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Politique

Un médecin suspendu deux semaines pour avoir consulté le pass vaccinal d'Emmanuel Macron

Le président français Emmanuel Macron lors du 58e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 26 février 2022. Photo d'illustration

Le président français Emmanuel Macron lors du 58e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 26 février 2022. Photo d'illustration - Ludovic MARIN / POOL / AFP

Le médecin généraliste avait consulté à deux reprises le dossier vaccinal du président de la République pour, selon lui, alerter sur des failles de sécurité. Il va être suspendu deux semaines pour "manquements aux obligations déontologiques".

Entre déontologie et lanceur d'alerte, l'Ordre des médecins a tranché: le Dr Michaël Rochoy, médecin généraliste à Outreau (Pas-de-Calais) va être suspendu deux semaines pour avoir consulté à deux reprises le dossier vaccinal d'Emmanuel Macron, rapporte le site d'actualité médicale Egora.

"Le Dr Rochoy fait valoir que la mission supérieure de lanceur d’alerte dont il se sent investi lui aurait permis de s’affranchir de ses obligations déontologiques, une telle justification aux manquements relevés ne peut être accueillie", est-il écrit dans la décision de la chambre disciplinaire du conseil de l’Ordre des médecins des Hauts-de-France qu’Egora a pu consulter.

"Contrairement à ce qu’[il] soutient, ces données étaient couvertes par le secret médical".

Alerter, c'est en effet ce qu'a voulu faire le jeune médecin, d'après ses dires. En août 2021, quelques jours après l'extension du pass sanitaire et la promulgation d'une loi rendant obligatoire la vaccination contre le Covid-19, Michaël Rochoy faisait état de failles de sécurité permettant à tous les soignants d'accéder au dossier vaccinal de n'importe quel patient. Seule condition: avoir sa date de naissance.

Des failles dans le système

Pour faire réagir, il a voulu prouver qu'il pouvait accéder aux informations du président de la République.

"Ça prend littéralement une minute", écrivait-il sur son compte Twitter (désormais X), deux photos à l'appui.

"Le secret médical incite à arrêter là, mais d'autres personnes moins scrupuleuses sont peut-être en train de lister le statut de politiciens..."

En menant son expérience, le médecin avait découvert, contre toute attente, que la date de sa première injection qui avait été annoncée publiquement, le 31 mai, n’était pas celle inscrite sur la plateforme, le 13 juillet.

"Là, je me suis dit que des centaines de personnes avaient pu avoir accès ou auraient accès à ce dossier vaccinal qui contient de fausses informations, de nature à laisser penser que le Président serait antivax ou se serait fait vacciner sur le tard, contrairement à ce qu’il avait dit. Au risque d’alimenter inutilement la mouvance antivax", se justifiait le Dr Michaël Rochoy en décembre 2021 auprès d'Egora.

Il avait alors décidé de prévenir l'Élysée: "J’ai eu quelqu’un qui m’a dit qu’il allait faire remonter. Je n’ai pas eu le moindre retour", avait-il alors raconté au service CheckNews de Libération.

"Ceux qui sont pénalisés, ce sont mes patients"

Si l'entourage d'Emmanuel Macron assurait qu'il s'agissait d'une simple erreur de saisie administrative, la polémique a enflé lorsque les dates ont été rendues publiques. Après un article de Médiapart à propos de cet Imbroglio autour de la vaccination de Macron, l’Assurance maladie a mené une enquête.

Des dizaines de soignants auraient consulté à tort le dossier du Président. Dont pour la deuxième fois le Dr Michaël Rochoy qui souhaitait constater que l'erreur n'avait pas été corrigée. Une plainte a alors été déposée contre lui par le conseil départemental de l’Ordre du Pas-de-Calais.

La sentence est tombée ce lundi: il ne pourra pas exercer du 1er au 15 novembre prochains pour "manquements aux obligations déontologiques".

"C'est une sanction que je considère disproportionnée", réagit-il au micro de Franceinfo ce mardi en annonçant toutefois ne pas faire appel.

"Didier Raoult, pour l'ensemble de son œuvre, avoir prôné un traitement inefficace et inutilement dangereux [contre le Covid-19, l'hydroxychloroquine], lui a pris un blâme", ajoute le généraliste qui se défend d'avoir révélé un secret étant donné que le statut vaccinal d'Emmanuel Macron était déjà connu.

Il déplore que "dans l'histoire, ceux qui sont pénalisés, ce n'est pas [lui], ce sont [ses] patients".

Juliette Brossault