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Les réserves de Richard Ferrand sur le référendum

Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, assure que "l'engagement du président" Emmanuel Macron face à la colère des "gilets jaunes" "sera tenu"

Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, assure que "l'engagement du président" Emmanuel Macron face à la colère des "gilets jaunes" "sera tenu" - Ludovic Marin - AFP

À l'instar de nombreux ténors de la macronie (et de l'opposition), le président de l'Assemblée nationale estime que ce ne serait pas "une bonne idée" d'adosser le référendum aux élections européennes.

Petit à petit, l'hypothèse de voir des Français glisser, le 26 mai, des bulletins de vote en faveur d'une liste aux européennes avant de cocher, la minute suivante, "oui" ou "non" à des questions soumises par référendum, s'éloigne. Dans la longue interview qu'il a accordée au Journal du Dimanche, Richard Ferrand écarte cette innovation démocratique, évoquée depuis une dizaine de jours par le proche entourage d'Emmanuel Macron.

"Ce ne serait pas une bonne idée", estime le président de l'Assemblée nationale, à l'unisson de plusieurs membres du gouvernement, notamment la ministre des Affaires européennes Nathalie Loiseau ou celui des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian

Des "lois fortes" plutôt qu'un référendum?

Plus globalement, Richard Ferrand se montre dubitatif vis-à-vis du référendum lui-même. "Le référendum est un outil parmi d'autres, au service de notre démocratie. Ne l'agitons pas comme un fétiche", plaide-t-il. Selon lui, le grand débat national lancé pour sortir de la crise des gilets jaunes "pourrait tout aussi bien se terminer par des lois fortes ou par d'autres types de mesures, réglementaires ou autres".

"Beaucoup de Français s'expriment dans les débats et n'en sont pas obsédés. Et ce n'est pas parce que des manifestants l'exigent qu'il faut claquer des talons et s'exécuter", insiste le député du Finistère, qui considère que "l'essentiel, c'est l'avenir de notre pays" et "c'est ce qui intéresse les Français, plus que les outils juridiques".

Il indique par ailleurs que "l'Assemblée nationale se saisira des conclusions de la grande consultation pour qu'un grand débat s'y déroule aussi, sans doute au mois d'avril".

"Ne polluons pas" le débat européen

"Les enjeux européens sont suffisamment importants pour qu'on ne prenne pas le risque de les diluer dans une très hypothétique consultation référendaire", développe l'ancien socialiste. Il cite, à titre d'exemples, la politique agricole commune, les conséquences du Brexit sur la pêche ou encore "l'impossibilité pour Alstom et Siemens de former un grand groupe européen".

"Ne polluons pas ce débat, ne brouillons pas les messages", demande l'élu breton.

Selon un pilier de la majorité interrogé en début de semaine par BFMTV.com, Richard Ferrand s'était justement entretenu avec le chef de l'État sur cette question quelques jours auparavant. Il lui aurait longuement fait part de ses réserves sur cet étrange couplage de scrutins, inédit dans l'histoire de la Ve République.

Diluer le Rassemblement national

Pour ses défenseurs, l'idée serait notamment de faire bondir la participation (les Français étant plus susceptibles, du point de vue de l'exécutif, de s'intéresser à un référendum qu'à des élections européennes). Et, ce faisant, de diluer les voix accordées au Rassemblement national, qui est dans une bonne dynamique, tout en légitimant davantage le score réalisé par La République en marche.

Score qui, à en croire les derniers sondages, serait relativement élevé malgré le contexte difficile que traversent Emmanuel Macron et son équipe gouvernementale.

Mauvais calcul

La trouvaille politique des macronistes comporte une inconnue significative: si les deux votes venaient effectivement à être concomitants, quels électeurs seraient attirés vers les urnes? Dans un sondage Ifop publié dans le JDD, 73% des Français se disent favorables à un référendum. Mais parmi ces soutiens, une majorité écrasante provient du RN (87%) ou de La France insoumise (85%), soit les opposants les plus farouches à Emmanuel Macron.

Les sympathisants de La République en marche, eux, ne seraient que 53% à exiger la tenue d'un référendum. Une méfiance qui pourrait se traduire en démobilisation ou, à tout le moins, une mobilisation moins forte que celle du RN ou de LFI.

D'où l'idée, privilégiée par un grand nombre de soutiens du Président, de ne pas se précipiter: d'abord se refaire une santé politique avec des européennes gagnables et, ensuite, attendre quelques mois avant d'organiser un référendum "bien cadré". Et éventuellement s'éviter, ainsi, un violent retour de bâton.

Jules Pecnard