper les traitements".

  • "L'apparence d'une véracité scientifique"

Joint au téléphone par l'AFP, le Pr Joyeux assure que "ça n'a rien à voir avec un essai clinique", en refusant d'en dire davantage. Sur le site internet du Fonds Josefa, son fondateur, le professeur Jean-Bernard Fourtillan, revendique la découverte de la valentonine, supposée "protéger notre organisme et assurer la régulation des vies psychique et végétative".

Certains "patients se retrouvent sans solution thérapeutique, et vont se retourner parfois vers des solutions trouvées sur des sites internet qui donnent l'apparence d'une véracité scientifique, mais n'en ont que l'apparence", a souligné Guillaume Frasca.

Guillaume Frasca a déclaré que France Alzheimer n'était pas au courant de la réalisation de cette étude. En revanche, l’association France Parkinson avait alerté ses adhérents dès le mois d’avril sur l’ambiguïté de cette démarche du Fonds Josefa.

Margaux De Frouville avec Salomé Vincendon