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Politique

La nomination du juge Serge Tournaire au tribunal de Paris bloquée par Eric Dupond-Moretti

Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, le 3 novembre 2021 à Paris

Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, le 3 novembre 2021 à Paris - GEOFFROY VAN DER HASSELT © 2019 AFP

Un magistrat ayant travaillé avec le garde des Sceaux a affirmé au Monde que le nom du juge avait été rayé car cela "aurait pu fâcher Nicolas Sarkozy" qui hésite à soutenir Valérie Pécresse ou Emmanuel Macron pour la présidentielle.

Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti est intervenu au dernier moment pour bloquer la nomination du juge d'instruction Serge Tournaire sur un poste au tribunal de Paris, affirme jeudi Le Monde, qui attribue cette intervention à des "considérations politiques ou personnelles".

Selon le quotidien, l'actuel juge d'instruction à Nanterre faisait partie des candidats pour remplacer Marc Sommerer comme premier vice-président chargé de l'instruction au tribunal de Paris, et le directeur des services judiciaires de la Chancellerie "avait (...) décidé de proposer Serge Tournaire" à ce poste.

Le nom du juge rayé quelques heures avant publication

Dans la liste de nominations de près d'un millier de magistrats (appelée "transparence") publiée le 18 février, ce poste n'y figurait toutefois pas et, selon Le Monde, "quelques heures avant la publication de la transparence, le nom de Serge Tournaire a été biffé".

Un magistrat ayant travaillé avec Eric Dupond-Moretti au ministère a affirmé au journal que le nom du juge avait été rayé parce que "nommer Serge Tournaire aurait pu fâcher Nicolas Sarkozy", alors que ce dernier "semble hésiter entre un soutien à Valérie Pécresse ou à Emmanuel Macron" à la présidentielle.

En poste au pôle financier à Paris entre 2009 et 2019, Serge Tournaire avait notamment instruit l'affaire Bygmalion, qui a valu à l'ancien président de la République une condamnation à un an de prison ferme, dont il a fait appel.

"Pas de commentaires" à la Chancellerie

Selon Le Monde, "deux autres magistrats du siège (...) auraient été également retirés de la liste à la demande de M. Dupond-Moretti" alors que "plusieurs présidents de cour d'appel (...) avaient obtenu 48 heures avant (...) la confirmation, par la direction des services judiciaires, de nominations qui se sont volatilisées ensuite".

Sollicité, l'entourage du garde des Sceaux a indiqué qu'il ne faisait "pas de commentaires sur les situations individuelles des magistrats" et a invité à ne "pas faire de procès d'intention sur la transparence à venir", un nouveau train d'une quarantaine de nominations étant prévu d'ici quelques semaines.

Contactés par nos confrères de l'AFP, Serge Tournaire et le CSM ont indiqué ne pas souhaiter faire de commentaire.

L'USM dénonce une "intervention politique"

Pour les postes de magistrat du "siège", statutairement indépendants, le garde des Sceaux dispose d'un pouvoir de proposition. Le candidat choisi fait ensuite l'objet d'un avis "conforme" ou "non conforme" du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

Seuls les postes les plus en vue (chefs de juridiction, chefs de cour et magistrats de la cour de cassation) font exception: dans ce cas, le CSM choisit un candidat, "proposé" au président de la République.

Pour l'Union syndicale des magistrats (USM), "cette intervention politique sur des nominations de juges démontre que le pouvoir de proposition pour les mutations de magistrats devrait être transféré au CSM et non laissé entre les mains du gouvernement".

"L'indépendance de l'autorité judiciaire et de ses acteurs ne devrait-elle pas commencer au stade des nominations ?", ajoute sur Twitter le syndicat majoritaire dans la profession.

H.G. avec AFP