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Le calendrier de l’Avent, un indémodable qui ne connaît (presque) pas la crise

Le marché du calendrier de l'Avent se renforce d'année en année

Le marché du calendrier de l'Avent se renforce d'année en année - Pixabay

Idéal pour faire patienter les enfants avant les fêtes, le calendrier de l’Avent se porte toujours aussi bien. Quasi-imperméable à la crise, le marché de la boîte aux 24 fenêtres se renforce d’année en année en déclinant son produit sous différentes formes pour séduire un public toujours plus large.

Il fait chaque année partie des produits incontournables du mois de décembre. Né en Allemagne au début du XXe siècle, le calendrier de l’Avent n’a pas pris une ride. Au contraire, jamais la boîte aux 24 cases n’a semblé faire autant d’émules depuis sa première commercialisation en 1958. Sans doute parce qu’elle a su se réinventer au fil des ans pour répondre aux attentes de plus en plus variées des consommateurs.

Flairant le bon filon, nombreuses sont les enseignes à s’être positionnées sur ce marché juteux. A tel point qu’il en existe désormais pour tous les goûts et tous les âges, du calendrier rempli de jouets à la version produits de beauté, en passant par le calendrier aux 24 bières ou 24 fromages… Sans oublier le modèle érotique ou encore celui destiné aux animaux de compagnies.

Le calendrier chocolats, un produit réconfortant en temps de crise

Mais le leader incontesté du marché reste bien entendu l’emblématique calendrier de l’Avent avec ses morceaux de chocolat. En France, il s’en est vendu 12 millions d’exemplaires l’an passé dans la grande distribution, pour un chiffre d’affaires de 72 millions d’euros, selon l’institut Nielsen. Et malgré un contexte sanitaire et économique fragile, l’année 2020 devrait réserver de belles surprises. Au 22 novembre, les ventes de calendriers de l’Avent chocolats étaient déjà supérieures de 13% en valeur à celles réalisées en 2019 à la même période. Soit 45 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 6,5 millions d’unités vendues, à date.

Avec 5 millions de calendriers écoulés chaque année dans l'Hexagone, Ferrero survole le marché. Le groupe italien qui tire un quart de ses revenus de la période de Noël s’appuie sur des marques puissantes dont Kinder et sa dizaine de références. Parmi elles, le calendrier en forme de chalet qui truste la première place au classement des meilleures ventes (2,6 millions d’unités en 2019).

Une valeur sûre qui n’empêche pas l’innovation, avec le lancement cette année de la version mêlant chocolats et biscuits, ou celle garnie de mini-livres en partenariat avec Ravensburger. Références auxquelles s’ajoutent le modèle "pour 2" destiné aux couples ainsi que ceux des marques Delacre et Ferrero. De quoi toucher tous les publics, enfants comme adultes, et tous les budgets. "Pour nous, c’est un marché important. Il faut répondre aux besoins de chacun", relève Loïc Lallier, directeur du Trade Marketing chez Ferrero France.

Le calendrier de l'Avent Choco + biscuits de Kinder
Le calendrier de l'Avent Choco + biscuits de Kinder © Kinder

A l’image du marché dans son ensemble, les ventes de Ferrero étaient en avance de 13% en valeur fin novembre par rapport à l’an passé. "La période était tellement volatile, instable, qu’on ne savait pas à quoi s’attendre! Au final, on constate cette volonté d’acheter des calendriers. (…) C’est un produit qui renforce les liens émotionnels parents-enfants", observe encore Loïc Lallier.

Bref, le calendrier chocolats traverse la crise sans mal. Et ce n’est finalement pas si surprenant, selon lui: "Dans un contexte perturbé", le calendrier de l’Avent permet de "trouver des moments de plaisir et de gourmandise, c’est quelque chose qui réconforte. Et c’est une façon de se recentrer sur le cocon familial" avec un produit "symbole de la tradition de Noël".

Le calendrier jouets résiste bien malgré la fermeture des magasins

Contrairement aux modèles avec chocolats, les calendriers de l’Avent du secteur du jouet étaient interdits à la vente pendant la première phase du confinement. Résultat, le marché était en recul de 1,4% en valeur au 22 novembre par rapport à la même date l’an passé, selon les chiffres de NPD Group. L’"effet d’anticipation" observé en octobre n’aura pas suffi à compenser un mois de novembre "catastrophique" pour les ventes physiques en raison de la fermeture des magasins et des rayons non essentiels en grande surface, observe Frédérique Tutt, analyste du marché des jouets en Europe au sein de NPD Group. D’autant que le mois de novembre est celui qui concentre habituellement l’essentiel des ventes, en particulier dans la grande distribution, plus sensible aux achats d’impulsion.

