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Parlement

Loi immigration: le Sénat supprime la mesure "métiers en tension" du gouvernement

Le Sénat a supprimé mercredi de la loi immigration la mesure de régularisation de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, dans l'optique d'en adopter une nouvelle version, plus restrictive que celle du gouvernement.

Le Sénat a supprimé mercredi la mesure la plus controversée du projet de loi immigration, concernant la régularisation de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, dans l'optique d'en adopter une nouvelle version, bien plus à droite que celle du gouvernement.

Au coeur de l'examen d'un texte surtout axé sur le contrôle de l'immigration et la simplification des procédures d'expulsion des étrangers délinquants, ce dispositif d'intégration des immigrés par le travail cristallise les débats depuis des mois... Et la chambre haute n'a pas échappé à la tension ambiante, au bout d'une journée d'invectives en séance.

Fort d'un accord négocié in extremis entre les deux pans de sa majorité de droite et du centre sous l'oeil approbateur du gouvernement, le Sénat a voté à 191 voix pour et 138 voix contre en faveur de la suppression de l'article 3 du projet de loi, totem des Républicains qui n'ont cessé de le combattre.

La droite craignait un "appel d'air"

La proposition gouvernementale, plébiscitée par l'aile gauche du camp présidentiel, permettait l'octroi d'un titre de séjour "de plein droit" aux travailleurs sans-papiers dans des secteurs en pénurie de main d'oeuvre. Un "droit automatique" à la régularisation dénoncé par le président des sénateurs LR Bruno Retailleau, qui craint un "appel d'air". Une victoire des LR? Pas si simple: le Sénat devrait adopter dans la nuit un article "4 bis" sur ce même volet des métiers en tension.

Le dispositif du Sénat est restrictif: il laisse au "seul pouvoir discrétionnaire du préfet" et "à titre exceptionnel" cette possibilité de régularisation au terme d'une "procédure strictement encadrée", largement durcie et assortie de multiples conditions, dont celle du respect des "valeurs de la République".

Un compromis "acceptable", pour Darmanin

Le compromis trouvé par la majorité sénatoriale est "acceptable pour le gouvernement", a estimé Gérald Darmanin, qui soumettra en décembre cette rédaction à l'Assemblée nationale.

"À l'Assemblée, nous rétablirons le texte ambitieux de l'exécutif, tout le texte de l'exécutif. Y compris le volet sur les régularisations", a promis pour sa part dans Le Figaro le député Renaissance Sacha Houlié, incarnation du volet social de la réforme.

Longtemps divisés sur cette mesure, les sénateurs LR et centristes ont accordé leurs violons pour éviter un rejet pur et simple du texte, hypothèse qualifiée par certains de "dramatique" pour la "légitimité" de la Haute Assemblée.

"Le cabinet des horreurs"

Le vote solennel prévu mardi sur l'ensemble du texte devrait confirmer un durcissement très sévère de la réforme, avec plusieurs marqueurs de la droite déjà intégrés: suppression de l'aide médicale d'État, resserrement du regroupement familial, quotas migratoires, rétablissement du délit de séjour irrégulier...

"Ce texte, c'est le cabinet des horreurs, une capitulation en rase campagne du gouvernement, un jeu de bonneteau où l'on supprime un article pour le réécrire en pire", s'est indigné le sénateur écologiste Thomas Dossus.

Le président du groupe socialiste Patrick Kanner a lui épinglé une "'darmanisation' du texte de loi" et demandé à Gérald Darmanin de "lancer un avis de recherche pour ministre disparu", un tacle sur l'absence au banc cette semaine d'Olivier Dussopt, ministre du Travail qui portait initialement le volet "intégration" du texte.

Des débats tendus

Les débats se sont clairement tendus mercredi sur la question du droit du sol, restreint par les sénateurs. Stéphane Ravier (Reconquête) a notamment suscité la bronca lorsqu'il a estimé qu'un "veau qui naît dans une écurie, cela ne fera jamais de lui un cheval". La gauche a fustifé le "racisme" de l'élu.

Avec ce texte musclé qui se dessine, le gouvernement s'aménage-t-il une voie de passage à l'Assemblée avec les votes du groupe LR ou l'abstention de celui-ci? Ce dernier "pourrait se satisfaire de la copie du Sénat", a reconnu la députée LR Annie Genevard à l'association des journalistes parlementaires (AJP). Avec un bémol majeur: "J'attends surtout de voir ce que l'Assemblée nationale va en faire".

La droite brandit en effet sans répit la menace d'une motion de censure si le gouvernement préfère activer l'article 49.3 pour éviter un vote, même si celle-ci a peu de chances d'aboutir sans le soutien de la gauche

S.C avec AFP