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Bière, vin... Des addictologues alertent sur les calendriers de l'avent alcoolisés: "C'est désastreux"

À un mois de Noël, les professionnels de santé s'inquiètent de la démocratisation des calendriers de l'avent sur le thème de l'alcool, qui encouragent selon eux une consommation quotidienne durant une période de fêtes. Loin des recommandations des autorités sanitaires.

Elle est loin l'époque où les calendriers de l'avent étaient réservés aux enfants. Aujourd'hui, cette tradition censée faire patienter les plus jeunes jusqu'au 24 décembre avec une image ou un chocolat par jour se décline sous toutes les formes et pour tous les âges. Jouets, parfums, cosmétiques, alimentation... et même alcool.

Les producteurs de vin, whisky et autres brasseurs sont nombreux à s’être positionnés sur ce marché. D'une soixantaine à plusieurs centaines d'euros, leurs calendriers de l'avent proposent une bouteille par jour pendant 24 jours.

"Ça marche plutôt bien, c'est quelque chose qui s'est développé ces cinq dernières années, surtout chez un public masculin", confirme Clara Wyler. Fondatrice de la brasserie Duchemann, dans l'Oise, elle développe chaque année plusieurs calendriers entre 30 et 90 euros.

"D'un côté, il y a les passionnés qui veulent se faire un petit plaisir, et ceux qui veulent faire 'un beau cadeau' à un proche: un père, un cousin, un frère pour les fêtes de fin d'année", détaille-t-elle.

"Ce n'est pas du chocolat!"

Si le public semble séduit par cette nouvelle tendance, médecins et professionnels de l'addiction, eux, ne voient pas ça d'un bon oeil. Le professeur Amine Benyamina, président de la Fédération française d'addictologie (FFA), a un avis extrêmement tranché sur la question:

"C'est tout à fait sournois dans la mesure où ça banalise le produit et sa consommation, et ça encourage les personnes à avoir une consommation non seulement régulière, mais même quotidienne", déplore le professeur.

Pour lui, ces initiatives sont totalement inappropriées: "La fillière a encore trouvé une manière de détourner une tradition pour vendre. Je ne peux que regretter qu'elle se soit engouffrée dans ce rituel de société."

"La promotion de l'alcool est déjà partout autour de nous", dénonce le professeur Mickaël Naassila. Président de la Société française d'alcoologie, il voit dans ces calendriers de l'avent une manière "supplémentaire d'ancrer sa consommation dans notre quotidien", en associant l'alcool à un "moment festif de l'année".

La consommation d'alcool est ici liée à "un objet ludique, empruntant à l’univers enfantin et évoquant les fêtes de Noël", déplore également Franck Lecas, de l'association Addictions France, interrogé par 60 millions de consommateurs. Surtout alors que la loi Evin cherche à protéger les mineurs de l'incitation à consommer de l'alcool, en encadrant largement la publicité en faveur des boissons alcoolisées.

Un concept jugé inapproprié

"Le message envoyé aux jeunes est très mauvais", appuie Mickaël Naassila. "D'un point de vue commercial, il n'y a pas à dire: l'idée est très bonne car c'est une communication hyper positive. Mais c'est désastreux en terme de santé publique. En addictologie, on combat justement le développement des habitudes et on martèle à quel point il est important d'avoir des jours sans alcool, au risque que ça devienne un automatisme."

"Il suffit que le soir, après avoir consommé la bière de votre calendrier de l'avent, vous repreniez une boisson alcoolisée à table et vous serez déjà bien au-delà des recommandations publiques", ajoute-t-il.

Les autorités sanitaires recommandent en effet de ne pas consommer plus de 10 verres "standard" par semaine et pas plus de deux verres "standard" par jour, ainsi que d'avoir "des jours dans la semaine sans consommation".

Bien consciente du côté "pernicieux" de l'alcool, Clara Wyler entend ces critiques sur l'incitation à une consommation quotidienne. Toutefois, la fondatrice de la brasserie Duchman souhaite balayer le "côté picole" du concept. Pour elle, l'idée n'est pas nécessairement de consommer le jour même la bouteille de chaque case ouverte, mais plutôt de les conserver pour une consommation future.

Elle insiste d'ailleurs sur le fait que les bouteilles proposées dans ses calendriers de l'avent ne sont pas périssables avant au moins un an. Pour elle, le plaisir du concept tient plutôt dans le côté "émerveillement et découverte d'une nouvelle bouteille chaque jour et qu'on va garder pour plus tard".

"Certains vont en boire une de temps et temps, puis garder celle du lendemain et du surlendemain pour le prochain apéro avec les copains", affirme-t-elle. "L'idée du calendrier, c'est aussi de pendre le temps d'apprécier le temps qui nous sépare de la dégustation, en se disant 'je sais que ça m'attend au frigo'." Mais il faut évidemment savoir être dans cette démarche.

Même à faible dose, l’alcool peut être dangereux pour votre santé. Pour en savoir plus, rendez-vous sur Alcool Info Service. Un numéro vert 0980.980.930 est aussi accessiblement anonyment tous les jours de 8 heures à 2 heures.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV