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Remaniement: comment l'exécutif recherche des ministres à gauche

Plusieurs personnalités de gauche ont décliné une offre au gouvernement.

Plusieurs personnalités de gauche ont décliné une offre au gouvernement. - PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

Plusieurs personnalités de gauche ont fait savoir qu'elles n'entreraient pas au gouvernement, qu'elles aient été officiellement approchées ou que leur nom ait simplement circulé. Olivier Faure, le patron du PS, dénonce une "tentative un peu désespérée" de débauchage de la part de l'exécutif.

"Il n'y a dans cette majorité et dans ce gouvernement aucune fébrilité, aucune impatience", jure Edouard Philippe. "Les ministres sont à leur tâche", assure encore le Premier ministre ce jeudi, alors que le remaniement se fait attendre et n'interviendra qu'après ce vendredi. Parmi les raisons évoquées pour expliquer ce retard, des divergences entre le chef de l'Etat et celui du gouvernement, mais aussi la nécessité - et la difficulté - de trouver les bons candidats.

Pour celui que d'aucuns ont surnommé le "président des riches", l'une des priorités est notamment de donner des gages à gauche. Surtout après le départ de Nicolas Hulot, ministre star du gouvernement et "prise de guerre" de l'après-présidentielle. Les écologistes Daniel Cohn-Bendit et Pascal Canfin avaient été pressentis pour prendre sa suite, mais ont décliné. Le premier aurait pris cette décision "d'un commun accord" avec Emmanuel Macron.

Le socialiste Mathieu Klein a refusé un poste

Pour le remaniement d'ampleur qui se prépare, plusieurs autres noms ont circulé: celui de Bruno Julliard, l'ex-adjoint à la mairie de Paris, mais aussi celui de l'ancien ministre Hubert Védrine. Interrogés par Le Monde, tous deux ont démenti avoir été approchés officiellement.

Mathieu Klein, lui, a bien été approché mais a refusé publiquement. Le président PS du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a expliqué sur Twitter vouloir poursuivre son action d'élu local.

Parmi les noms qui circulent toujours, ceux de deux proches de Manuel Valls. L'ancienne secrétaire d'Etat de François Hollande Juliette Méadel, et le sénateur Didier Guillaume. Tous deux figurent sur la liste transmise à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), chargée d'examiner la situation des candidats au poste de ministre. 

L'exécutif "fait les poubelles du PS"

Sur franceinfo ce jeudi, Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, a raillé une "tentative un peu désespérée" d'Emmanuel Macron de débaucher des personnalités socialistes, sans y parvenir selon lui. "Il y a une volonté du chef de l'État d'afficher des prises de guerre, une volonté d'équilibrer en communication une politique qui est à droite par des hommes ou des femmes qui sont identifiés à gauche", a-t-il décrit, dénonçant "une tentative un peu désespérée de réunir un casting". A sa connaissance, aucun membre de la direction du PS n'a été sollicité, mais d'après le maire socialiste Yohann Nédélec, cité par l'AFP, plusieurs membres du parti ont été approchés, une autre source interne estimant que l'exécutif fait "les poubelles du PS".

"Je crois qu'aujourd'hui celles et ceux qui ont vraiment fait le choix de rester à gauche ne peuvent pas s'engager dans un gouvernement qui, en réalité, est à l'opposé de ce que nous pouvions faire nous-mêmes au pouvoir", assure Olivier Faure. "Monsieur Macron nous a dit qu’il n’entendait pas changer de politique, sa politique est de droite", a abondé le sénateur Rachid Temal sur notre antenne, rappelant que les socialistes étaient "dans l'opposition" au chef de l'Etat.

Des prises à gauche dont Macron n'a pas voulu en 2017

Pour le politologue Bruno Cautrès, au-delà des difficultés apparentes de l'exécutif à trouver le bon candidat, "il ne faut pas surexagérer" l'importance qu'aurait sur l'opinion publique la nomination d'une ou plusieurs personnalités de gauche au gouvernement. A fortiori s'il ne s'agit pas de personnalités de premier plan. "Avec quelqu'un comme Nicolas Hulot, effectivement, quelque chose peut se passer dans l'opinion, mais Juliette Méadel et Didier Guillaume n'impriment pas forcément grande chose", explique-t-il, contacté par BFMTV.com. 

Et Bruno Cautrès de poursuivre: "Tant que ça ne correspondra pas à une réorientation de gauche forte des politiques publiques, ça n’aura aucun effet, voire l’effet inverse, en donnant le sentiment qu’on fait du casting, comme à l’ancienne".
"Après 2017, si Emmanuel Macron l'avait souhaité, il aurait eu de grosses prises à gauche, comme il y en a eu à droite. Or il ne l'a pas fait", explique aussi le chercheur au Cevipof, estimant qu'il est aujourd'hui plus difficile de réaliser de telles prises à gauche car "la déception s'est installée.

"Les Français ne sont pas dupes"

Un avis que partage en partie la députée LaREM Sonia Krimi, dont les coups de gueule ont fait d'elle une des figures incarnant l'aile gauche au sein de la majorité. "Je ne sais pas s’ils ont du mal à recruter, mais ils n’ont pas donné de signe à gauche depuis des mois", estime la députée de la Manche, interrogée par BFMTV.com. Alors que de nombreux journalistes lui ont posé la question, elle explique ne pas avoir été approchée pour le gouvernement, et précise de toute façon n'être intéressée qu'à une condition: "Si c'est pour faire quelque chose, c'est oui, si c'est pour ne rien faire, c'est non. Elle s'explique:

"S'agit-il d'être ministre pour être un écran de fumée ou d'être ministre avec une vraie équipe? Si on vous dit que vous n’avez pas la main sur vos équipes, vous ne pouvez rien faire, déplore-t-elle. Beaucoup n’ont pas envie de ça, ils ont envie d’avoir une marge de manœuvre. C'est ce qui nous manque aujourd’hui", martèle-t-elle, appelant la majorité et le gouvernement à "changer de méthode".

"Quelles que soient les personnes que l'on met au gouvernement, il faut que les Français voient une amélioration dans leur vie de tous les jours, ils ne sont pas dupes". Pour elle, celle qui incarnerait la prise parfaite, incarnant la sociale-démocratie, c'est Christiane Taubira. "On l'aime ou on la déteste, mais elle imprègne. Moi je l'aime", lance la députée, qui sait "qu'elle n'accepterait pas" la proposition. Sonia Krimi conclut en lançant un avertissement à ses camarades.

"Revenir à la bienveillance et à l’humilité, ça fera du bien à tout le monde, si on continue à faire ce qu’on est en train de faire avec cette méthode, on sera balayés".
Charlie Vandekerkhove