Pourquoi Macron ne compte pas lâcher Ferrand

En dépit des révélations de presse, le ministre de la Cohésion des territoires peut compter sur le soutien du locataire de l’Elysée.

Il ne démissionnera pas. Richard Ferrand l’a annoncé ce mercredi matin: pas question de quitter son poste au gouvernement, malgré sa mise en cause dans la presse pour des conflits d’intérêts supposés. Le ministre de la Cohésion des territoires aurait d’ailleurs tort de céder à la pression. Emmanuel Macron et Edouard Philippe lui ont renouvelé leur soutien à plusieurs reprises ces derniers jours.

Lundi, le président de la République l’a reçu à l’Elysée pour lui exprimer sa "confiance". Et mardi, le chef du gouvernement a rappelé que "tout ministre mis en examen devrait démissionner". Ce qui n’est pas le cas de Richard Ferrand.

Mais il est d’autres raisons plus proprement politiques qui expliquent l’appui d’Emmanuel Macron au député du Finistère.

Parce que cela contredirait ses promesses

Pendant toute sa campagne, Emmanuel Macron s’est engagé à être un chef d’Etat "jupitérien", au-dessus des contingences. "Le président préside, il ne gouverne pas", a-t-il souvent assuré. Selon Arnaud Mercier, professeur à l’Institut Français de Presse et spécialiste de la communication politique, c’est en raison de cette conception du pouvoir que le locataire de l’Elysée ne scellera pas le sort de Richard Ferrand. Tout simplement parce qu’il ne souhaite pas s’en mêler:

"Il ne veut pas s’abaisser à parler de ce que le général de Gaulle appelait la politicaillerie. Il estime que François Hollande s’est justement abîmé en descendant constamment dans l’arène politique. La position d’Emmanuel Macron est simple: cette affaire est du ressort du gouvernement, c’est à Matignon de s’en occuper".

Parce que cela créerait un dangereux précédent

Comme expliqué plus haut, Richard Ferrand n’est pas inquiété par la justice, qui a décidé de ne pas ouvrir d’enquête à son encontre. Nulle raison de sévir dans ces conditions donc, comme l’a exposé le porte-parole du gouvernement ce mercredi:

"Est-ce qu’il est coupable? S’il n’est pas coupable, pourquoi y aurait-il une raison de le sanctionner?", a déclaré Christophe Castaner devant la presse.

François-Xavier Bourmaud, journaliste au Figaro et auteur de deux livres sur Emmanuel Macron*, va dans le même sens: "On n’a jamais vu un ministre être viré sur la base de simples articles de presse". "Si Emmanuel Macron le démissionnait en l'absence de procédure judiciaire, cela créerait un précédent dangereux. Ça contribuerait à jeter la suspicion sur tout le monde", juge-t-il encore.

Parce que Ferrand est un symbole de la recomposition

Richard Ferrand n’est pas un "marcheur" comme les autres. Il est le premier député socialiste à avoir rejoint Emmanuel Macron, dès avril 2016, alors même que son aventure politique paraissait très incertaine. "C’est par lui que tout commence", confirme François-Xavier Bourmaud.

Devenu le fidèle bras-droit d’Emmanuel Macron, Richard Ferrand n’a pas seulement piloté en grande partie la campagne de son champion. En rompant les amarres avec son parti (dont il était encarté depuis 30 ans), il a incarné le dépassement du clivage gauche-droite et la "recomposition" politique chers au fondateur d’En Marche!.

• Parce que les électeurs pourraient clore le débat
  

Outre la justice, Emmanuel Macron et Edouard Philippe s’en sont remis à un autre "juge de paix" pour trancher le cas Ferrand: les législatives.

"Les électeurs de sa circonscription pourront dire si, comme moi, ils ont confiance en Richard Ferrand", a expliqué le Premier ministre vendredi.

Si le député du Finistère est réélu (et que la justice maintient sa position à son encontre), le problème est réglé. S’il est battu… le problème est réglé également.

* Emmanuel Macron, le banquier qui voulait être roi, L'Archipel, 2016 et Macron, l'invité surprise, L'Archipel, 2017.

Ghislain de Violet