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Les coulisses de la campagne de Fillon dévoilées par son ex-bras droit

Patrick Stefanini, qui fut le directeur de campagne de François Fillon jusqu'au 5 mars dernier, publie ce jeudi un livre intitulé Déflagration, un brûlot pour revenir sur l'équipée électorale agitée de François Fillon. Des extraits des bonnes feuilles ont paru dans la presse.

Déflagration, un titre adéquat pour ce qui s'annonce comme un livre incendiaire sur la campagne présidentielle de François Fillon, bousculée puis coulée par les affaires. Dans les librairies de jeudi, il est signé Patrick Stefanini, ancien directeur de campagne de François Fillon, au terme d'entretiens avec la journaliste Carole Barjon. 

On y apprend notamment qu'il a avalé bien des couleuvres avant de se démettre de ses fonctions le 5 mars 2017. A ce moment François Fillon a été mis en examen et le meeting du Trocadéro qui avait achevé de convaincre le candidat Les Républicains de rester dans la course à l'Elysée.

Les informations sur cette aventure politique pleine de tourments, rythmée par les révélations successives du Canard enchaîné, sont nombreuses. Plus tôt, BFMTV se faisait l'écho d'une aide, à hauteur de 300.000 euros, apportée par François Fillon à un Nicolas Sarkozy, en peine pour rembourser la facture de sa campagne malheureuse pour la primaire à droite. Mais Patrick Stefanini en a dit plus long sur ses états d'âme, comme le montrent les bonnes feuilles du livre publiés ce mercredi soir sur le site du Point

>> L'Affaire Pénélope pas anticipée

Patrick Stefanini évoque bien sûr la manière dont il a vécu l'affaire Penelope Fillon, l'épouse de l'ancien Premier ministre. Au moment où Le Canard enchaîné jette un pavé dans sa mare, il tombe de haut à l'en croire: "Jamais je n'avais entendu parler de quoi que ce soit concernant l'épouse de François Fillon avant l'article du Canard enchaîné. (...) Un interlocuteur, qui s'était renseigné auprès de l'hebdomadaire, m'a indiqué que François Fillon avait été interrogé par Le Canard au sujet de son patrimoine ainsi que de sa société 2F Conseil, dès fin novembre."

Durant cet automne, François Fillon ne communique pas d'inquiétude particulière concernant son épouse. Pourtant, plus tard, Patrick Stefanini découvre un élément qui ne lui a "pas donné le coeur à plaisanter":

"Le 10 juillet, j'ai déjeuné avec Gérard Larcher (...) et nous avons évidemment reparlé de toute cette période difficile. Ce jour-là, le président du Sénat m'a indiqué que François Fillon lui avait dit, dès avant Noël: 'Je suis interrogé sur l'emploi de mon épouse à la Revue des Deux Mondes. '"

A-t-il minimisé la menace? De fait, François Fillon n'a pas jugé utile de préparer sa défense, tant politique que juridique. 

>> L'énigmatique monsieur Sureau

Le silence de François Fillon a régulièrement posé problème à son stratège qui se plaint, dans son ouvrage, d'avoir pu demeurer parfois plus de vingt-quatre heures sans nouvelles de son patron. En revanche, le nom de la plume du discours enflammé du Trocadéro, à Paris, où le 5 mars François Fillon avait galvanisé ses troupes ne lui a pas échappé.

François Fillon avait ce jour-là lu les mots de son ami de longue date, l'avocat François Sureau, plutôt que ceux de son parolier habituel, Igor Mitrofanoff. Un choix qui ne manque pas de surprendre Patrick Stefanini, comme il le raconte:

"Le plus étrange (…) c’est que l’homme qui avait rédigé le discours qu’ils allaient applaudir avec force, penche et pense plutôt à gauche. Il est enfin suffisamment à gauche pour avoir été le premier rédacteur des statuts d’une association appelée à un grand succès politique puisqu’il s’agit d’En Marche!"

Partie de billard à trois bandes pour un ami du candidat des Républicains, plus proche des idées d'Emmanuel Macron? Joint par téléphone par BFMTV, François Sureau confirme avoir écrit le discours mais a récusé l'idée d'avoir joué double jeu, mettant en avant que François Fillon avait connaissance de son amitié parallèle avec le futur président de la République. 

>> Le chèque de Robert Bourgi avant les costumes

Au coeur du mois de mars, on apprenait par le JDD que François Fillon s'était vu offrir des costumes très onéreux dans la boutique prestigieuse Arnys, depuis 2012. Les deux derniers costumes ont même été acquis le 20 février, alors que l'affaire avait déjà commencé. Le généreux donateur avait pour nom Robert Bourgi, avocat lui aussi.

Or, la relation entre François Fillon et celui-ci dérangeait déjà Patrick Stefanini près de quatre ans avant la campagne présidentielle:

"Fin 2013, une de nos permanentes de Force républicaine m'interpelle: ‘Patrick, je suis embêtée, on a reçu un chèque de Robert Bourgi’. Je lui dis: ‘Ne l'encaisse pas, tu me laisses en parler à Fillon’. J'en parle quelques jours plus tard à François Fillon et tente de l'alerter: ‘Quand même, tu mesures qu'il est très proche de Sarkozy ?’ Sous-entendu de ma part : tu n'es pas obligé d'accepter le soutien financier d'un homme qui a été et reste sans doute très proche de ton rival à la primaire... Et là, Fillon me répond: ‘Non, mais Patrick, j'ai de très bonnes relations avec Bourgi. Pas de problème, je vais régler ça...’"

Affaire dans l'affaire, les cadeaux de Robert Bourgi sont le coup de grâce pour François Fillon, qui, battu à la fin du mois d'avril, devient le symbole de l'absence inédite de la droite historique au second tour de la présidentielle. Patrick Stefanini est déjà loin de lui depuis un mois et demi.

Robin Verner