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"Hypothèse", "pression sur l'Allemagne": l'exécutif envisage de livrer des chars Leclerc à l'Ukraine

Chars Leclerc en pleine manœuvre en décembre 2022, dans le cadre d'une mission de l'Otan en Roumanie.

Chars Leclerc en pleine manœuvre en décembre 2022, dans le cadre d'une mission de l'Otan en Roumanie. - Thomas Samson

L'exécutif réfléchit à livrer des chars Leclerc à l'Ukraine, qui a cruellement besoin de blindés dans sa guerre contre la Russie. Mais ce mercredi, l'Élysée a confié à BFMTV qu'il ne s'agissait que d'une hypothèse, et le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a rappelé aux sénateurs que pareille livraison exigeait quelques garanties.

Ce n'est pas un secret: dans la guerre qu'elle doit mener pour repousser l'envahisseur russe, l'Ukraine manque d'avions mais aussi de blindés. En décembre dernier, Valéri Zaloujny, le chef d'état-major de ses armées, avait d'ailleurs chiffré son besoin à "300 tanks".

Et on est loin du compte pour le moment. Certes, le Royaume-Uni a annoncé samedi un don de 14 chars Challenger 2, mais les Leopard 2 de fabrication allemande tardent à pointer le bout de leur canon. Et les chars Leclerc français dans tout ça? D'après les éléments recueillis par BFMTV auprès de l'exécutif ce mercredi, et les déclarations du ministre des Armées au Sénat, la chose est à l'étude mais aucune décision n'est arrêtée. Il faut dire qu'elle n'est pas exempte de considérations géopolitiques et exige des garanties.

Vers une "solution rapide"?

L'Élysée nous a d'abord confié que la fourniture de chars Leclerc à l'Ukraine demeurait "hypothétique" à ce stade. Toutefois, interrogé à ce propos au Sénat, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a confirmé: "Emmanuel Macron nous a demandé de trouver une solution rapide pour la livraison de chars à l’Ukraine."

Le ministre a d'ailleurs rappelé que la France avait proposé des blindés AMX 10-RC à son allié. "Une solution saluée par les Ukrainiens", a-t-il fait valoir. Mais ces engins sont plus légers que les chars Leclerc et sont plus propres aux missions de reconnaissance qu'au combat.

"Le maintien en condition " du matériel au centre des préoccupations

S'il a reconnu que la possibilité d'équiper les Ukrainiens en chars Leclerc était cependant à l'étude, Sébastien Lecornu a aussi souligné la nécessité d'observer une certaine prudence: "Nous instruisons la demande de chars Leclerc sur la base des critères que nous retenons pour chaque cession." Il les a alors listés: d'abord "nous assurer que l’équipement est utilisé à des fins défensives", puis "ne pas dégrader notre système de défense, et enfin la "garantie du maintien en condition opérationnelle de ce qui a déjà été livré à l'Ukraine".

Le ministre a ainsi déploré que l'un des canons CAESAR livrés était déjà "hors d'usage". "Le maintien en condition opérationnelle des chars Leclerc est une question particulièrement sensible", a-t-il lancé.

Entraîner l'Allemagne dans son sillage

Même dans le cas où Paris décidait de sauter le pas, Kiev ne devrait pas s'attendre à voir débarquer une armada. D'après nos informations auprès d'une source militaire, l'idée à l'étude est d'expédier un nombre très symbolique de chars Leclerc vers le front ukrainien, et ce, afin de faire pression sur les Allemands.

En effet, tous les regards, ukrainiens et européens, sont braqués depuis plusieurs jours sur les Leopard 2 produits par les usines allemandes. Et en abondance: l'Allemagne en a produit 2000 pour les vendre à des partenaires continentaux. Or, deux d'entre eux, la Pologne et la Finlande, ont dit leur volonté de livrer certains de leurs exemplaires à la nation agressée. Sauf qu'ils ont besoin de l'accord de Berlin pour passer à l'acte: l'Allemagne exige des États acheteurs qu'ils sollicitent son agrément avant de céder un armement fabriqué sur son territoire à un pays tiers. Et la chancellerie freine pour le moment des quatre fers.

Patrick Sauce et Ulysse Gosset avec Robin Verner