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La consommation de viande est-elle "l'une des causes" des fortes chaleurs et incendies comme l'assure Sandrine Rousseau?

Photo d'illustration.

Photo d'illustration. - Georges

Dans un tweet, Sandrine Rousseau a établi une corrélation entre consommation de viande et les incendies qui touchent le pourtour méditerranéen.

Polémique de saison ou nouvel effet "wake-up"? Sandrine Rousseau a de nouveau allumé les braises du débat autour de la consommation de viande, la liant cette fois directement aux incendies qui ravagent le pourtour méditerranéen.

"La consommation de viande est une des causes de ce qui se passe en Algérie, Espagne, Grèce, Chine, Arizona et partout", a écrit la députée écologiste de Paris ce mercredi sur Twitter.

Cette petite phrase a immédiatement déclenché des réactions saignantes, l'élue étant - une nouvelle fois - bombardée de photos de steaks bien cuits et autres grillades. Mais au fond, a-t-elle tort? Si la longue explication de la chaîne d'événements successifs ne se plie pas aux 240 caractères de Twitter, les spécialistes lui donnent plutôt raison.

"Quand on parle des incendies, il est important de les lier au dérèglement climatique. Et je pense que ce tweet fait le lien. Il y a aujourd'hui un consensus scientifique clair sur la question, la consommation de viande participe dérèglement climatique que l'on connaît", souligne Charlie Brocard, chercheur spécialisé en alimentation à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).

De 50 à 90% de viande en moins

Les études menées ces dernières années sont claires, pour préserver l'environnement, nous devons abaisser notre consommation de viande. À quel point? Les résultats des diverses études varient. Celle partagée par l'université d'Oxford dans la revue Nature préconise une diminution de 90% pour rester dans l'objectif d'1,5°C en plus d'ici 2050. L'étude de l'Iddir, elle, pointe plutôt vers une diminution de l'ordre de la moitié.

"L'importance des réductions varie en fonction des modèles utilisés pour les productions et notamment l'importance qui est accordée à l'élevage bovin", décrypte Charlie Brocard.

Le coût carbone de la consommation de viande - surtout la viande rouge - est d'une manière générale sous-estimé. La faute n'est pas forcément celle des consommateurs, l'information n'étant pas inscrite sur la barquette.

En France, en 2020, nous consommions 85kg de viande par an et par habitant, selon le ministère de l'Environnement. "On estime ainsi qu’entre une alimentation 'classique' et un régime moins carné, les émissions de gaz à effet de serre passent de 1,6 tonne à 1 tonne de CO2 équivalent par an et par habitant", note le gouvernement.

L'alimentation représente en tout 22% de notre empreinte carbone globale, le troisième poste le plus émetteur de gaz à effet de serre derrière les transports (30%) et le logement (23%).

L'effet de serre, mais pas que

L'idée du circuit court pour diminuer le coût carbone de son bifteck peut sembler tentante. Il s'agit pourtant d'un petit pansement sur une grosse plaie:

"Dans le circuit alimentaire plus large, le transport ne représente que 20% du total des émissions, la majorité de l'impact vient des conditions de production," explicite l'expert de l'Iddri.

Le CO2 est l'un des facteurs les plus évidents, mais il n'est pas le seul. D'autres entrent en jeu, comme l'émission de méthane ou de protoxyde d'azote, le fruit du rejet du fumier et surtout des flatulences des bovins.

Autre facteur aggravant, cette fois du côté de la sécheresse. En effet, les animaux d'élevage sont la plupart du temps nourris grâce à des céréales qui demandent des quantités d'eau massives. Ainsi, on estime que la production d'un steak nécessite 1500 litres d'eau. L'utilisation des sols est un énième facteur problématique, l'élevage pouvant contribuer à la déforestation, à un certain niveau.

Si l'enjeu n'est donc pas d'interrompre totalement la consommation de viande, il est bien de réduire fortement la présence de celle-ci dans nos assiettes, a fortiori lorsqu'il s'agit de viande rouge. Mieux vaut privilégier du poulet que du boeuf, moins problématique, ne serait-ce que sur la seule question des rejets de méthane. "Ramenée au kilo, une entrecôte émet six fois plus de gaz à effet de serre que des filets de poulets", mets en évidence l'Ademe.

Une dynamique à la baisse que d'autres leviers de motivation peuvent entraîner, notamment sur le plan nutritionnel, le Français moyen consommant trop de viande rouge et de charcuterie, mais pas assez de légumes. Sans oublier la question sensible de la souffrance animale.

En clair: manger un steak ne va ni provoquer un incendie en Algérie, ni faire instantanément grimper le thermomètre. Mais la production dudit steak implique un certain nombre d'étapes qui, elles, peuvent entraîner sécheresse, émissions de gaz à effet de serre, et donc dérèglement climatique. Ce qui, au final, peut effectivement accroître le risque de feux. Et rendre ceux-ci plus violents et plus longs.

"Je sais que ce n'est pas en frottant deux steaks qu'on a créé le feu"

Le message de Sandrine Rousseau, bien qu'un peu court, a le bénéfice d'alerter sur une problématique difficilement audible. "Aujourd'hui, avec l'été qu'on vit, on ne peut plus nier le réchauffement climatique. On a un levier d'action très accessible pour pouvoir lutter contre l'accélération des températures donc oui, on le rappelle", explique-t-elle à BFMTV.

La forme, certe courte, a le mérite de marquer les esprits. "Je sais que ce n'est pas en frottant deux steaks ensemble qu'on a créé le feu oui", tance l'écologiste, avant d'ajouter:

"La viande est responsable d'une large part de la déforestation, de la consommation d'eau et in fine de nos émissions de CO2. Ces incendies sont directement liés au réchauffement de la planète. Se prendre en photo avec un steak c'est nier le problème climatique et notre responsabilité dans celui-ci".
Tom Kerkour