Montebourg, ou l'art de faire de la politique loin des partis

L'ancien ministre de l'Economie, qui cultive les signes d'un retour en politique, prend soin de prendre ses distances vis-à-vis du Parti socialiste, et des partis en général.

Après être resté silencieux pendant les mois qui ont suivi son départ du gouvernement, Arnaud Montebourg distille depuis quelques semaines les signes d'un retour, tout en faisant mine de ne pas y penser. Chaque étape est pourtant pensée pour que l'ancien ministre se distingue de son parti. 

> L'ascension du mont Beuvray

Ce devait être une visite discrète, mais tout est affaire de nuances. Silencieux pendant des semaines, Arnaud Montebourg ne veut surtout pas manquer son ascension traditionnelle du week-end de la Pentecôte au mont Beuvray, dans la Nièvre. La visite est très étudiée: pour échapper à la presse, Arnaud Montebourg et Aurélie Filippetti empruntent un autre chemin que les autres fidèles de l'ascension. 

Mais une fois en haut, les caméras l'attendent, et l'ancien ministre le sait parfaitement – même s'il fait mine de s'en agacer. Il esquive les questions, et laisse ses "amis" frondeurs dire leur "admiration" pour "Arnaud". Bises et accolades: l'amitié avec ces membres de l'aile gauche du PS est scellée, mais Montebourg tient à ne pas être au premier plan. Proche d'eux, mais loin du PS, comme s'il s'apprêtait à passer le relais. "Ils me représentent", lance-t-il.

> La tribune avec Mathieu Pigasse

Le congrès du PS? Très peu pour Arnaud Montebourg. Il n'a signé aucune des quatre motions, et refuse de se "taper les bagarres de congrès", selon ses propres mots. Mais difficile de résister à la tentation de dynamiter la grande réunion qui l'écoeure tant: le dimanche 7 juin, en plein congrès du PS, il publie une tribune particulièrement sévère pour l'exécutif, rédigée avec Mathieu Pigasse dans le Journal du dimanche.

Il fait ainsi le choix de s'adresser à l'opinion sans rester dans le cadre du parti, comme devenu trop étroit. Le choix du cosignataire, banquier d'affaires, n'est pas anodin: l'ancien ministre montre qu'il a désormais un pied dans la vie économique française. Et se permet de semer la zizanie dans son parti, sans même y faire une apparition. "Il a gâché la fête", dira un socialiste dimanche soir. A croire que c'était voulu: Arnaud Montebourg semble déjà préparer l'après-Hollande.

> Le Made in France

C'était son leitmotiv lorsqu'il était ministre de l'Economie, c'est devenu sa marque de fabrique: le made in France. C'est pour promouvoir la fabrication française qu'Arnaud Montebourg se montre dans les médias: en mai dernier, on le voit se rendre à Poil, dans la Nièvre, avec Aurélie Filippetti. Le but? Soutenir deux jeunes entrepreneurs fabricants de caleçons et de pyjamas.

Le lendemain, il pose pour Smuggler, le costumier made in France. Mercredi, on apprend qu'il s'associe avec Yves Jégo pour fonder le label "Vive la France". L'association, loin de tout clivage politique, permet à l'ancien ministre de faire parler de lui sans être associé au PS. Prochain rendez-vous les 10 et 11 septembre prochains, pour les assises du produire en France, qu'il coorganise à Reims.

> 2017 en tête?

Arnaud Montebourg ne l'avait pas caché. Dès 2013, il confiait au Monde: "Après le ministère j'arrête la politique, en tout cas comme carrière (…) La présidentielle est la seule élection à laquelle j'envisage de me représenter un jour". Mais quand, et comment? L'ex-ministre cultive son image de trublion hors du PS. Et les réussites de Podemos en Espagne semblent en inspirer certains à gauche: en décembre, La Plateforme a été créée par de jeunes militants PS, écologistes ou proches de la gauche radicale. "Dégoûtés" de la vie politique, ils veulent "trouver une nouvelle voie". Reste à savoir désormais si Arnaud Montebourg pourrait s'en inspirer... Ou s'en approcher.

https://twitter.com/ariane_k Ariane Kujawski Journaliste BFMTV