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Retraites: à quoi sert l'article 47.1 que l'exécutif pourrait enclencher pour faire passer la réforme?

Cet article de la Constitution permet à l'exécutif de limiter les débats au Parlement à 50 jours dans le cadre d'un projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Après le 49.3, le 47.1? Pour la première fois de l'histoire de la Ve République, l'exécutif pourrait avoir recours à cet article de la Constitution. Objectif: faire adopter plus rapidement son projet de loi. Cette disposition limite en effet à 50 jours l'examen d'un texte au Parlement. Passé ce délai, "les dispositions peuvent être mises en oeuvre par ordonnance", précise la Constitution.

"Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat", peut-on lire. Une position confortable pour le pouvoir alors que la chambre haute, à majorité de droite, est favorable à une réforme des retraites.

Une "sécurité" pour s'assurer de la versation des prestations sociales

Précision: Le 47.1 concerne les projets de loi de financement de la Sécurité sociale. Le gouvernement a choisi de passer par un projet de financement réctificative de la Sécurité sociale (PLFRSS) pour l'examen de sa réforme des retraites. Or, le 47.1 "s'applique d'habitude au projet de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), c'est-à-dire au budget annuel de la Sécu qui se discute traditionnellement à l'automne", explique Matthieu Croissandeau sur BFMTV.

Notre éditorialiste politique poursuit: "on sait qu'à l'automne, il y a urgence pour voter ce projet de loi parce que si on ne le vote pas avant la fin de l'année civile, la Sécu ne peut pas verser de prestations sociales". Dès lors, le 47.1 est une "sécurité", pour s'assurer de l'adoption du texte.

Néanmoins, pour le cas actuel, il ne s'agit "pas du tout d'une situation d'urgence", juge Matthieu Croissandeau. Pourquoi? Parce qu'"on n'est pas forcément dans le cadre d'un budget de la sécu, mais d'une réforme des retraites qui aurait dû faire l'objet d'une procédure classique" - soit, "un projet de loi de réforme des retraites".

Le PLFRSS, un choix risqué sur les plans juridique et politique

Le choix du gouvernement peut s'avérer risqué juridiquement. En témoigne les propos de Laurent Fabius rapportés par Le Canard enchaîné. Selon le journal, l'actuel président du Conseil constitutionnel a mis en garde: il pourrait sanctionner des mesures qui n'ont rien à voir avec le PLFRSS. Exemple: l'index sur l'emploi des seniors qui n'est pas une mesure de recettes et de dépenses.

Surtout, l'emploi d'un tel article "est risqué politiquement", selon Matthieu Croissandeau. "Où est le débat, où est la recherche de consensus, où est la fameuse concertation prônée par Élisabeth Borne si tout se fait au pas de charge?", questionne-t-il.

Le contexte est déjà brûlant pour le camp présidentiel, entre l'importante mobilisation de l'intersyndicale jeudi dernier, l'opposition grandissante de la majorité des Français à son projet dans les sondages ou encore les quelques voix dissonantes au sein de sa propre majorité et chez LR, malgré la position favorable d'Éric Ciotti.

"Passage en force"

Si jamais il ne parvenait pas à réunir une majorité absolue à l'Assemblée nationale, le gouvernement pourrait dégainer le 49.3, article de la Constitution lui permettant de passer son texte sans vote au Palais Bourbon. Il a eu recours à cette disposition 10 fois depuis le début de la nouvelle législature.

Le PLFRSS étant un texte budgétaire - le 49.3 peut donc être utilisée de façon ilimitée - le gouvernement conserverait la possibilité d'utiliser l'article couperet sur un texte non-budgétaire. Cela lui est permis une fois pas session parlementaire. Celle qui se déroule actuellement prendra fin en juin.

Les oppositions ont vertement critiqué le choix du gouvernement de passer par un PLFRSS. Invité de Public Sénat ce mardi, Olivier Faure a dénoncé un "passage en force", évoquant un "véhicule législatif qui permet de se contrefoutre du débat". L'examen du PLFRSS à l'Assemblée nationale, et donc de la réforme des retraites, débutera le 6 février prochain.

Baptiste Farge