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Les Républicains tiraillés entre En Marche et le Front national

Laurent Wauquiez, Éric Ciotti et Valérie Pécresse.

Laurent Wauquiez, Éric Ciotti et Valérie Pécresse. - THOMAS SAMSON / AFP

Sans chef, Les Républicains sont confrontés à deux tentations: celle de la majorité incarnée par les "constructifs", et celle de "l'union des droites" avec le Front national.

Après le "casse-noix" pour le Parti socialiste, la centrifugeuse pour Les Républicains (LR)? La première séance à l'Assemblée de la nouvelle législature, pour laquelle LR siégeait divisé en deux groupes, a confirmé l'explosion en cours d'un parti à qui la victoire en 2017 semblait promise il y a seulement un an. Entre "constructifs", "modérés" et droite "dure", Les Républicains sont écartelés. La synthèse politique qu'était l'UMP, devenue LR, vole en éclats, faute de chef capable de l'incarner dans ce parti de tradition bonapartiste. 

Les "Constructifs" - ces élus de droite ayant formé un groupe prêt à voter la confiance à Édouard Philippe - et les Républicains "canal historique" se déchirent pour obtenir les postes-clefs de l'Assemblée. La questure, soufflée par Thierry Solère (Constructifs) à Éric Ciotti (LR), a mis le feu aux poudres: ce jeudi sur notre antenne, le député des Alpes-Maritimes demande l'exclusion des douze membres du groupe dissident du parti.

Et ce n'est qu'un début: après le bureau politique du 11 juillet, qui devrait décider du sort des "Constructifs", deux lignes difficilement conciliables s'affronteront encore pour le contrôle des lambeaux de la droite à la fin de l'automne, pour la présidence de LR. Un duel entre Laurent Wauquiez (soutenu par les sarkozystes et fillonistes) et Valérie Pécresse se profile, sans que l'avenir du camp vaincu, droite "décomplexée" ou droite "classique", ne soit garanti au sein du mouvement. 

La tentation "constructive"

Sur l'aile gauche de LR, l'érosion est en tout cas déjà avancée, puisque les constructifs semblent avoir pris un aller simple pour la majorité présidentielle, non sans quelques échanges d'amabilités.

"Thierry Solère, c'est un professionnel de la trahison", a lancé Éric Ciotti ce jeudi sur notre antenne. 

"Les traîtres, ce sont ceux qui ont participé à l'entreprise de démolition de notre campagne présidentielle en défendant l'indéfendable, en excusant l'inexcusable", arguait quelques jours plus tôt le désormais secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu.

Le sort des douze LR transfuges semble écrit d'avance. Dans un entretien avec L'Opinion, l'ancien président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer n'entretient pas le suspense: "Nous débattrons de leur exclusion au prochain bureau politique. Ils s'étaient déjà éloignés d'eux-mêmes par leur choix. Il conviendra probablement d'aller plus loin".

Au fil du quinquennat, le camp des "modérés" pourrait se vider de sa substance, happée par la majorité présidentielle avec d'autant plus de facilité en cas d'élection de Laurent Wauquiez à la tête du parti. Le pari d'Emmanuel Macron, consistant à faire éclater la droite en ouvrant son gouvernement à certaines personnalité des Républicains, serait alors un succès total.

Rejet du FN

À droite du parti, la tentation de faire sauter le barrage entre LR et le Front national est de plus en plus forte. Résultat d'une tactique de braconnage électoral de l'électorat FN, la droitisation du discours des Républicains pourrait in fine se retourner contre eux, la frange la plus radicale du parti pouvant être aspirée par la formation de Marine Le Pen. 

Pour l'heure, il est encore trop tôt pour franchir le pas, notamment parce qu'il s'agirait d'un suicide politique:

"Les Républicains ne sont pas suffisamment en difficulté électorale pour accepter de bouger", analysait Marion Maréchal-Le Pen en mai dernier dans Valeurs actuelles

Deux mois plus tôt, la même Marion Maréchal-Le Pen, qui estimait avoir "des choses à se dire" avec Laurent Wauquiez, jugeait qu'"Henri Guaino,Thierry Mariani, Eric Ciotti (tous LR) ou encore Dupont-Aignan (DLF) et Philippe de Villiers devraient se joindre à nous dans un gouvernement futur."

Henri Guaino, battu aux législatives, a révélé dans L'Opinion avoir refusé une circonscription "offerte" par Marine Le Pen dans le Var. "Aucune tractation, aucune transaction, aucune négociation" avec le Front national, a répété l'ancienne plume de Nicolas Sarkozy.

Sur BFMTV, Laurent Wauquiez et Éric Ciotti ont été sans détour: il n'est pas question de discuter avec le FN. "Jamais, jamais d'alliance avec les Le Pen, ni de compromis avec le Front national. Je réponds avec une limpidité totale: il n'y a pas d'alliance avec madame Le Pen. Ni plus, ni moins. Je ne peux pas être plus clair", a martelé le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Même son de cloche ce jeudi chez le député des Alpes-Maritimes: "Pas d’alliance, aucune discussion avec madame Le Pen."

Pression frontiste

Certains sont moins farouches, comme l'ancien député du Vaucluse Thierry Mariani. Il est "trop tôt" pour faire des alliances avec le Front national, mais il y a selon lui "des barrières à casser, non pas en termes de partis, mais en termes de personnes".

Il faut "commencer au moins à discuter ensemble", explique-t-il dans le journal d'extrême droite Minute.

Marine Le Pen, poussée par sa volonté de "dépasser le Front national" et l'ambition de former un groupe parlementaire en cours de mandat, a elle-même ouvert la porte aux élus de droite. "J’appelle tous ceux qui partagent les mêmes grandes options que nous à venir nous rejoindre", a déclaré la présidente du FN mercredi sur notre antenne.

La candidate battue au second tour de la présidentielle a beau jeu de souligner l'éclatement des Républicains: "Ils n’ont plus de ligne politique depuis des années. (...) Il n’y a absolument rien de commun entre monsieur Wauquiez et Nathalie Kosciusko-Morizet, rien de commun entre Alain Juppé et monsieur Mariani", insiste l'élue du Pas-de-Calais.

Union des droites

Sur le terrain des idées, le rapprochement est déjà avancé.

"Avec certains élus de droite, nous avons 90 % d'idées en commun. Ils ne sont pas d'accord sur la sortie de l'euro ou sur le programme économique du Front, mais si le FN, comme la droite, évolue, des regroupements sont possibles", estime le maire de Béziers Robert Ménard dans Le Parisien.

Pour preuve, le rôle joué dans ces derniers mois par le souverainiste Paul-Marie Coûteaux. Éminence grise du candidat Les Républicains pendant la campagne présidentielle, le défenseur de l'union des droites a également présenté Florian Philippot à Marine Le Pen, et conseille fréquemment cette dernière. Pendant la campagne, les deux candidats avaient prononcé deux discours jumeaux, inspirés du même ouvrage de Paul-Marie Coûteaux.

Sur notre antenne, l'intéressé commentait alors: "Je trouve tout à fait normal, et je ne vois rien d'extraordinaire à ce qu'un homme comme François Fillon, de la droite dure, et Marine Le Pen, de la droite nationale et populaire, disent à peu près la même chose sur l'essentiel".

Louis Nadau