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Pouvoir d'achat: qui veut quoi chez les groupes d'opposition?

L'Assemblée nationale, le 6 juillet 2022

L'Assemblée nationale, le 6 juillet 2022 - Bertrand GUAY / AFP

Promis aux Français à l'été face à l'inflation galopante, le projet de loi sur le pouvoir d'achat et sa kyrielle de mesures de soutien arrivent ce lundi dans l'hémicycle de l'Assemblée, où les oppositions vont faire assaut de propositions d'aides nouvelles.

Le revenu de solidarité active (RSA) et l'allocation aux adultes handicapés (AAH) revalorisés, chèque alimentaire de 100 euros, remise carburant, bouclier tarifaire, redevance audiovisuelle supprimée... Le projet de loi pour le pouvoir d'achat et le projet de loi de finances rectificative pour 2022, au menu cette semaine de l'Assemblée, dès ce lundi après-midi prévoient une batterie de mesures pour soutenir les ménages frappés par l'inflation.

Si, en commission, l'ensemble des députés présents ont affiché un "consensus" sur la "déconjugalisation" de l'AAH, c'est-à-dire l'attribution de cette aide sans tenir compte des revenus du conjoint, les oppositions se tiennent dans les starting-blocks pour en découdre avec la majorité sur le reste du texte. Chacun des dix groupes à l'aide d'une stratégie différente.

Sur le paquet pouvoir d'achat, "il va falloir une mobilisation totale", estime une source parlementaire auprès de l'AFP. Elle observe que côté oppositions, après avoir été "frustrés pendant cinq ans" face à l'hégémonie des macronistes, "tout remonte".

Les lignes rouges des LR

Les 62 députés LR ont des priorités et des "lignes rouges", qui conditionneront leur positionnement in fine. Début juillet, leur chef de file Olivier Marleix a écrit à la Première ministre Élisabeth Borne, réclamant la "baisse du prix du carburant à 1,5 euro par litre", la "revalorisation du travail et pas uniquement des minima sociaux" et encore l'"annulation de la hausse de la CSG sur tous les retraités".

Dans cette nouvelle Assemblée sans majorité absolue, chaque nouveau texte est une opportunité pour ce groupe LR qui, malgré son résultat historiquement bas à la présidentielle, a les moyens de peser dans les débats. "Avant nous prêchions dans le désert. Nos demandes, nos propositions n’étaient jamais acceptées", déplore Émilie Bonnivard, interrogée par le journal Le Monde, il y a quelques jours.

Les débats à venir sur le texte pouvoir d'achat, "c’est une opportunité extraordinaire de changer la vie des Français à un moment de crise", pointe l'élue de Savoie.

Certaines de leurs propositions ont toutefois d'ores et déjà été retoquées. Sur le carburant notamment, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a chiffré une telle baisse à 50 milliards d'euros, la jugeant "pas responsable".

En commission, le député Stéphane Viry a vu dans le projet gouvernemental une tentative d'"éteindre un incendie provoqué par des mauvaises décisions". Il a regretté notamment avec la mise en place de chèques, comme sur l'alimentaire, "des mesures bancales et temporaires". Les LR comptent bien peser dès cet après-midi.

Peut mieux faire pour le RN

Marine Le Pen, qui a axé sa campagne présidentielle sur le pouvoir d'achat, a répété à plusieurs reprises vouloir que le texte "puisse être voté" car c'est "urgent" pour les Français. Elle maintient son positionnement maintes fois répété depuis son entrée il y a quatre semaines au Palais-Bourbon d'opposition "ferme, mais constructive".

La cheffe de file des 89 députés RN a néanmoins estimé qu'il "sera très certainement imparfait car ce n'est pas nous qui l'avons construit". Jordan Bardella a de son côté affirmé sur notre antenne mardi dernier que c'est "grâce au score de Marine Le Pen" que "le pouvoir d'achat devient le premier texte discuté à l'Assemblée.

La remise carburant par exemple ne convainc pas la droite de la droite de l'hémicycle. "La seule mesure efficace, rapide, immédiate et qui va pouvoir bénéficier à tout le monde, c'est la baisse de la TVA sur le carburant, de 20 à 5,5%", a argué dimanche dernier sur BFMTV la candidate malheureuse au second tour de la présidentielle qui veut la financer par une "taxe sur les superprofits". Le groupe a déposé "un amendement en commission des Finances sur ce sujet", précise-t-elle. Une proposition déjà qualifiée par Bercy d'extrêmement "dispensieuse".