Cela ne veut pourtant pas dire que les Français ont tiré une croix sur leur calendrier. Au contraire, la baisse des ventes apparaît relativement contenue eu égard à l’ampleur de la crise. Certains acteurs parviennent même à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas de King Jouet qui, avec des calendriers en rayons depuis septembre, avait déjà vendu 47.000 unités au 30 novembre, contre 43.000 à la même date en 2019. L’enseigne qui dispose d’un service de e-commerce solide (click and collect, livraison…) a vu ses commandes en ligne "exploser" pendant le confinement, souligne Thierry Le Lan, responsable achats chez King Jouet. "Et dès la réouverture, on a vendu beaucoup, beaucoup de calendriers", ajoute-t-il. Signe d’un engouement intact des Français pour ce produit.

Chez le fabricant Lego, quelque 150.000 calendriers de la marque avaient déjà été vendus au 22 novembre. "Dans le contexte actuel, c’est tout à fait exceptionnel", se réjouit Camille Thorneycroft, directrice des marques LEGO France, Espagne et Portugal. A titre de comparaison, le Danois écoule chaque année entre 150.000 et 180.000 unités.

Il n’est en outre pas exclu que le marché se redresse grâce au report sur la première semaine de décembre d’une partie des ventes non effectuées en novembre. Avec d'éventuelles promotions en hypermarché pour se débarrasser des stocks. "On vend encore jusqu’à la fin de la première semaine de décembre. Et on va en vendre plus que les années précédentes sur cette période", prédit Thierry Le Lan.

Un marché qui s’adapte continuellement…

Quand bien même les ventes de calendriers de l’Avent jouets accuseraient un recul lié au reconfinement, l’effondrement n’aura pas lieu. Et le marché, en progression constante jusqu’alors, n’aura sans doute aucun mal à retrouver ses niveaux d’avant 2020. "Il y a assez peu de références qui font des volumes aussi stratosphériques dans le secteur du jouet", rappelle Camille Thorneycroft. En effet, 1,1 million d’unités ont été vendues l’an dernier, selon NPD Group. Pour un chiffre d’affaires total de 24 millions d’euros, soit 23% de plus qu’en 2018. Une véritable performance au regard de la timide progression du secteur dans son ensemble (+1%).

"C’est un marché qui se maintient bien parce qu’il y a un bon positionnement prix (le prix moyen est de 21,5 euros, ndlr) et c’est assez ludique pour les enfants. Par ailleurs, l’offre évolue, se diversifie et s’adapte au consommateur en proposant des calendriers avec des licences, tout en continuant de surfer sur les basiques", affirme de son côté Thierry Le Lan.

Les deux acteurs leaders qui se partagent plus de la moitié du marché illustrent parfaitement cette évolution: Playmobil, d’abord, propose un catalogue avec douze références autour de thématiques différentes pour séduire un jeune public aussi large que possible: "Un enfant a souvent son thème de prédilection, qu’il s’agisse des pompiers, des pirates, des animaux, etc.", explique Cécile L'Hermite, responsable marketing consommateurs du fabricant allemande. Certains modèles à succès sont ainsi recyclés d’une année sur l’autre, tandis que d’autres autour de nouveaux univers font leur apparition à chaque période de fêtes pour coller aux attentes du moment.

… pour attirer petits et grands

Son concurrent danois Lego mise davantage sur les licences avec des produits surfant sur l’univers de franchises iconiques et transgénérationnelles comme Star Wars ou Harry Potter, référence numéro un sur le marché. Car même dans le monde du jouet, les enfants n’ont plus le monopole du calendrier de l’Avent. Désormais, les adultes comptent parmi les cibles à aller chercher, en jouant la carte de la nostalgie et des tendances de la pop culture avec des figurines exclusives. "On a une grosse partie des consommateurs qui sont adultes. (…) Les calendriers de l’Avent s’adressent à tout le monde. C’est la force de Lego", se félicite Camille Thorneycroft.

Le calendrier Lego Harry Potter
Le calendrier Lego Harry Potter © Lego

Le géant du jouet n’est pas seul sur ce créneau. En témoigne la commercialisation depuis deux ans du calendrier Funko et ses mini-figurines Pop que s’arrachent les fans de Marvel ou Dragon Ball Z le reste de l’année. Son prix, autour de 46 euros contre 20 à 30 euros pour Lego et Playmobil, ne laisse guère de doute sur la clientèle visée, à savoir des fans prêts à mettre la main au portefeuille pour garnir leur collection.

Playmobil n’a pas non plus résisté à l’appel de la licence même si la marque dit ne pas vouloir abuser de cette pratique. Après Ghostbusters en 2017, elle sort cette année une collection inspirée de Retour vers le futur. Cécile L’Hermite assure malgré tout que le but recherché n’est "pas de proposer des jouets pour adulte", arguant que le film a traversé les générations et qu’il n’est de fait "pas méconnu des enfants". Bien que "dans la réalité, il y a probablement des adultes qui l’achètent", reconnait-elle.

