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Ce que l'on sait de l'affaire du chirurgien de l'AP-HP et de la radio du Bataclan

La radio d'une blessée des attentats du 13-Novembre a été retrouvée mise en vente sur un site, par un chirurgien de l'AP-HP. Il a depuis présenté des excuses.

Un chirurgien de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), Emmanuel Masmejean, a posté sur un site la radio d'une blessée de l'attaque du Bataclan le 13 novembre 2015, comme l'a révélé Mediapart samedi. D'après le site d'investigation, la radio était mise en vente pour la somme de 2776 dollars, soit environ 2450 euros.

Depuis, l'AP-HP a condamné cet acte et annoncé qu'un signalement allait être fait au conseil de l'ordre des médecins et à la justice. Les associations de victimes des attentats ont également fait entendre leur colère. Le chirurgien, s'il a tenu à expliquer son acte, reconnait lui une "erreur grossière".

• Qu'est ce qui a été posté?

L'image de la radio, qui était encore disponible dimanche en fin d'après-midi mais qui est désormais supprimée, a été postée sur le site OpenSea, une plateforme spécialisé dans la vente d'objets numériques uniques, appelés "NFT" ("non-fungible token" ou en français, "jetons non fongibles").

Sur l'image on peut voir une balle logée dans un avant-bras. La description de l'annonce rappelle, en anglais, la journée d'attentat du 13-Novembre, et souligne que 41 personnes ont, ce jour-là, été transférées à l'hôpital Georges Pompidou (Paris) où travaille l'orthopédiste Emmanuel Masmejean. Cette nuit-là, il déclare avoir opéré cinq femmes, dont la patiente de la radio.

Toujours selon la description, il s'agit d'une "jeune patiente, qui a perdu son petit ami dans cette attaque". Elle présente "une fracture ouverte de l’avant-bras gauche avec une balle restante de Kalachnikov dans les tissus mous", rapporte Mediapart.

• Pourquoi le chirurgien a-t-il posté cette radio?

Interrogé par BFMTV sur la mise en ligne de cette radio, le chirurgien assure qu'il n'avait pas l'intention de la vendre, que cette publication était dans "un but pédagogique, pour intéresser les gens". Dans un communiqué publié dimanche, il déclare avoir "détruit l’œuvre en question (moins de 48 heures après sa mise en ligne). Nul n'a pu et ne pourra s’en porter acquéreur et je n'en ai retiré aucun profit".

Il avait précisé plus tôt à Mediapart avoir mis un prix car il est obligatoire de mettre en vente quand on poste sur OpenSea. Le chirurgien a d'autre part confirmé au média que la patiente concernée n'avait pas été prévenue qu'une radio d'elle avait été mise en ligne publiquement.

Auprès de 20 minutes, il a tenu à souligner que "sur Instagram et sur Facebook, il y a des milliers de radios de l’Assistance publique (...) Il y en a des milliers, des photos de patients, des milliers", appuie-t-il. "Et quand on rédige une publication scientifique, on ne demande jamais l’avis à l’Assistance publique, on l’envoie à la revue et ça appartient à la revue."

Dans son communiqué, il reconnait toutefois une "erreur grossière" qu'il "regrette amèrement". "Je me rends compte que je me suis totalement égaré dans une démarche inepte et déplacée qui a légitimement offensé ceux que j’avais eu l’honneur de soigner: les victimes d’attentats", écrit-il. Avec ces excuses, il demande également à pouvoir continuer d'exercer, car "soigner dans le cadre du service public hospitalier est toute ma vie et je souhaite pouvoir continuer à servir cette vocation".

• Qu'en dit l'AP-HP ?

Le directeur de l'AP-HP Martin Hirsch a posté dans la journée de samedi le message qu'il a envoyé à l'ensemble du groupe hospitalier, "pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur notre indignation". Il condamne un "acte scandaleux" qui est "contraire à la déontologie, met en cause le secret médical" et "va à l'encontre des valeurs de l'AP-HP et du service public. Nous considérons qu'il est d'une gravité exceptionnelle".

Il annonce en même temps saisir l'ordre national des médecin, les ministres "qui disposent du pouvoir disciplinaire", et la "justice en application de l'article 40 du Code Pénal". Ce dernier dit que toute "autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs".

"Un tel comportement est indigne et heurte notre conception du service public. Il serait scandaleux dans toutes circonstances, et pour tout patient", écrit encore Martin Hirsch ajoutant qu'il "prend une résonnance d'autant plus abjecte dans le contexte du procès en cours et de ce qu'ont enduré les victimes de ces attentats".

• Et les associations de victimes?

"On se retrouve six ans après les faits avec une personne, un chirurgien, qui va avoir l'outrecuidance d'aller chercher une photo et d'aller la monnayer. On est dans le plus bas que terre", déclare sur BFMTV Maître Jean Reinhart, avocat de l'association des victimes 13onze15, qui a également perdu son neveu au Bataclan. "On est forcément content que le chirurgien doive répondre de ces questions auprès de l'ensemble du corps médical", poursuit le conseil, se demandant si "c'était un acte non considéré, qu'est ce qui a pu se passer dans sa tête... C'est vrai qu'on est assez impatient de comprendre".

"C'est assez choquant, surtout venant de la part d'un chirurgien qui a opéré des blessés, qui a vu des horreurs ce soir-là", déclare sur BFMTV Mohamed Zenak, membre de cette association, père d'une des victimes, blessée au Comptoir Voltaire.

L'association Life For Paris a également publié un communiqué, dans lequel elle dit se tenir aux côtés de la victime de l'attentat "aujourd'hui victime aussi de la bêtise et de la cupidité d'un 'médecin'". Selon l'organisation, la patiente que l'on voit sur la radio, se "réserve le droit d'engager des poursuites judiciaires contre qui de droit".

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV