Pour le PS et contre Manuel Valls, que cherche Martine Aubry?

La maire de Lille, détachée des considérations nationales en apparence, multiplient les attaques contre la politique menée par le gouvernement et cherche à rassembler à gauche derrière elle. Dans sa ligne de mire, son opposant principal pour prendre la suite de François Hollande, Manuel Valls. 

La guerre à gauche pour 2017 est plus discrète que celle qui se joue à l'UMP mais Martine Aubry semble une candidate désignée pour l'animer. En pointe sur les questions sociales du travail, l'ancienne ministre de Lionel Jospin a publiquement affiché son désaccord avec la loi Macron et la question du travail du dimanche, estimant dans une tribune publiée par Le Monde qu'il s'agissait d'une une "régression" qu’elle s’engageait "à combattre" au niveau "local et national". Une attaque au timing dévastateur pour Emmanuel Macron, puisque publiée le jour-même du grand oral devant la presse du ministre de l'Economie pour défendre sa loi.

Que cherche la maire de Lille en affichant ainsi ses distances avec les initiatives du gouvernement? Elle semble en tout cas s’opposer frontalement à un vieil ennemi: le Premier ministre Manuel Valls, qui voulait en 2011 "déverrouiller" la loi les 35 heures, dite aussi loi Aubry. 

Un leader pour faire la synthèse au PS

Car en matière de prise de parole assassine pour le gouvernement socialiste, Martine Aubry n'en est pas à son coup d'essai. Elle avait aussi tapé sur la réforme territoriale mais plus largement, c’est le virage social-libéral du gouvernement – symbolisé par la nomination d’Emmanuel Macron à Bercy- que la maire de Lille critique. Ni "recours", ni "frondeuse", mais "candidate au débat d’idées" pour sa formation politique en octobre dans les colonnes du JDD, l’ex-patronne du PS entre 2008 et 2012 avait ainsi publié une contribution très remarquée sur le site internet des Etats généraux du parti, où elle plaidait pour "une nouvelle social-démocratie". "Dans l'optique d'une alternative, c'est une voix importante", confirme le député PS Laurent Baumel.

Martine Aubry veut peser sur le débat et prépare déjà "l’après-Hollande", comme l’explique le politologue Gérard Grunberg à BFMTV.com. Avec le chef de l’Etat, la maire de Lille est moins critique en public malgré "les loupés" du début de quinquennat et les "incapable" qui fuseraient en privé. Lors de la finale de la Coupe Davis fin novembre, les deux ténors du PS s’étaient affichés côte-à-côte et avaient insisté sur leur capacité à évoluer "en double" malgré leurs différences. La veille, le président de la Fédération française de tennis avait été intercalé entre elle et Manuel Valls. Un signe supplémentaire des tensions en coulisse? 

Vers une "primaire Aubry-Valls" à gauche en 2016

"Il y aura bien sûr une primaire Aubry-Valls" à gauche en 2016, assure encore Gérard Grunberg. "François Hollande restera président de la République mais chacun se désolidarise à tour de rôle" de son action. Martine Aubry cherche d’autant plus à se démarquer qu’en 2011, lors de la primaire PS, elle était au second tour quand Manuel Valls ne récoltait que 5% des suffrages exprimés par 3 millions de sympathisants de la gauche.

Entre les deux, une rencontre à Lille début octobre n'a rien réglé. Manuel Valls répondait avoir "les nerfs solides" aux critiques du mois d'octobre, il a ironisé sur le "projet de civilisation" de sa rivale mercredi, raconte Le Monde, bien conscient que derrière la loi Macron, c'est bien lui qui est ciblé.

Le premier round entre les deux ténors aura lieu très vite. En 2015, le Parti socialiste se réunira en congrès à Poitiers. Une contribution, en attendant une motion, a déjà été écrite par la maire de Lille et ses proches comme François Lamy ou Christian Paul. L'objectif? Faire un pas de plus dans la bataille interne du PS, élargir et compter ses troupes. Entre deux élections locales à hauts risques, Martine Aubry cherchera sa légitimité et à affaiblir Manuel Valls dans son propre camp.

Samuel Auffray