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Gouvernement

La pression monte sur Hulot à l'approche de la décision sur Notre-Dame-des-Landes

Nicolas Hulot à l'Assemblée nationale le 10 octobre 2017.

Nicolas Hulot à l'Assemblée nationale le 10 octobre 2017. - Bertrand GUAY / AFP

Nicolas Hulot pourra-t-il rester au gouvernement si le feu vert est donné au projet en décembre? C'est peu probable. Au-delà de ce dossier à haut risque, pour le politologue Daniel Boy, le ministre qui apparaît éternellement sur la sellette est victime d'une malédiction qui a touché avant lui tous ses prédécesseurs à l'Ecologie.

"La politique, ce n'est pas mon ADN. Cette voie-là est sans issue, elle est ingrate". Ce constat, dressé en 2013 par Nicolas Hulot dans son livre Plus haut que mes rêves, sonne aujourd'hui comme un cruel rappel. Il est cité dans un article du Point publié ce jeudi, qui dépeint la solitude et la frustration du ministre de la Transition écologique. Evoquant sa nomination dans le gouvernement d'Edouard Philippe, l'ancien animateur vedette parle d'une mue "brutale", se dit "happé comme dans un fleuve en crue", et confie ses difficultés pour "garder la tête froide et le regard sur l'horizon".

"Je passe mon temps à dire: mais laissez-moi réfléchir un peu!", lâche le ministre, qui n'a pas peur de s'avouer dépassé.

"Quelqu'un qui a des convictions"

Quatre ans après avoir écrit sur l'ingratitude de la politique, Nicolas Hulot la vit de plein fouet. Comme quand l'exécutif lui a imposé de quelle manière et à quel moment annoncer, le 7 novembre dernier, que la réduction de 75% à 50% de la part du nucléaire dans la production d'électricité était reportée à "2030 ou 2035". Colère de Nicolas Hulot au milieu des dorures de l'hôtel de Roquelaure qui abrite le ministère, mines déconfites de ses secrétaires d'Etat pendant la conférence, l'hebdomadaire retrace le fil de cette séquence qui donne l'impression d'un ministre sur le fil.

"Je ne sais pas si on peut parler de quelqu'un qui était fou de rage. On peut surtout parler de quelqu'un qui a des convictions", a réagi Brune Poirson, l'une de ses secrétaires d'Etat, ce vendredi sur LCP.

La malédiction d'un ministère

Nicolas Hulot, qui se sait attendu au tournant, ne cache pas les siennes, de convictions. Pour Daniel Boy, directeur de recherches à Sciences Po, c'est peut-être là sa seule marge de manoeuvre: s'exprimer sans réserve. "Quand on est ministre de l'Ecologie, on est toujours sous pression des médias et des concurrents. C'était déjà vrai avec Corinne Lepage" ou Ségolène Royal, analyse le politologue, contacté par BFMTV.com.

"C'est l'enfer d'être ministre de l'Environnement, avance Daniel Boy. Avec Nicolas Hulot le phénomène est accentué car c'est un personnage connu, qui a du caractère. A peine arrivé, on le disait déjà sur le départ. Au lieu de subir cela, il explique qu'il n'est pas très heureux."

L'écologie reste étrangère à la politique

"Qu'on ait des moments où on est crevé, où on se dit 'pourquoi il faut dépenser autant d'énergie pour convaincre l'humanité de se sauver d'elle-même?', c'est vrai qu'à des moments on en a marre, mais c'est normal, c'est humain, mais une fois qu'on a dit ça, une bonne nuit et on repart au front", expliquait Nicolas Hulot sur BFMTV et RMC le 8 novembre. 

Pour Daniel Boy, "l'écologie est tellement étrangère à la politique, de gauche comme de droite, qu'un ministre de l'Environnement est toujours battu d'avance". 

"Pour l'écologie, c'est l'action politique de longue durée qui est importante, alors qu'en tant que ministre on passe son temps à éteindre des incendies", explique-t-il, pointant une incompatibilité entre la temporalité de l'écologie et celle de la politique.

"J'assumerai mes responsabilités"

Pour Nicolas Hulot, les rumeurs de démission ont commencé à circuler très tôt. Malgré les entretiens réguliers du ministre avec Edouard Philippe et Emmanuel Macron, qui auraient notamment pour but de le préserver, elles sont persistantes. "Aujourd'hui, je me sens très utile. En décembre, vous me reposerez la question", a lancé le ministre le 12 octobre sur France Inter, au lendemain d'un de ces rendez-vous élyséens.

Le mois à venir s'annonce déterminant. Le 1er décembre, un trio d'experts chargé d'une mission de médiation initiée en juin 2017 doit rendre son rapport sur le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Les ministres doivent ensuite en débattre et avant Noël, le président rendra sa décision. Quelle qu'elle soit, elle pourrait bien déterminer l'avenir de Nicolas Hulot au gouvernement.

"Je ne veux pas m'exprimer sur Notre-Dame-des-Landes parce que je vais encore me faire engueuler, on va me dire 'tu n'es pas neutre'. On connaît ma position (...) croyez-moi, j'assumerai mes responsabilités", affirmait-il encore sur France Inter. 

Un "sujet empoisonné"

Nicolas Hulot a-t-il fait d'un feu vert à Notre-Dame-des-Landes sa "ligne rouge"? Son entourage est divisé sur la question. "Nicolas ne trace pas de ligne rouge sur tel ou tel sujet. Il préfère évaluer sa capacité à peser sur l’ensemble des dossiers", jure son ancien porte-parole Matthieu Orphelin, député LaREM de Maine-et-Loire en juin, dans L'Express. "Le ministre s’est fixé une ligne rouge : ne pas tolérer un investissement qui fasse ressurgir les modèles du passé", explique au contraire un de ses conseillers, cité par L'Opinion ce vendredi.

"Notre-Dame-des-Landes est très symbolique, c'est un sujet empoisonné, ça devient une ligne rouge qu'il le veuille ou non", estime Daniel Boy. "Il me paraît évident que si le feu vert est donné, il devra partir, car il ne peut quasiment pas faire autrement. En revanche, si le projet est annulé, cela lui donnera un sacré poids", analyse le politologue. 

Un éventuel départ de Nicolas Hulot ne serait pas bon signe pour le gouvernement. Le ministre est l'un des rares à engranger dans les sondages une cote de popularité qui ne faiblit pas. Il a aussi le mérite d'être connu de tous les Français, contrairement à certains de ses collègues et même au chef du gouvernement. Pour Daniel Boy, l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes ne serait en outre pas très coûteux politiquement, alors que sa poursuite, elle, le serait. Car si le gouvernement décidait d'évacuer la zone, il lui faudrait notamment composer avec le spectre du barrage de Sivens et de la mort de Rémi Fraisse.

Charlie Vandekerkhove