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Loi immigration: pourquoi Élisabeth Borne demande à ses ministres de ne pas se déplacer lundi

Élisabeth Borne à Matignon le 7 décembre 2023

Élisabeth Borne à Matignon le 7 décembre 2023 - Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

La Nupes compte sur une motion de rejet pour arrêter net les débats sur l'immigration à l'Assemblée nationale lundi. Soucieux, l'exécutif compte sur la venue en masse de ses députés pour contrer la manœuvre. Consigne a donc été passée de ne pas avoir de ministres en circonscription.

La pression commence sérieusement à monter à trois jours de l'arrivée du projet de loi immigration dans l'hémicycle. Preuve de l'inquiétude: Matignon a battu le rappel de ses troupes en demandant aux ministres de ne pas organiser de déplacement lundi, d'après des informations du Parisien, confirmées par BFMTV.com.

"On nous a dit dans la mesure du possible de rester à Paris pour pouvoir avoir le plus de députés possible à l'Assemblée", nous explique ainsi un conseiller ministériel.

Contrer toute dispersion des macronistes

Et pour cause: Gérald Darmanin va avoir besoin du maximum de troupes présentes en nombre lundi pour contrer les oppositions. Pas question donc d'accueillir dans les territoires des ministres alors que la coutume parlementaire veut que les élus soient présents lors de tout déplacement ministériel dans leur circonscription.

La macronie va en effet devoir affronter une motion de rejet sur le projet de loi immigration. Ce dispositif parlementaire permet de voter pour rejeter un texte avant même qu'il ne soit étudié à l'Assemblée.

Déposée par les députés écologistes, cette motion de rejet va être soutenue par l'ensemble de la gauche. Si le RN et l'ensemble des élus LR votent cette motion de rejet, elle atteindra les 292 voix. La majorité présidentielle compte, elle, 250 élus.

Le précédent du PACS

S'il n'y pas de nombre minimum de voix à atteindre pour faire adopter une motion de censure - le nombre de voix pour devant simplement être plus important que le nombre de voix contre -, c'est la mobilisation d'un camp ou d'un autre qui va faire toute la différence.

"Ça devrait aller quand même. Je pense que beaucoup de LR ont envie qu'on débatte de l'immigration. Mais c'est vrai que si quelques députés Liot se rajoutent, ça peut devenir plus compliqué et un accident peut toujours arriver", résume un collaborateur ministériel.

En 1998, faute de troupes suffisantes, la gauche avait par exemple vu son projet de loi sur le PACS rejeté avant même l'ouverture des débats, à la surprise générale. Si ce projet de loi ouvrant l'union civile pour les couples de même sexe était bien revenu dans l'hémicycle, Lionel Jospin était sorti abîmé de la séquence.

Boucles Whatsapp pour battre le rappel

En cas de rejet du projet de loi immigration, le texte reviendrait d'ailleurs devant le Sénat mais handicaperait très sérieusement l'avenir politique du projet de loi. De quoi sérieusement abîmer Gérald Darmanin qui n'a pas ménagé ses efforts devant les sénateurs ces dernières semaines puis en commission des lois à l'Assemblée pour convaincre.

Est-ce que le message passé par Matignon sera suffisant pour battre le rappel ? Sylvain Maillard, le président des députés Renaissance, devrait également fait passer la consigne en appelant à venir lundi via des boucles Whatsapp.

Jusqu'à présent, cet outil parlementaire qui a été sollicité plus d'une quarantaine de fois depuis le début de la nouvelle législature n'a jamais mis en échec le gouvernement.

"Le lundi, pas le jour idéal pour les députés"

Sur le papier, l'exécutif devrait donc remporter son pari, sans cependant lever toutes les inquiétudes.

"Bon, le lundi, ce n'est le jour idéal pour les députés. C'est le moment où on fait du terrain. Ce n'est pas facile d'annuler tous ses rendez-vous d'un coup de baguette magique, deux jours avant", résume un parlementaire Renaissance.

"Notre chance, c'est que nous ne sommes pas les seuls. Est-ce que le RN ou la Nupes vont faire le plein lundi pour leur motion de rejet ? Je n'en suis pas sûr", avance encore ce député.

Le ministre de l'Intérieur joue, lui, le calme des vieilles troupes. S'il reconnaît qu'"arithmétiquement, les oppositions peuvent se coaliser", il y voit "la coalition entre la carpe et le lapin", comme il l'a expliqué sur France info ce vendredi.

En cas de défaite des oppositions, les discussions sur le projet de loi pourront commencer, tout en étant toujours aussi délicates. Un 49.3, qui pourrait être dégainé, sans le vote de la droite, aurait, lui aussi, des allures de défaite pour Gérald Darmanin.

Marie-Pierre Bourgeois