BFMTV
Politique

Présidentielle: le vote utile fera-t-il la différence le 23 avril?

10 des 11 candidats à la présidentielle.

10 des 11 candidats à la présidentielle. - LIONEL BONAVENTURE / POOL / AFP

La forte proportion d'électeurs indécis et le faible écart entre les candidats rendent les mécaniques du vote utile très floues pour cette élection. Pourtant, il sera déterminant.

Dans un mouchoir de poche: à onze jours du premier tour, les quatre favoris du scrutin se tiennent en six points dans les sondages. Il semble acté, dans l'esprit de ses rivaux, que Marine Le Pen sera au second tour. Le refrain du "vote utile" est donc revenu en force dans la campagne, d'abord psalmodié par Benoît Hamon face à Jean-Luc Mélenchon, puis entonné par François Fillon et Emmanuel Macron (bien que ce dernier s'en défende, craignant d'apparaître comme un vote "par défaut"). Si bien que cette multiplication de votes utiles permet de se demander s'il en existe au moins un dans ce scrutin.

Un vote malgré tout idéologique 

Voter utile, c'est un coup de billard à trois bandes: il s'agit de renoncer à son vote de conviction, au profit d'un vote stratégique en faveur d'un candidat mieux placé dans les sondages, dans l'optique de faire éliminer un candidat tiers. Il aurait, par exemple, conduit les 2% d'électeurs de Christiane Taubira à se reporter sur la candidature de Lionel Jospin en 2002 pour éviter la qualification de Jean-Marie Le Pen. L'épouvantail du 21 avril n'est d'ailleurs jamais très loin quand Benoît Hamon lance: "Aujourd’hui, le projet d’Emmanuel Macron, c’est le marchepied du Front national."

"Le vote stratégique n'est que le moyen au service d'un camp idéologique", rappelle Stéphane Rozès, politologue et président de CAP. "Le premier ressort du vote reste le vote de conviction." Indirectement, le vote utile reflète en effet un "ordre de préférence". Dans cette optique, "Macron et Mélenchon sont les deux candidats qui devraient le plus bénéficier du vote utile".

Influence médiatique et dynamique de campagne

Cela va de soi, le vote "utile" se définit par opposition à "l'inutilité" supposée d'une voix dont les sondages annoncent au citoyen qu'elle est vouée à l'élimination.

"Les électeurs conçoivent d’autant moins un choix de conviction qu’ils sont systématiquement conditionnés par les chiffres qui leur annoncent un ordre d’arrivée et les incitent à devenir calculateurs", relève dans Libération Alain Garrigou, professeur en sciences politiques à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense.

Certes, "la différence entre Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon est avant tout le résultat d'une bonne campagne contre une autre plutôt mauvaise", juge Stéphane Rozès. Cependant, la mécanique du "vote utile" profite d'autant plus au leader de la France insoumise que l'écart entre lui et le candidat socialiste se creuse, puisque le calcul électoral penche de plus en plus sûrement en sa faveur.

Vote psychologique autant qu'arithmétique

Pour autant, la dynamique du vote utile ne se limite pas à une simple arithmétique sondagière, mais tient également de la psychologie électorale. Alors qu' en bonne logique, le vote utile devrait s'amenuiser à mesure que les écarts entre le candidat "de conviction" et le candidat "stratégique" se resserrent, autrement dit, que le calcul électoral perd en certitude, c'est tout le contraire qui se produit.

"Naturellement, tout le monde se déplace en voulant que son vote compte", explique Alain Garrigou à BFM. "Dans les élections très disputées, le sentiment que n'importe quel vote compte est plus fort": le recours au vote utile, par exemple aux dépens de "petits" candidats, est donc beaucoup plus facile.

Le facteur du "vote utile" sera d'autant plus important dans les derniers instants de la campagne que le niveau d'indécision est à un niveau record (30%) à deux semaines du scrutin. 

Louis Nadau