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La France Insoumise

Législative partielle: vers la création d'un "front républicain anti-Nupes?"

La députée sortante Nupes/LFI Bénédicte Taurine à gauche et la socialiste Martine Froger à droite

La députée sortante Nupes/LFI Bénédicte Taurine à gauche et la socialiste Martine Froger à droite - AFP

Jean-Pierre Raffarin s'est félicité de la "constitution d'un front républicain anti-Nupes". L'expression qui vise originellement à éviter l'élection d'un représentant du Rassemblement national n'avait pas été utilisée lors des dernières législatives. Certains observateurs s'inquiètent de la stratégie macroniste.

Une unanimité sur une grande partie des rangs de l'Assemblée nationale qui a de quoi étonner. Après la victoire ce dimanche soir de Martine Froger, une socialiste dissidente, face à Bénédicte Taurine, la députée LFI-Nupes sortante lors d'une législative partielle, une grande partie du personnel politique a salué son arrivée à l'Assemblée nationale.

"Il semble bien qu'un front républicain anti-Nupes est en cours de constitution", a écrit sur son compte Twitter Jean-Pierre Raffarin, ex-Premier ministre de Jacques Chirac et désormais soutien d'Emmanuel Macron.

"Une victoire pour la République"

Si la macronie a jubilé face à la défaite de l'insoumise, d'Olivier Dussopt à Stéphane Séjourné en passant par Clément Beaune, les félicitations ont également fusé dans les camps des LR et du RN. Julien Odoul, un proche de Marine Le Pen, y voit ainsi "une victoire pour la République" tout comme plusieurs députés de droite.

De quoi y voir donc pour certains le retour du front républicain. Cette expression, qui a fait florès ces dernières décennies, désigne le rassemblement lors d'une élection de toute la classe politique contre le candidat du RN.

Le second tour de la présidentielle de 2002, où l'ensemble des forces avait appelé à voter en faveur de Jacques Chirac opposé à Jean-Marie Le Pen, en est l'un des exemples les plus forts.

Des électeurs de gauche qui se sont déplacés pour faire élire Macron

Mais ces dernières années, ce phénomène s'est estompé, jusqu'aux législatives de juin dernier. Au soir du premier tour, face à un score plus bas qu'espéré et la multiplication de triangulaires, le gouvernement n'appelle pas à voter en faveur de la Nupes contre le RN.

Olivia Grégoire, la porte-parole du gouvernement d'alors évoque "des enjeux locaux" et non "un débat national" et refuse de donner une consigne de vote. Élisabeth Borne renvoie, elle, "les extrêmes" dos-à-dos, avant de finalement appeler à ce qu'"aucune voix" n'aille au "Front national".

Tout en distinguant "un candidat qui respecte les valeurs républicaines" et "ceux qui insultent nos policiers".

"La mémoire macroniste est courte. Ce soir-là, l'exécutif oublie que c'est parce que les électeurs de gauche ont voté en masse contre Marine Le Pen que le président l'emporte en avril dernier", décrypte le sociologue Antoine Bristielle.

LFI pas dans "l'arc républicain"

Lors de son meeting d'entre-deux-tours, Emmanuel Macron avait d'ailleurs multiplié les clins d'œil à la gauche, en reprenant notamment le concept de "planification écologique" chère à Jean-Luc Mélenchon. Le soir de sa réélection, le président avait encore évoqué le "respect de la différence" des électeurs "qui se sont exprimés ces dernières semaines". 

Une fois la nouvelle Assemblée installée, l'exécutif hausse encore le ton contre La France insoumise. Élisabeth Borne exclut ainsi de "l'arc républicain" les députés insoumis.

L'expression est commode: importée d'Italie dans les années 1960 pour distinguer les partis fidèles à la Constitution et les partis d'extrême droite d'après l'historien Mathias Bernard dans les colonnes de La Croix, elle permet pour l'exécutif de tracer une sorte de double frontière entre le Rassemblement national d'un côté et La France insoumise de l'autre.

"Un signe égal entre l'extrême droite et l'ensemble de la Nupes"

La notion d'arc républicain a également l'avantage de mettre une certaine pression sur les élus jugés modérés par les macronistes. Dans le viseur: les socialistes, les écologistes et les communistes.

"Le front républicain, qu'il fonctionne ou non, a toujours été contre le RN. Là, on met désormais un signe égal entre l'extrême droite et l'ensemble de la Nupes en disant que c'est une menace pour la République", regrette le politologue et journaliste Fabien Escalona, auteur d'Une République à bout de souffle.

La réforme des retraites n'a guère fait redescendre la tension. Gérald Darmanin, le ministre de l'intérieur a ainsi accusé La France insoumise de "chercher à installer le chaos".

Des insoumis accusés de vouloir déligitimer "nos institutions"

Le ministre de l’Intérieur a encore dénoncé ce dimanche dans les colonnes du JDD le "terrorisme intellectuel" de l’extrême gauche, accusant Jean-Luc Mélenchon de vouloir une "révolution".

Fin mars, Emmanuel Macron a de son côté estimé que les insoumis veulent "délégitimer l'ordre raisonnable, nos institutions, ses outils".

En pleine crise politique et à quelques jours d'une onzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, le gouvernement, bien déterminé à aller jusqu'au bout, cherche à marginaliser la Nupes. Au risque de s'y brûler les doigts.

"Cette stratégie, qui se comprend à l'instant T, pourra se retourner contre Renaissance en 2027. Comment expliquer à des électeurs qu'il vaut mieux soutenir la gauche que Marine Le Pen quand vous avez dit tout le contraire pendant 5 ans? Je n'ai pas de réponse", avance Bruno Cautrès, chercheur au CNRS.

"Ce scrutin montre surtout que l’outrance et la radicalité ne paient pas et ne rassemblent pas", a estimé de son côté le ministre du Travail Olivier Dussopt.

Marie-Pierre Bourgeois