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Violences en Corse: que peut changer la venue de Gérald Darmanin sur l'île?

Des manifestants corses portent une banderole sur laquelle est écrit "Etat français assassin", lors de la manifestation à Bastia, le 13 mars 2022

Des manifestants corses portent une banderole sur laquelle est écrit "Etat français assassin", lors de la manifestation à Bastia, le 13 mars 2022 - Pascal POCHARD-CASABIANCA © 2019 AFP

Gérald Darmanin va se rendre mercredi et jeudi en Corse à la demande du président de la République. Élus locaux et population l'attendent avec des revendications précises.

"Un cycle de discussions sans précédent": voilà ce que promet Gérald Darmanin. Le ministre de l'Intérieur va se rendre mercredi et jeudi en Corse alors que la manifestation qui s'est tenue dimanche en soutien à Yvan Colonna, agressé violemment le 2 mars dernier par un co-détenu à la prison d'Arles, a été émaillée par des nouveaux heurts. Cette visite se fait à la demande du président de la République. Les revendications des manifestants et des élus tournent autour de trois demandes.

"Nous avons écouté le président Simeoni (le président du conseil exécutif corse, NDLR) et nous sommes prêts à ces discussions", a dit lundi matin le ministre de l'Intérieur.

"Un geste fort" attendu

La colère en Corse a explosé le 2 mars dernier après l'agression d'Yvan Colonna, étranglé et étouffé par un co-détenu. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer la décision "politique" de maintenir le statut de DPS, "détenu particulièrement signalé", pour lui et les deux autres membres du "commando Erignac", Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, responsable de l'assassinat du préfet en février 1998. La demande a été entendue. Les trois nationalistes ont été radiés du répertoire DPS. Insuffisant pour calmer la colère des Corses.

"Il faut que Gérald Darmanin vienne avec un geste fort dans ses bagages", prévient auprès de BFMTV.com Thierry Casolasco, président de l'"Associu Sulidarità", association de défense et de soutien aux prisonniers nationalistes.

Le statut de DPS désormais levé, Alain Ferrandi et Pierre Alessandri peuvent prétendre à un transfèrement à la prison de Borgo, en Corse, au nom du rapprochement familial. Les revendications, portées par les élus locaux, appellent l'État français à aller plus loin pour les prisonniers dit politiques, deux incarcérés à Poissy, dans les Yvelines, et pour trois autres détenus à Borgo. Mais aussi la suppression de leurs noms à un certain nombre de fichiers, comme le Fijait, le Fichier des auteurs d'infractions terroristes. En clair, tourner la page et ouvrir une nouvelle séquence.

"Il faut tendre vers une libération, lance sur BFMTV Jean-Christophe Angelini, le maire de Porto-Vecchio, et président du groupe Avanzemu à l'Assemblée de Corse. Dans des processus de paix comparables, partout en Europe, on a vu des centaines de militants qui ont été libérés par le biais de discussions démocratiques et politiques."

"Dénis démocratiques"

Le geste fort attendu par une grande partie des Corses est avant tout la reconnaissance du peuple corse. "C'est l'article 74 de la Consitution simplement", tranche Thierry Casolasco, citant l'article qui consacre le principe de spécialité législative et d'autonomie des collectivités d'outre-mer. "Il faut remettre au gout du jour un processus politique qui traite de tous les sujets institutionnels, le statut d’autonomie, la question sociale, économique, la spéculation immobilière, la langue et la culture", détaille Jean-Félix Acquaviva, député de Haute-Corse.

"C’est une demande réitérée des Corses et en particulier de la jeunesse qui n’a pas supporté tous les dénis démocratiques."

Le processus Matignon mené jusqu'en 2002 par le Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin, s'était conclu par un plan d'investissement exceptionnel de l'État en Corse. Les élus avaient vu s'évaporer leurs espoirs de réforme institutionnelle, de consultation des insulaires par référendum, de transfert de pouvoirs législatifs à l'Assemblée de Corse, entre autres. En 2014, le FLNC, le groupe indépendantiste clandestin, avait annoncé qu'il engageait "sans préalable et sans équivoque aucune un processus de démilitarisation et une sortie progressive de la clandestinité".

Un appel au calme comme préalable aux discussions

Depuis, les nationalistes ont pris la tête des deux instances locales, Gilles Simeoni au conseil exécutif corse, Jean-Guy Talamoni puis désormais Marie-Antoinette Maupertuis à l'Assemblée de Corse. "Nous attendons tous en Corse que la venue de Gérald Darmanin soit un déclic important, un moment de bascule vers une autre politique de l’État en Corse, c’est-à-dire une politique de compréhension, insiste Jean-Félix Acquaviva. C'est ce qu’ont exprimé les Corses depuis des années, à travers des votes démocratiques clairs et réitérés."

Gérald Darmanin a affirmé qu'"aucun dialogue ne peut débuter" sans un préalable "retour au calme" alors qu'un centre des finances publiques a été incendié. Les vitres d'un bureau de Poste ont aussi été soufflées ce week-end lors des heurts qui se sont déroulés pendant la manifestation à Bastia. Ces violences ont fait au total 93 blessés, dont 70 parmi les forces de l'ordre. "Il ne doit pas y avoir de préalable, tranche Thierry Casolasco. C'est lui qui détient les clés de la paix."

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV