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Gouvernement

Nice: "La droite veut-elle légaliser l'arbitraire?", s'inquiète Urvoas

Le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas à la sortie de l'Elysée, le 5 avril 2017.

Le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas à la sortie de l'Elysée, le 5 avril 2017. - Bertrand Guay - AFP

Après l'attentat du 14 juillet, nourris "de la conviction que la sécurité de nos concitoyens doit prévaloir sur toute autre considération", les Républicains s’affranchissent de toutes les règles juridiques forgées par des années de respect du cadre constitutionnel", dénonce le garde des Sceaux dans une tribune publiée par Libération.

Pour Jean-Jacques Urvoas, après l'attentat de Nice, "un point de bascule" s'est produit, "une limite" a été "franchie": le garde des Sceaux s'inquiète, dans une tribune publiée ce jeudi par Libération, de la multitude de propositions de députés "entachées d’inconstitutionnalité" après l'attaque du 14 juillet, qui a coûté la vie à 84 personnes.

"Durant la nuit de mardi à mercredi dernier", alors que les députés étaient réunis pour débattre et décider de la prolongation de l’état d’urgence, "les mêmes mots étaient rageusement choisis pour contester la force jusque-là partagée de la norme constitutionnelle", rapporte le ministre de la Justice. 

"Cela n’aurait pu rester qu’un un égarement explicable par l’âpreté des débats. Mais la même dureté se répéta à chaque fois que je me référais à la jurisprudence de notre Cour suprême ou à celle de la Cour européenne des droits de l’homme. Les bornes du droit que j’avançais étaient ainsi systématiquement rejetées comme illégitimes", poursuit-il. "Les circonstances exceptionnelles exigent selon eux une exception aux principes fondamentaux garantis par notre Constitution…"

"Dérives"

Mais si Jean-Jacques Urvoas s'alarme d'une surenchère venue "de nombreux bancs", c'est surtout à la droite - qui s'est montrée très critique envers l'exécutif immédiatement après l'attentat - qu'il s'en prend.

"Nourrie de la conviction que la sécurité de nos concitoyens doit prévaloir sur toute autre considération, Les Républicains s’affranchissent de toutes les règles juridiques forgées par des années de respect du cadre constitutionnel et conventionnel", dénonce-t-il. "Ils veulent par exemple, sur décision administrative, placer 'dans un centre fermé ou assigné à résidence avec un bracelet électronique pour une durée qui devra être portée à trois mois' 'tout ressortissant français ayant des connexions, directes ou indirectes, avec un groupe terroriste'."

"Ne cédons pas sur l’Etat de droit"

Or, pour le locataire de la place Vendôme, si ces options peuvent paraître "séduisantes", elles risquent surtout de donner lieu à des "dérives". "Ne se rendent-ils pas compte que décider de la dangerosité supposée sur la base de la seule volonté du prescripteur ouvre la porte à toutes les dérives?", souligne-t-il. "De tels expédients" sont "parfaitement inopérants, voire contre-productifs et ne servent au final que les intérêts de ceux qui prétendent nous terroriser".

D'où son appel à ne pas céder sur l'Etat de droit. "Faire de l’arbitraire un guide pour l’action, c’est omettre qu’il s’agit d’une arme dont le grand nombre de tranchants coupera fatalement les doigts de ceux qui la manient. L’Etat de droit et la démocratie, les fondements même de la République, voilà ce que veulent abattre les terroristes", insiste Jean-Jacques Urvoas.

"La responsabilité politique face à cette pression, c’est de maintenir coûte que coûte ce précieux bien commun, la racine même du vivre ensemble. L’histoire démontre que ceux qui cèdent aux sirènes du populisme dans ces périodes sombres nous ont conduits au désordre et au chaos. Alors aujourd’hui comme hier, ne cédons pas sur nos valeurs, ne cédons pas sur l’Etat de droit, ne cédons pas sur la République."

V.R.