Et pour cause, ajoute la responsable marketing, "le marché des calendriers de l’Avent a vraiment évolué ces deniers années. En 1998 (date de lancement du premier calendrier Playmobil, ndlr), on en était encore à un calendrier par famille. Maintenant, chaque membre de la famille a presque son calendrier de l’Avent. On est sur un approche différente. Les habitudes évoluent".
Le calendrier Playmobil Retour vers le futur
Le calendrier Playmobil Retour vers le futur © Playmobil

Le calendrier de l’Avent, une arme marketing redoutable

Face à l’appétence de la clientèle adulte pour les calendriers de l’Avent, le secteur cosmétique s’est lancé à son tour sur le marché. Sephora, Nocibé, L’Occitane… La plupart des enseignes proposent leurs propres modèles avec, pour le consommateur, un échantillon de produits de beauté à découvrir chaque jour sous l’une des fenêtres cartonnées.

Comptant parmi les leaders de la beauté en ligne, Blissim (ex-Birchbox) propose depuis quatre ans un calendrier de l’Avent avec 24 produits de marques différentes dont Laroche-Posey, Garancia mais également des marques de niche. Véritable best-seller, il s’est déjà vendu en 40.000 exemplaires cette année, soit trois fois plus qu’en 2019. Et le spécialiste de la box beauté dont les commandes en ligne ont flambé avec le confinement espère en écouler 10.000 supplémentaires d’ici la fin de l’année.

Calendrier de l'Avent Blissim
Calendrier de l'Avent Blissim © Blissim

Pour ce secteur en particulier, le calendrier de l’Avent s’est imposé comme un outil marketing incontournable. "Ce qu’on vend aux marques, c’est la possibilité de faire découvrir leurs produits à nos 230.000 abonnés, de les mettre dans la main de la cliente, de capter son attention", détaille Quentin Reygrobellet, directeur général de Blissim. En clair, l’objectif pour beaucoup d’enseignes cosmétiques n’est pas tant de se dégager une marge conséquente sur le calendrier que de tester leurs nouveaux produits et de les faire connaître auprès d’un public qu’elles n’avaient pas encore réussi à atteindre.

"C’est un produit de pénétration, plus que de loyauté. C’est une bonne affaire en général", confirme Frédérique Tutt de NPD Group. "Notre positionnement, ce n’est pas de gagner de l’argent sur ce produit, mais de transformer le test en achats sur notre site", abonde Quentin Reygrobellet. En effet, le calendrier Blissim et ses 24 produits au format 30 ou 50ml est vendu 59 euros (49 euros pour les abonnés), pour une valeur réelle de plus de 200 euros. Ce qui en fait le calendrier multimarques le plus abordable du marché en ligne. Un prix très attractif assumé pour conquérir de nouveaux abonnés dans le futur.

A l’ère du numérique et fort d'un design travaillé, le calendrier de l’Avent est de surcroît devenu un produit "instagramable", très adapté à la communication en ligne. Un atout majeur: "Les marques font aussi appel au calendrier de l’Avent parce que c’est un produit en termes d’influence qui marche extrêmement bien sur les réseaux sociaux", constate encore Quentin Reygrobellet, soulignant que le calendrier Blissim "a été placé auprès de plus de 100 influenceuses".

Les petits commerçants veulent leur calendrier

Les grandes enseignes ne sont pas les seules à miser sur le potentiel du calendrier de l’Avent. De plus en plus de petits commerçants et artisans se démarquent désormais en proposant leur propre modèle. En Haute-Saône, l’entreprise Embaline, spécialisée dans le boitage, fabrique des calendriers pour les chocolatiers et pâtissiers qui souhaiteraient enrichir leur offre de Noël. Charge à eux d’y glisser ensuite un assortiment de leurs produits avant de les vendre en boutique.

"On développe de plus en plus ce produit qui devient phare et que tout le monde veut. Avec des formes originales que l’on ne trouve pas en grande distribution", assure Sonia Guédot, directrice création et marketing chez Embaline. Et le succès auprès des commerçants se confirme d’année en année. Après avoir vendu plus de 8300 calendriers de l’Avent déclinés en quatre formes en 2019, l’entreprise de boîtage en avait écoulés plus de 12.000 de huit formes différentes fin novembre.

"Nos clients commencent à commander ce type de produit dès le mois de juin, mais le véritable pic des ventes a lieu en octobre", poursuit Sonia Guédot. Avant de préciser qu’Embaline "est en rupture" de calendrier "depuis novembre". Selon elle, le produit "se vend bien parce que le client cherche quelque chose de nouveau qu’il ne trouve pas en grande surface, il veut être surpris". "Et le calendrier de l’Avent est désormais quelque chose qu’on offre. C’est devenu le premier cadeau avant les fêtes de Noël", conclut-elle.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco