Voyage dans le temps: bienvenue dans la France de 2025

POLITIQUE-FICTION - Dessiner la France de 2025, voilà les devoirs de vacances sur lesquels les ministres ont dû bûcher durant les quinze premiers jours d'août. Le portrait du pays issu de ces réflexion paraît, sinon fantaisiste, un peu idyllique. Pour l'éprouver, BFMTV.com vous propose de vous glisser dans la peau de l'un de ces Français de 2025.

Thomas n’est pas matinal, mais tous les matins, il se lève. Il préfère les rigueurs de son boulot en usine, et le salaire qui l’accompagne, à la galère du chômage longue durée qu'il a connu il y a quelques années. En sortant de chez lui, il consulte les titres de la presse sur sa vieille montre intelligente. Quelques faits-divers et un gros titre économique. Nous sommes le 20 août 2025, la France n’est plus que “la 9e puissance économique mondiale”.

Ouf, elle est toujours “devant l’Allemagne, dont le modèle décline depuis des années”. Il aimerait bien voir la tête que doit faire son ancienne prof d’Allemand, qui, il y a plus de dix ans, ne jurait que par Volkswagen, Bosch, Siemens...

Mouais, peu importe. Comme beaucoup de jeunes de sa génération, il a trouvé du travail depuis que la France est redevenue un grand pays industriel. L’agence Pôle Emploi qui se trouve sur son chemin semble appuyer ses pensées. Cadenassée, elle a fermé la semaine dernière. Maintenant que le plein-emploi est revenu, de nombreuses petites agences, superflues, ont été supprimées par mesure d’économies.

Trouver un appartement? Un petit plaisir de la vie

Thomas n’aime pas beaucoup quitter son appartement, qu’il retrouve tous les soirs avec bonheur. Il n’a pas toujours été casanier, mais son duplex correspond exactement au lieu dans lequel il avait toujours rêvé vivre: spacieux, lumineux, confortable… Il l’a trouvé après seulement une demi-journée de recherches, à lire les petites annonces de particulier à particulier assis à une terrasse de café.

Depuis que les logements vacants ont été bannis par la loi Duflot, chercher son petit chez-soi devient un véritable plaisir et le futur locataire peut se montrer très exigeant.

Rien à voir avec ce que lui racontent ses parents. “A notre époque, c’était presque impossible de louer quelque chose de correct! On n’avait jamais assez de garanties, et les logements étaient délabrés!” Thomas a du mal à y croire.

Police 3.0 et pas de case prison

Au moment où il passe devant la Maison de l’Etat, l’ancienne sous-préfecture, un éclat de voix l’interrompt dans ses pensées. Sur les marches, un type est en train battre un sans-abri à coups de pieds. Thomas est choqué mais le corps-à-corps, ça n’a jamais été son truc. Il rédige un tweet géolocalisé, avec une photo, dans lequel il décrit l’agression. Puis il l’envoie à destination de la brigade de police 3.0 et poursuit son chemin. Il n’est peut-être pas très courageux mais il s'enorgueillit de son sens civique.

En marchant, il réalise que ça faisait des années qu’il n’avait plus croisé un SDF. Ce doit être l’un des derniers, pense-t-il. Le lendemain, il lira dans le journal que l’agresseur est passé aussitôt en jugement. Il échappera à la prison mais travaillera trois mois dans un organisme social et sera obligé de trouver un emploi.

Qui va en prison, de nos jours?

Deux litres aux cent

Thomas arrive finalement à l’heure à son point de rendez-vous, où l’attend la voiture qu’il utilise en autopartage avec des collègues. Il n’aime pas trop le bus, et préfère rouler dans cette voiture ringarde, qu’on trouve à tous les coins de rue. Mais bon, c’est pratique et c’est pas cher, elle ne consomme que deux litres aux cent.

Quand il pense au refrain habituel de son père, à chaque repas de famille, il se dit vraiment qu’il affabule. Une crise historique? Plus de 10% de chômage? Près de 70.000 personnes dans les prisons françaises? Des logements inaccessibles pour les pauvres, des logements vacants chez les riches? Près de 150.000 SDF? Quelle imagination.

Olivier Laffargue et Ariane Kujawski