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Au Parlement européen, Nathalie Loiseau se crée déjà des adversaires dans son propre camp

(Photo d'illustration)

(Photo d'illustration) - Eric Piermont - AFP

S'adressant en "off" devant plusieurs journalistes, l'ex-tête de liste La République en marche aux européennes a tiré à vue sur plusieurs de ses partenaires du groupe centriste qu'elle va intégrer... et dont elle ambitionne de prendre le leadership.

À Bruxelles, Nathalie Loiseau a visiblement décidé de mettre les pieds dans le plat. Mercredi 5 juin, lors de la rentrée des députés fraîchement élus au Parlement européen, l'ex-tête de liste de La République en marche s'est laissée allée à quelques confidences face à une douzaine de journalistes. En l'espace de 45 minutes, l'eurodéputée a pris le risque d'entamer un crédit à peine constitué. 

C'est le quotidien belge Le Soir qui, le premier, a fait fuiter les propos peu amènes tenus par Nathalie Loiseau à l'égard de ses futurs partenaires du groupe centriste ADLE. Un groupe dont elle entend prendre, de surcroît, le leadership, en vertu du fait que LaREM y envoie le plus gros contingent d'élus.

Verhofstadt, "un vieux de la vieille"

Pour l'heure, c'est le très pro-européen Guy Verhofstadt qui en occupe la direction. Candidate à sa succession, donc, Nathalie Loiseau a cru bon de le qualifier de "vieux de la vieille qui a des frustrations rentrées depuis quinze ans", rapporte Le Canard enchaîné. Le Belge, pourtant, avait laissé entendre qu'il serait prêt à laisser la main à l'ancienne ministre d'Emmanuel Macron. 

Un autre rival pour le poste, le Suédois Fredrick Federley, en a également pris pour son grade: "L'élire serait donner les clés du groupe à la droite allemande", estime Nathalie Loiseau. Quant à la Hollandaise Sophie in't Veld, "ça fait quinze ans qu'elle perd toutes les batailles qu'elle mène". Globalement, l'eurodéputée macroniste enjoint le groupe ADLE à "apprendre à parler politique et non juste problèmes pratiques et cas individuels". "Y a tout à faire", a-t-elle grincé. Un langage très cash qui tranche avec les mœurs plutôt feutrées du Parlement européen.

"Le problème en Europe, c'est Merkel"

Ce démarrage en fanfare ne s'arrête pas là. Nathalie Loiseau décrie également un eurodéputé français sortant, le centriste Jean Arthuis, l'un des premiers soutiens d'Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle. "Cette intelligence brillante (est) malheureusement un homme totalement aigri", a-t-elle dit de cet ancien ministre des Finances. Lequel a d'ailleurs riposté, dans un tweet tout en ironie cinglante: 

"Je salue l'intelligence politique de Nathalie Loiseau et la sincérité de ses démentis. Entrée prometteuse au Parlement européen."

Les adversaires du groupe libéral-centriste ne sont pas plus ménagés. D'après l'ex-ministre, le candidat de la droite européenne à la présidence de la Commission, Manfred Weber, est un "ectoplasme" qui "n'a jamais rien réussi". Et de résumer sa position sur l'Allemagne: "Le problème, en Europe, c'est Merkel."

"Elle a l'insouciance facile"

À Paris, les députés LaREM ne peuvent que constater, après une campagne marquée par les bourdes répétées de leur candidate, que celle-ci continue de s'enliser dans un "cycle négatif". 

"Sa maladresse la poursuit au Parlement européen. Elle a vraiment les qualités pour faire évoluer l'institution, parce qu'elle en comprend l'environnement. Mais là où elle doit jouer sa mue, c'est dans la négo, dans les rapports humains. Elle est dans une approche trop théorique des choses. On n'est pas simplement en train de traiter un dossier, là!", s'étrangle un élu de la majorité auprès de BFMTV.com. "Elle a l'insouciance facile", ajoute-t-il. 

Les compétences techniques de Nathalie Loiseau, le parti présidentiel y voit toujours une planche de salut au niveau bruxellois... à condition d'être stratège. À la Commission européenne, au-delà de la question des dossiers, il faut savoir plaire. Les places espérées par certains membres de la délégation Renaissance - au hasard, Pascal Canfin pour la présidence de la commission environnement - pourraient s'avérer bien plus difficile à obtenir, comme l'explique Libération

De l'autre côté, au sein du Parlement, qui compte 751 élus, les macronistes ne seront qu'une vingtaine, d'où la nécessité absolue de pouvoir jeter des ponts pour défendre ses projets. Un rapport de force radicalement différent de celui en vigueur à l'Assemblée nationale française, où LaREM occupe plus de 300 sièges. 

Campagne durement vécue

Si cet énième impair de l'ex-ministre n'est pas, assure-t-on, un "gros sujet" dans les rangs de la majorité, on s'accorde à y voir une manie "un peu délétère". Dans son démenti - qui n'a pas convaincu grand-monde, étant donné le nombre de journalistes qui corroborent ses propos -, Nathalie Loiseau qualifie l'échange de "pure invention". 

"Le 'off', elle devrait le savoir, ça n'existe pas... A fortiori pour une telle personnalité. Après, je pense qu'elle a très mal vécu la dernière séquence, qu'elle se sent attaquée, y compris par ceux qui ont fait campagne pour elle", souffle un pilier du groupe.

Et de conclure: "Maintenant, il faut qu'elle s'oublie un peu."

Jules Pecnard