En commission des Lois, sa collègue Laure Lavalette a égrené tous ses "manquements", sur les salaires, l'essence ou encore "les pratiques bancaires étouffantes"... "Les Français, sachez-le, ne veulent pas l'aumône", a-t-elle aussi lancé, dénonçant une "régression sociale" avec "la politique du chèque", et plaidant pour "un véritable sursaut".

Mais le groupe RN "votera tout ce qui rapporte du pouvoir d'achat tout en disant que c'est nul ou presque rien", dit l'un de ses élus. Marine Le Pen assure par exemple qu'elle sera favorable à la revalorisation des pensions de retraite et des minimas sociaux de 4%.

Le propre texte d'"urgence sociale" de la Nupes

Le ton n'est pas le même du côté de la Nupes et de ses 151 députés, pour qui "le compte n'y est pas". L'intergroupe a ainsi préparé son propre texte d'"urgence sociale" avec une hausse du Smic à 1.500 euros, un "vrai dégel" du point d'indice des fonctionnaires (10%, là où le gouvernement a annoncé 3,5%) ou encore un "blocage des prix", autant de mesures qu'ils porteront dans l'hémicycle.

La version du gouvernement est "très très loin d'être à la hauteur de ce qu'attendent les Français", selon la cheffe de file LFI Mathilde Panot, son collègue François Ruffin fustigeant "une loi où il s'agit de distribuer des miettes parce qu'on arrive après une séquence électorale". Sur le triplement de la prime Macron, le député de la Somme fustige '"un déshabillage du système social".

Le Premier secrétaire du PS Olivier Faure a aussi évoqué un texte de "moindre perte" plutôt que de pouvoir d'achat, tandis qu'il "ne fait pas la maille" pour Sébastien Jumel (PCF).

Quant aux écologistes, ils ont aussi dans le viseur des mesures qu'ils jugent "climaticides", comme "la réouverture des centrales à charbon", via l'augmentation des émissions autorisées, ou le projet de terminal méthanier flottant au Havre.

Tous doivent se réunir demain matin en intergroupe puis formation politique par formation politique pour décider de leurs positions respectives. Les socialistes pourraient être tentés par l'abstention tandis que les insoumis pourraient voter contre le texte.

Les Liot en défense des territoires

Les 16 députés du groupe composite Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoire ne voteront pas nécessairement d'une seule voix. Mais le groupe pourrait prêter une oreille attentive à l'exécutif. "On s'orienterait vers un vote pour (...) si nous obtenons quelques satisfactions", a affirmé son co-président Bertrand Pancher, citant notamment la nécessité de "donner les moyens aux collectivités" de trouver des contreparties à la hausse des minima sociaux.

"Le texte va dans le bon sens", a constaté auprès de Reuters, son collègue Christophe Naegele, "il y a des réelles avancées mais il ne faut pas oublier la dette publique qui grandit".

Et d'observer que "dans un combat de boxe, c'est round après round".

Faute de majorité absolue, les 250 élus LREM (rebaptisés Renaissance), MoDem et Horizons sont contraints de trouver des terrains d'entente avec les oppositions. Avec en mémoire, le petit traumatisme du premier test sur le texte sanitaire, adopté mercredi dernier dans la douleur.

Si Nicolas Turquois (MoDem) a plaidé en commission pour "trouver les voix et moyens du dialogue et de l'écoute réciproques", la cheffe de file des députés LREM Aurore Bergé prévient que les compromis ne se feront "pas à n'importe quel prix". Quelque 20 milliards d'euros sont déjà sur la table pour aider les Français à faire face à une inflation rapide (+5,8% sur un an en juin).

Sous le feu des critiques lancées par la Nupes pour ses votes en faveur de deux vices-présidents RN, la majorité a bien fait savoir qu'elle cantonnerait les discussions à "l'arc républicain". Exclu "l'extrême droite" RN. Mais également, "l'extrême gauche" LFI.

Hortense de Montalivet avec AFP