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"Ça ne va pas casser la courbe": des soignants redoutent l'insuffisance des nouvelles mesures

Des nouvelles restrictions sont entrées en vigueur vendredi dans 16 départements, dont ceux de l'Île-de-France.

21 millions de Français de 16 départements sont désormais concernés par de nouvelles mesures de restriction contre le Covid-19 depuis vendredi soir minuit. En Île-de-France, dont les départements font partie de la liste, la situation devient critique.

Lundi, alors que plus de 4500 malades atteints du coronavirus étaient soignés en réanimation, un chiffre qui se rapproche des 4900 malades au pic de la deuxième vague à l'automne, les services de réanimation d'Île-de-France, des Hauts-de-France et de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur étaient déjà saturés.

La région capitale fait face à une forte hausse de son taux d'incidence: il s'établit à plus de 530 pour 100.000 habitants sur les sept derniers jours. Il y a une semaine, il était à plus de 400. Pour mémoire, le seuil d'alerte fixé par le gouvernement est de 250. Le nombre de patients en réanimation a atteint un niveau qui ne l'avait pas été depuis le 6 mai dernier et la première vague.

Depuis ce week-end, les 21 millions d'habitants des 16 départements visés par les nouvelles restrictions gouvernementales sont appelés à ne plus recevoir de proches à domicile et inversement. Ils peuvent sortir librement sans attestation dans un périmètre de 10 km autour de leur domicile afin de se promener, ou faire des courses sous réserve de ne pas s'éloigner de 30 km, ou sans restriction de distance pour se rendre au travail lorsque le télétravail n'est pas possible ou pour tout autre motif impérieux. Un couvre-feu national est toujours d'actualité, désormais à 19 heures.

"Entre 14 et 21 jours" pour observer un effet

"Ce n'est pas vraiment un confinement. Globalement, on a fermé pas mal de magasins, et qu'est-ce qu'on a fait d'autre? (...) Franchement, je ne vois pas grand changement, à part pour les commerçants qui sont fermés, dans la vie des gens", a fustigé l'épidémiologiste et biostatisticienne Catherine Hill, lundi soir sur BFMTV.

"Ca ne va pas casser la courbe. (...) Pour l'instant, on est sur une pente montante très nette pour ce qui est des arrivées en réanimation", a-t-elle ajouté. "Le système est déjà saturé dans beaucoup de régions, en particulier en Île-de-France, donc comment voulez-vous que l'Île-de-France continue à absorber plus de 300 personnes qui arrivent chaque jour en plus?", s'est-elle inquiétée.

Écho similaire chez Benjamin Davido, infectiologue à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine): "Malgré les nouvelles mesures annoncées, il va falloir entre 14 et 21 jours pour qu'il y ait un impact sur les réanimations", a-t-il estimé sur BFM Paris lundi. "Ce qui est inquiétant, c'est qu'on a déjà dépassé le nombre d'hospitalisations qu'on avait au moment du pic de la deuxième vague en octobre 2020", ajoute-t-il.

"On va droit dans le mur"

Sur Twitter, le professeur de médecine intensive et réanimation à l'hôpital Avicenne de Bobigny, Stéphane Gaudry, a donné un aperçu alarmant de la situation hospitalière en Seine-Saint-Denis dimanche soir:

"De garde, situation ce soir. Rea Covid: pleine, Réa non-Covid: pleine, Unité intermédiaire Covid: pleine, Lits réa Covid dispo dans le 93: 0", a-t-il témoigné. "Heureusement ça va aller mieux avec le méga-confinement", a-t-il ensuite ironisé, au diapason de nombreux soignants.

Le professeur Jean-François Timsit, à la tête du service de réanimation de l'hôpital parisien Bichat, n'est guère plus optimiste. "Partout c'est plein, plein, plein. Plein comme un oeuf. (...) Nous avons de grosses difficultés à prendre de nouveaux patients. A ce rythme-là, on va droit dans le mur", a-t-il confié au Parisien.

Pis, selon le pneumologue, "ce qui a été décidé ces derniers jours n'a aucune chance de casser l'épidémie. (...) Dans tous les cas, nous savions que les deux prochaines semaines allaient être difficiles, mais on devine désormais que les suivantes le seront tout autant. Je suis très inquiet. Finalement, seul 'l'exode' des Parisiens pourrait nous soulager un peu, car s'ils ont besoin de soins Covid ou non-Covid, ils les auront dans d'autres structures".
Clarisse Martin Journaliste BFMTV