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Pourquoi la pétition qui appelle à la "destitution" de Macron n'a quasiment aucune chance d'aboutir

Emmanuel Macron à Vendôme le 25 avril 2023

Emmanuel Macron à Vendôme le 25 avril 2023 - GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Le texte déposé sur le site de l'Assemblée nationale qui est à la moitié du nombre de signatures nécessaires pour être transmis à la commission des lois n'a que peu de chances d'aboutir. Sur le papier, la destitution d'Emmanuel Macron est cependant prévue par la Constitution.

Un intitulé qui peut étonner sur le site de l'Assemblée nationale. Plus de 57.000 personnes ont voté pour "juger de la destitution de l'occupant de l'Élysée". Plusieurs députés de La France insoumise ont relayé cette pétition, de Louis Boyard à Antoine Léaument en passant par Thomas Portes. Avec un objectif: dépasser les 100.000 signataires, sans guère de chance d'aboutir concrètement.

"En application de l'article 68 de la Constitution", les signataires "demandent que l'Assemblée nationale s'érige en haute cour de justice afin de pouvoir juger de la destitution de l'occupant de l'Élysée", peut-on lire sur le site du Palais-Bourbon.

Un classement sans suite très probable

Depuis la création de la plateforme en octobre 2020, pas une seule pétition n'a fait l'objet de suites. L'appel à dissoudre la BRAV-M, dont l'action a été très contestée lors de la réforme des retraites, a récolté plus 260.000 signatures début avril. C'était la première fois qu'un texte dépassait les 100.000 signatures.

Deux options étaient alors sur la table après la désignation d'un rapporteur issu de la commission des lois qui planche sur les sujets liés à la police: soit classer la pétition sans suite, soit examiner le texte au cours d'un débat sans vote, autrement dit sans conséquence législative, après accord de la conférence des présidents.

Le député Éric Pouillat (Renaissance) avait proposé de classer sans suite la pétition pour dissoudre la Brav-M et avait été suivi par ses collègues. Au gram dam de La France insoumise qui avait fortement relayé la pétition.

Sur le bureau de la commission des lois en septembre

Si le texte pour destituer Emmanuel Macron dépassait les 100.000 signataires, on imaginer sans peine que la commission des lois, dirigée par Sacha Houlié (Renaissance), ne la classe à nouveau sans suite.

"On l'étudiera en septembre prochain puisque nous nous penchons sur l'étude des pétitions tous les 6 mois", fait savoir l'entourage du président de la commission auprès de BFMTV.com.

"Tous les députés de la commission des lois ont été consultés sur la pétition de la Brav-M et ce sera à nouveau le cas si on étudie la pétition pour la destitution d'Emmanuel Macron",

"C'est un peu pour faire du grabuge ce genre de pétition. Si toutes les oppositions se coalisent, elle passe. Mais bon, on voit mal des LR voter pour ce genre de texte", grince un haut-fonctionnaire de l'Assemblée nationale.

Une procédure de destitution déjà engagée sous François Hollande

Si la pétition dépasse les 500.000 signatures, issues d'au moins 30 départements, la conférence des présidents peut également décider d'organiser un débat, sans vote, sans passer par la case commission des lois. Autant dire que la destitution du président semble improbable. Mais sur le papier, elle n'a cependant rien d'impossible.

Selon l'article 68 de la Constitution, cité par la pétition en ligne pour destituer Emmanuel Macron, le chef de l'État peut être destitué en cas de "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat".

Cette procédure impliquerait l’adoption par les deux assemblées d’une proposition de destitution. Elle serait ensuite prononcée par le Parlement réuni en Haute Cour.

Un chemin semé d'embûches

Une tentative a cependant déjà eu lieu sous le quinquennat de François Hollande. Des députés LR avaient déposé une procédure de destitution devant le bureau de l'Assemblée nationale.

La droite considérait que "les confidences concernant la défense nationale", révélées dans le livre Un président ne devrait pas dire ça constituaient un "manquement manifestement incompatible" avec l'exercice de la fonction présidentielle. Elle avait cependant été largement rejetée par le bureau de l'Assemblée nationale.

Si des parlementaires de la Nupes déposaient une proposition de loi similaire et qu'elle était jugée recevable cette fois-ci, elle serait ensuite transmise à la commission des lois qui pourrait décider de l'adopter. Mais avec une commission des lois majoritairement liée à la macronie, l'option semble peu probable.

Mais si la commission des lois la validait, l'Assemblée doit voter pour permettre à la Haute cour de se rassembler. Dans ce cas de figure, la proposition de loi doit être transmise au Sénat dans les 15 jours. En cas de validation par les 2 chambres, la Haute cour se réunirait dans les 4 semaines pour voter à bulletin secret sur la destitution d'Emmanuel Macron. Une telle décision, hautement improbable à ce jour, serait à effet immédiat.

Marie-Pierre Bourgeois