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Européennes: Édouard Philippe paiera-t-il les pots cassés d'une défaite de LaREM?

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À mesure que se profile une victoire du Rassemblement national le 26 mai, l'hypothèse d'un remaniement, y compris à Matignon, se raffermit. À La République en marche, certains la récusent catégoriquement.

"Je n’ai jamais fait de politique-fiction. J’ai toute confiance en Édouard Philippe qui s’engage sans compter auprès des pro-européens." Cette phrase d'Emmanuel Macron, prononcée au cours de sa longue interview accordée récemment à la presse régionale, ne semble souffrir d'aucune ambiguïté.

Et pourtant. À mesure qu'approche le scrutin des élections européennes, avec la perspective d'un Rassemblement national en tête, la question de la pérennité du Premier ministre à son poste commence à se poser. Durant cette campagne difficile, qui a vu la tête de liste de La République en marche trébucher à quelques reprises, Édouard Philippe n'aura pas démérité, volant régulièrement au secours de Nathalie Loiseau. "Il mouille la chemise", clame l'un de ses amis auprès de BFMTV. 

"Il est assez détendu"

"Un naufrage européen, par nature, va créer des problèmes", ajoute pourtant cette même source, consciente que le score final de LaREM, le 26 mai, pourra être interprété de multiples façons. 

"Édouard est assez structurellement détendu sur la suite le concernant. Il s’est mis au grand débat national un peu tard, mais il déteste se fermer des portes, il garde tout ouvert. Il veut rester Premier ministre. Il ne veut pas quitter Matignon pour Paris." 

Ce que l'ancien maire du Havre a pour lui, Emmanuel Macron entend le conserver: sa loyauté. Le problème, c'est que le chef de l'État lui-même a évoqué devant ses ministres, comme le rapporte Le Figaro, l'idée d'un remaniement post-européennes d'ampleur. Une déclaration d'intention qui ne visait pas spécifiquement le locataire de Matignon, mais qui emporte nécessairement comme conséquence de mettre le gouvernement sous tension. Et d'aiguiser les appétits.

Renforcer l'axe Matignon-Bercy

"Est-ce qu'Édouard Philippe sera toujours Premier ministre après dimanche? Je n'en ai pas la certitude", avance un pilier de la macronie auprès de BFMTV. Et de constater froidement:

"Quel que soit le résultat, on ne pourra pas se passer d’un changement de méthode et de gouvernance. Il n’y a pas d’équipe ministérielle. L’Acte II du quinquennat n’est pas lancé." 

Pour ce cacique de LaREM, le timing n'est pas le bon: "Ce serait mieux après les municipales." À l'instar de ce qui s'était produit durant le quinquennat précédent, lorsqu'en mars 2014, la lamination du Parti socialiste dans des milliers de villes avait contraint François Hollande remplacer Jean-Marc Ayrault. 

D'ici mars 2020, certains plaident d'ailleurs pour un renforcement de l'axe Matignon-Bercy, autrement dit celui jumelant Édouard Philippe (et ses alliés) aux équipes de Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. Des pièces essentielles de l'aile droite de la macronie, des politiques purs et durs, aptes à consolider l'Acte II du mandat. Et qui feraient contrepoids par rapport à l'aile gauche, qui va se structurer petit à petit.

"Si on est sous les 20%, il y aura questionnement"

Interrogé sur les conséquences du scrutin de dimanche, un autre pilier du parti présidentiel envisage deux scénarios: 

"Si on est dans un mouchoir de poche, devant ou derrière, je ne vois pas de remaniement. Si on est à trois ou quatre points derrière le RN, ou en dessous de 20%, il y aura un moment de questionnement dans la majorité. Donc forcément, il faudrait changer le dispositif." 

Cette projection correspond, d'une certaine manière, à l'habitus politique de "l'ancien monde". À ceci près que les élections européennes, traditionnellement, n'ont jamais chamboulé le cours d'une vie gouvernementale. 

Schéma inverse?

Un député majeur du groupe LaREM à l'Assemblée nationale va même jusqu'à envisager l'exact inverse de ce schéma classique:

"Connaissant le président de la République, il serait capable, en cas de grande victoire, de tout changer pour préparer l'Acte II sur de nouvelles bases. C'est comme au football américain: on a fait une belle action, on a marqué le touchdown, donc on revient en défense et on change l'effectif et la stratégie", analyse-t-il auprès de BFMTV.com.

Quand bien même Emmanuel Macron déciderait de changer sa "chorégraphie" en cas de défaite, ce dont cet élu n'est absolument pas convaincu, Édouard Philippe ne plierait pas bagages contraint et forcé.

"Le président n'a jamais cédé aux sirènes du remaniement, hormis après les démissions abruptes de Hulot et Collomb. Si le Premier ministre part, Macron fera ça proprement. Et puis les juppéistes ne sont pas des gens qui paniquent. Ils prennent ce genre d'initiative d'eux-mêmes, dans le calme", poursuit le député marcheur. 

"Je ne le vois pas du tout menacé"

Interrogé par BFMTV, un ami du chef de l'État se veut plus définitif: "Je ne le vois pas du tout menacé, Philippe. Je n’ai jamais vu un couple exécutif aussi fusionnel. Ils s’entendent bien, le Premier ministre se met toujours derrière Macron."

Et ce proche d'Emmanuel Macron de conclure en se projetant dans l'été, avec son calendrier législatif très chargé:

"Si le Premier ministre fait la réforme des retraites, la révision constitutionnelle, la refonte de l'Assurance-chômage, de la fonction publique, la loi Santé et celle sur l'école, il pourra dire, 'j’ai fait le job'!" 
Jules Pecnard avec Camille Langlade