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Les Républicains

"Monsieur pipi", "Mister Nobody", "Loser": les surnoms de François Fillon peuvent-ils lui nuire?

François Fillon à Paris le 22 novembre 2016

François Fillon à Paris le 22 novembre 2016 - Patrick Kovarik-AFP

De "Droopy" à "collaborateur" en passant par "pauvre type", François Fillon a collectionné les surnoms peu flatteurs. Désormais favori de la primaire de la droite, l'ancien Premier ministre va devoir changer son image s'il ne veut pas que ces sobriquets lui collent à la peau.

Une collection. François Fillon a cumulé les surnoms. Relégué au rang de "collaborateur" par Nicolas Sarkozy alors qu'il était son Premier ministre, le nouveau champion des Républicains a longtemps joué les seconds rôles. Affublé du surnom "courage, Fillon", d'autres appellations dans la même veine lui ont collé à la peau, telle "Mister Nobody" ou encore "Droopy". Des sobriquets choisis pour nuire, selon Arnaud Mercier maître de conférences en science politique à l'université de Nice Sophia-Antipolis.

"Souvent, ces surnoms sont hérités de vos adversaires ou d'humoristes. C'est une façon de mettre l'accent sur un trait négatif de votre personnalité. "Mister Nobody" dit une chose importante: François Fillon est passé en dessous des radars. Son image n'est pas encore très claire, ce qui est paradoxal quand on a été cinq ans Premier ministre, mais un Premier ministre effacé et écrasé par un Nicolas Sarkozy hyperprésident."

"La diatribe fait partie du jeu"

Plus surprenant, François Fillon a également reçu le surnom de "Monsieur pipi". C'est Jean-Louis Debré qui le lui avait attribué lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale. Dans son livre "Ce que je ne pouvais pas dire" publié en début d'année, il assure lui avoir assigné ce sobriquet car le Sarthois, qui était alors ministre de l'Éducation nationale, s'éclipsait aux toilettes lorsqu'un texte délicat se présentait.

"Depuis la 3e République, la vie politique est assez inventive de ce point de vue-là, analyse le politologue Olivier Rouquan. La diatribe fait partie du jeu. Il y a un goût pour la caricature grivoise, c'est en quelque sorte une tradition républicaine. Mais François Fillon ne doit pas jouer les victimes car il n'est pas le seul concerné. En son temps, Jacques Chirac était surnommé "Cinq minutes douche comprise". Pour François Mitterrand, c'était "La Mite"."

"Sans couilles", "Loser", "pauvre type"

Certains de ces surnoms semblent particulièrement violents. François Fillon a été qualifié "d'eunuque" par Nicolas Sarkozy durant la campagne de la primaire de la droite. Dans leur livre Ça reste entre nous, hein? publié début novembre, les auteurs révèlent que le candidat malheureux de la primaire surnommait également François Fillon "sans couilles". Et parlait de lui comme d'un "loser" ou d'un "pauvre type".

"Ces éléments de langage sont de l'ordre de la version politiquement correcte du "collaborateur". C'est le vocabulaire cru de Nicolas Sarkozy, indique Arnaud Mercier, également chercheur au laboratoire communication et politique du CNRS. Ces noms d'oiseau interrogent davantage sur la personnalité de l'ancien locataire de l'Élysée qui a passé son temps à juger les autres à l'aune de sa propre personnalité et de ses qualités."

Ces surnoms peuvent-il avoir une influence sur l'avenir proche du candidat? Pas le moins du monde, estime Olivier Rouquan, qui considère que toutes ces appellations n'auront aucune incidence sur le second tour de la primaire dimanche.

"Il n'y aura pas d'impact négatif car François Fillon est dans une dynamique. Au contraire, cela peut même créer un effet de sympathie, certains pouvant estimer que ces noms sont injustes et déplacés."

"Il y aura du sang et des larmes"

Le premier tour de la primaire à droite a changé la donne. En tête avec une avance de 15 points sur Alain Juppé, François Fillon a pris sa revanche et pourrait faire mentir ceux qui lui attribuaient ces sobriquets. Car son image est en train de se construire, estime Arnaud Mercier. ""Mister Nobody" ne restera pas et sera remplacé par autre chose. Ce n'était qu'une image provisoire le temps que l'on s'intéresse à lui." C'est même l'image d'un homme dur qui est en train de se cristalliser. En atteste le surnom de "Thatcher de la Sarthe", en référence à la Première ministre britannique conservatrice.

"Le "Thatcher" est plus proche de ce qu'on connaît dorénavant de lui, analyse Isabelle Veyrat-Masson, directrice de recherche au CNRS. On commence à comprendre qu'il y aura du sang et des larmes dans son programme. Mais attention à ne pas envoyer le message qu'il sera celui qui va faire avaler une potion amère aux Français."

"Éternellement associé à ce "Droopy" inexpressif"

Une nouvelle image que François Fillon devra imposer. Mais la chose n'est pas aisée. Comme le remarque Philippe Moreau-Chevrolet, président de l'agence de communication MCBG conseil, il est difficile de changer ce qui est déjà installé dans l'opinion. 

"François Hollande n'a pas été capable de changer ce qu'il renvoyait, "Flamby" est resté pendant tout le quinquennat. Si François Fillon n'installe pas une nouvelle image, le "Courage, Fillon" va le poursuivre et le hanter durant toute la campagne, voire plus loin s'il est élu. Et sera éternellement associé à ce "Droopy" inexpressif, à la dignité un peu triste d'un Premier ministre de douleur."

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV