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Gouvernement

Macron et l'opinion des Français, deux années de montagnes russes

Le président de la République Emmanuel Macron, le 25 avril 2019 à l'Elysée à Paris.

Le président de la République Emmanuel Macron, le 25 avril 2019 à l'Elysée à Paris. - Ludovic Marin - AFP

Victime de la même chute vertigineuse que ses prédécesseurs au bout de quelques mois à l'Élysée, Emmanuel Macron a timidement remonté la pente à plusieurs reprises. Un phénomène inhabituel mais gravement mis à mal par la crise des gilets jaunes.

Depuis près de quarante ans, la question revient plus ou moins systématiquement pour chaque président français après deux années de mandat, davantage encore depuis l'avènement du quinquennat. Comme un métronome auquel nos gouvernants ont été contraints de s'habituer. Bloqué sous la barre des 30% de taux d'approbation selon la moyenne des sondages, Emmanuel Macron est-il condamné au même enlisement que ses prédécesseurs? À devoir composer avec un peuple en rupture quasi définitive?

Pour l'actuel chef de l'État, qui fête ses deux ans à l'Élysée ce mardi, la question se pose, alors même qu'il a ouvert un "acte II" de sa présidence lors de sa conférence de presse du 25 avril. Les élections européennes du 26 mai, en cas de succès pour la liste de La République en marche, sont censées relancer une machine présidentielle grippée par l'affaire Benalla, une communication hasardeuse et, surtout, par des mois de crise des gilets jaunes. 

Rejet post-estival

C'est au point culminant de cette crise, en décembre dernier, qu'Emmanuel Macron a atteint son plus bas niveau dans les sondages. Dans son baromètre mensuel pour Le Point, l'institut Ipsos recueillait à l'époque 20% d'opinions favorables au chef de l'État. Un moment où l'exécutif a vacillé, où son avenir politique semblait plus compromis que jamais. 

Dès l'année 2017, toutefois, et malgré l'engouement suscité (du moins en apparence) par ses débuts à la tête du pays, Emmanuel Macron a fait l'objet du même rejet post-estival que Nicolas Sarkozy et François Hollande. Une chute vertigineuse, qui a vu le président perdre, en moyenne, une quinzaine de points de popularité en l'espace de trois mois. Gel du point d'indice des fonctionnaires, hausse de la CSG pour une partie des retraités, baisse de l'APL... Plusieurs segments de la population ont vite affiché leur mécontentement vis-à-vis des mesures annoncées. 

Profil atypique

Dépourvu de structure partisane classique, révélé au grand public à peine deux ans avant sa déclaration de candidature à l'élection présidentielle, Emmanuel Macron a dû construire sa stature en grande partie une fois élu. Cette particularité, ajoutée au fait qu'une victoire contre Marine Le Pen fausse nécessairement le rapport de force d'un second tour, distingue ce quinquennat des précédents. 

La surprenante remontée du chef de l'État dans les baromètres d'opinion à l'automne 2017 en a été une bonne illustration. Malgré les manifestations d'opposition aux ordonnances sur le droit du travail, qui ont vu une gauche peinant à constituer un front uni avec les syndicats, Emmanuel Macron a donné le sentiment d'appliquer ce qu'il avait promis durant sa campagne. Ce simple fait a suffi à rendre inaudible, de l'autre côté, une opposition de droite durablement sonnée par la défaite cuisante de François Fillon, dont l'électorat modéré et libéral a été vite séduit par la macronie. 

À portée d'engueulade

Cette décomposition du paysage politique, dont rien ne dit de quelle manière il se recomposera, s'est cependant vite révélée être à double-tranchant. À l'été 2018, quelques jours après les vertiges de la victoire des Bleus à la coupe du monde de football, l'affaire Benalla a marqué le début d'une spirale infernale pour l'exécutif. Aux révélations justifiées maladroitement s'est ajoutée une série de départs abrupts au sein du gouvernement, notamment ceux de Nicolas Hulot et de Gérard Collomb. 

L'"itinérance mémorielle" d'Emmanuel Macron, à l'occasion du centenaire de l'armistice de la Première Guerre mondiale, fut un moment de cristallisation des colères. Sillonnant une grande partie des territoires français, le chef de l'État a dû faire face à de nombreuses interpellations publiques, parfois virulentes. Il était à "portée d'engueulade", selon l'expression consacrée. Au point que, lors d'un entretien accordé à TF1 depuis le porte-avions Charles de Gaulle, le président a reconnu avoir échoué à "réconcilier le peuple français avec ses dirigeants". 

Solitude

Cet aveu, fait le 14 novembre 2018, a précédé la première mobilisation nationale du mouvement des gilets jaunes. Depuis, Emmanuel Macron s'est trouvé dans un étrange face-à-face avec l'opinion publique, dont le désamour s'est fait triomphant. Dénués de capteurs locaux efficaces, de tissu d'élus, les dirigeants de La République en marche se sont avérés incapables de servir de paratonnerre pour compenser ce phénomène. 

S'appuyant sur le grand débat national pour renouer avec les Français, le locataire de l'Élysée a choisi d'endosser presque seul la reconquête, qui peut s'avérer largement compromise en cas de victoire du Rassemblement national aux européennes. Pour l'heure, selon le baromètre TNS-Sofres, Emmanuel Macron se situe à 26% d'opinions favorables - une remontée timide. Au même moment de leur quinquennat et selon le même institut, Nicolas Sarkozy en engrangeait 32% et François Hollande, 18%.

Jules Pecnard