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La France doit-elle revoir ses relations avec le Qatar?

François Hollande et l'émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al-Thani, en juin 2014, à l'Elysée.

François Hollande et l'émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al-Thani, en juin 2014, à l'Elysée. - Ian Langsdon - AFP

Alors que le Qatar est soupçonné de financer le terrorisme, et notamment le groupe Etat islamique, la France doit-elle revoir ses relations avec le petit Etat du Golfe persique, au lendemain des attentats sanglants qui ont frappé le pays?

Douze jours après les attentats meurtriers qui ont frappé la France, la question des soutiens des réseaux terroristes entre en scène. Sur BFMTV, ce lundi matin, le député UMP de l'Eure, Bruno Le Maire, a maintenu sa volonté de repenser les rapports de la France avec le Proche et le Moyen-Orient, et notamment avec le Qatar.

La semaine dernière, l'ex-candidat à la présidence de l'UMP avait déjà demandé un réexamen des choix diplomatiques de la France, "pour ne plus avoir pour partenaires des Etats qui soutiendraient, parraineraient, financeraient ou subventionneraient des filières ou des discours terroristes". Pourquoi des doutes pèsent-ils sur l'Etat qatari? Faut-il encadrer les relations Paris-Doha? BFMTV.com fait le point.

> Quels doutes pèsent sur le Qatar?

Bruno Le Maire fait référence à différents rapports du département d'Etat américain concernant un possible double jeu du Qatar sur la question terroriste. Selon ces documents, qui datent de mars 2014, le Qatar, avec l'accord de son émir, contribuerait à financer l'Etat islamique, ce mouvement jihadiste qui sévit en Syrie et en Irak, mais aussi le réseau Al-Qaïda. Une aide qui peut passer par des "dons de particuliers, de l'armement ou même de l'humanitaire", expliquait en septembre dernier le spécialiste du terrorisme Alain Rodier.

Ces accusations ont été balayées d'un revers de main par l'Etat qatari, qui a assuré qu'il "ne finance pas les extrémistes". "Si vous voulez parler de certains mouvements, notamment en Syrie et en Irak, sachez que nous les considérons tous comme des mouvements terroristes", avait ainsi justifié l'émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, dans une interview à CNN, en septembre 2014. Le Qatar s'est d'ailleurs joint à la coalition internationale contre Daesh (l'acronyme arabe de l'Etat islamique, NDLR).

> Que doit faire la France post-attentats?

Au regard de ces accusations, et après les attentats qui l'ont frappée, la France doit revoir, selon Bruno Le Maire, sa relation avec certains pays du Golfe, et en particulier le Qatar. "S'il y a des doutes sur le Qatar, le Qatar doit lever ces doutes. Ce sera à son avantage et ce sera à notre avantage aussi", a-t-il défendu, au micro de BFMTV.

Ainsi, pour l’ancien ministre, tous les partenariats entre Paris et Doha doivent être rééxaminés, y compris les avantages fiscaux dont bénéficient les Qataris en France, comme l'exonération de plus-values immobilières, adoptée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, pendant lequel les relations entre la France et le Qatar se sont renforcées. Les députés se sont déjà penchés sur la question. En novembre 2014, un amendement demandant au gouvernement un rapport relatif aux "exonérations de plus-values immobilières accordées à certains États, à leur banque centrale ou à l'une de leurs institutions financières publiques", visant clairement le Qatar, a ainsi été voté en commission.

Une mission parlementaire avait par ailleurs été demandée pour enquêter sur les liens entre le Qatar et les réseaux terroristes pendant la campagne présidentielle de 2012, mais elle avait été refusée. Bruno Le Maire a assuré ce lundi matin qu'il reformulerait cette demande.

"Les rapports américains sont suffisamment clairs sur le sujet et soulèvent suffisamment de questions pour qu'on examine aussi nos relations diplomatiques avec le Qatar, et que nous arrêtions de mettre un mouchoir sur tous nos principes et de donner un satisfecit généralisé aux demandes du Qatar", a estimé pour sa part, sur BFMTV, Vanessa Ratignier, co-auteur de l'ouvrage Une France sous influence.

> Une classe politique divisée

Mais au sein de la classe politique, la question divise, notamment dans les rangs de l'opposition. Le discours tenu par Bruno Le Maire agacerait en effet le président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, pour qui le Qatar est un ami de la France. Une ligne visiblement soutenue par les membres du parti.

"Aujourd'hui, le dialogue doit être maintenu", a ainsi réagi Sébastien Huyghe, député UMP du Nord. "Avoir un dialogue, ça veut aussi dire avoir des discussions franches et ne pas hésiter à aborder également les questions qui fâchent. D'un autre côté, j'observe que lorsqu'il s'est agi pour nous de voter la loi sur la burqa, ils (le Qatar et l'Arabie Saoudite, NDLR) nous ont soutenus. Aujourd'hui, rien ne s'oppose à ce que nous poursuivions des relations diplomatiques avec l'ensemble de ces pays", a-t-il argumenté.

Même cacophonie du côté de la majorité, où le sujet est loin de faire l’unanimité. Officiellement, la question n’a pas été soulevée au PS. L'un de ses porte-parole, Olivier Faure, estime, d'un point de vue personnel, qu'il est difficile pour la France de se passer d'un grand investisseur comme le Qatar. "S'ils veulent continuer à pouvoir investir, ce que nous devons souhaiter, cela suppose qu'en échange de cela, les règles du jeu soient celles de la France: on ne peut pas financer aujourd'hui ses pires adversaires que sont le terrorisme et le fondamentalisme", a ainsi justifié le député de Seine-et-Marne.